ALTERNANCE HISTORIQUE EN RDC, UNE ANNEE APRES

LE DECRYPTAGE

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Alors que l’année 2020 commence par la grogne estudiantine sur le campus de l’Université de Kinshasa, que le Chef de l’Etat a décidé de fer­mer jusqu’à nouvel ordre à cause des troubles observés suite à un réajustement des frais aca­démiques, il est nécessaire de jeter un regard sur l’année 2019, qui vient de s’achever.

24 janvier 2019-24 janvier 2020, une année depuis cette alter­nance historique au sommet de l’Etat congolais à l’issue de la­quelle Joseph KABILA a remis les armoiries de la RDC à son successeur Félix Antoine TSHISEKEDI TSHILOMBO. C’est donc un événement hautement symbolique que s’apprête à cé­lébrer en grandes pompes la RDC.

Une année après cette alternance politique historique, à quoi ressemble la République Démocratique du Congo en général, et l’aréopage politique congolais en particulier?

Décryptage !

Les vieux démons, encore eux !

La République Démocratique du Congo est régulièrement ci­tée parmi les Etats les moins respectés suite à de nombreuses accusations de corruption et de détournements des deniers publics. L’ère TSHISEKEDI n’est pas encore prête à changer cela.

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Au début de la deuxième moitié de l’année 2019, un scandale a éclaté depuis le camp présidentiel et pas plus loin qu’au sein du bureau de son Directeur de Cabinet, à qui il est imputé le détournement des 15 millions de dollars américains issus des opérations entre l’Etat Congolais et les pétroliers.

Des simples rumeurs pouvait penser la population, mais hé­las, rien de plus officiel que des correspondances entre un Ins­pecteur des Finances, un Conseiller spécial du Président de la République et le Directeur de Cabinet et partenaire politique de TSHISEKEDI.

Chacun voulant soit expliquer soit enjoindre ou encore dis­suader l’autre dans son entreprise, au grand dame de la po­pulation effarée alors qu’elle pensait à l’avènement d’un Etat de droit.

Lors de sa tournée en Europe en septembre 2019, le Président congolais tente de calmer le jeu en présentant ces 15 millions de dollars comme étant des rétro-commissions.

Une déclaration qui a divisé l’opinion, mais qui a cependant réussi à écarter l’épée de Damoclès qui pesait sur la tête de Vital KAMERHE.

Soupçons de corruption dans le camp TSHISEKEDI, et bien­tôt dans le camp KABILA.

Alors que le peuple attendait plus que jamais 2020 afin de ne vivre que des actions, une autre accusation de détournement s’invite. Sauf que cette fois-ci, elle concerne Albert YUMA MULIMBI, connu très proche de Joseph KABILA et actuel gestionnaire de la Gécamines, cette ancienne poule aux oeufs d’or du Congo.

200 millions de dollars américains, oui, c’est bien plus lourd que 15 millions, qui auraient quitté les comptes de la Géca­mines pour atterrir dans ceux d’une entreprise considérée comme écran et avec laquelle l’entreprise congolaise n’entre­tient aucune relation de créance.

L’accusation soutient que la Géca­mines aurait payé ou serait en voie de payer autant d’argent au titre de remboursement d’une série des dettes contractées quelques années plus tôt.

Des nouvelles qui ne savent laisser in­différents peuple et politiques qui ré­agissent farouchement en demandant un éclairage rapidement dans ces dos­siers.

Un de trop, de l’avis de plusieurs, tant un mois auparavant, la prison centrale de Makala à Kinshasa avait accueil­li un certain LOBO, conseiller ad­ministratif du Chef de l’Etat, accusé d’usurpation de pouvoir et d’opacité dans l’octroi d’une autorisation d’ex­ploitation minière. Un coup tordu qui aurait rapporté 2 millions de dollars à l’infortuné.

“Je suis au courant de la persistance des pratiques de la corruption et de l’existence des réseaux de fraude mas­sive”, a asséné le nouveau président, dans son premier discours sur l‘état de la Nation devant le Parlement.

“Tous ces réseaux seront démante­lés. Et je serai intraitable dans la lutte contre la corruption”, a-t-il répété à deux reprises.

Des déclarations du Chef de l’Etat congolais à ne négliger sous aucun prétexte.

Beni, le talon d’Achille de la gestion TSHISEKEDI

Il l’avait promis au début de son quin­quennat en janvier 2019, Beni sera le siège de l’Etat-Major avancé des Forces armées de la RDC. Une promesse que Félix TSHISEKEDI avait faite à la po­pulation et aux troupes congolaises pour démontrer toute sa détermina­tion à en finir avec les tueries des re­belles ADF NALU, causant l’instabilité dans la partie Est du Congo.

Une initiative que l’homme d’Etat a eu du mal à mettre sur les rails, sur­tout qu’en septembre les FARDC an­noncent la mort suite à une de leurs frappes, du Chef rebelle Sylvestre MU­CADAMURA. Un franc succès pour les troupes congolaises qui ne leur aura pas procuré un doux sommeil puisqu’il sera suivi d’une recrudes­cence des tueries à Beni et ses envi­rons.

Goma dans le Nord-Kivu le 26 novembre à 12 heures, ces person­nalités se sont rendues à Beni afin de mener à bien leur mission : mettre fin aux tueries causées par des présumés ADF.

Dans son discours sur l’état de la Na­tion, Félix TSHISEKEDI a promis qu’il serait prêt à aller jusqu’au sacrifice su­prême pour garantir la paix sur toute l’étendue de la République Démocra­tique du Congo, et dans sa partie Est spécialement.

“Et cette paix, croyez-moi, je suis prêt à mourir pour qu’elle soit une réalité”, avait-il dit lors d’un meeting populaire à Bukavu. Une façon pour lui de dé­montrer toute son abnégation à paci­fier le Congo.

Une sphère politique plus que jamais volcanique

“Il faut considérer le message de Ne MWANDA NSEMI comme un SOS politique pour attirer l’attention des frères Ne kongo, des hommes de bonne foi et les Institutions du pays sur sa situation. Son état de santé n’est pas bien. Je l’ai rencontré par deux fois depuis que je suis sorti de la prison et son propos constitue même un piège parce que si vous allez dans la radica­lisation et l’arrêtez, il va mourir en pri­son et on dira que Félix TSHISEKEDI a tué Ne MUANDA NSEMI”.

Ce conseil est de Franck DION­GO, leader du Mouvement Lumum­biste Progressiste (MLP), au sor­tir de sa rencontre avec Zacharie BADIANGILA dit Ne MWANDA NSEMI Chef spirituel et politique du mouvement Bundu Dia Mayala.

C’est le dernier épisode qui a secoué le milieu politique congolais.

Réapparu le 7 mai 2019 au côté du Président du Conseil national pour le suivi de l’accord de la Saint Sylvestre Joseph OLENGHAKOY après deux ans de clandestinité de suite de son évasion de la prison de Makala, Zacha­rie BADIANGILA dit Ne MWANDA NSEMI s’est autoproclamé Président de la République Démocratique du Congo le samedi 04 janvier 2020 après avoir prêté serment devant les adeptes de sa secte.

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Dans son discours, l’homme évoque la « fin du règne de Félix TSHISEKEDI ». D’après lui, l’actuel président « dirige le pays avec le Rwanda en complicité avec sa femme » qui serait de cette na­tionalité.

Par ailleurs, le leader du mouvement politico-religieux Bundu Dia Mayala a demandé à l’ancien président Joseph KABILA de « choisir un pays d’exil et de revenir après 3 ans avec le statut d’investisseur et non de président de la République ».

Du même avis que Franck DIONGO, les politiques congolais n’accordent aucun crédit à la saga Ne MWANDA NSEMI.

Mais que font-ils pendant ce temps?

Martin FAYULU, la vérité des urnes Forever

Arrivé second à la Présidentielle de dé­cembre 2018, l’ancien Coordonnateur de la plateforme LAMUKA, Martin FAYULU MADIDI n’a jamais digéré sa défaite devant Félix TSHISEKEDI et continue à clamer sa victoire écrasante en demandant la vérité des urnes.

Une année après l’alternance politique mémorable en RDC, Martin FAYULU n’a pas changé le fusil d’épaules, bien au contraire, il conforte sa position. Même quand ses anciens partenaires au sein de LAMUKA, du plus puis­sant KATUMBI au plus charisma­tique dans l’Est MBUSA NYAMUISI, quittent le navire.

En décembre 2019, accompagné de son fidèle ami et collaborateur Ado­lphe MUZITO, FAYULU décide de fêter Noël à Beni aux côtés des congo­lais victimes des affres depuis de nom­breux mois. Après une interdiction de l’Autorité de l’aviation civile, les deux hommes parviennent à s’y rendre et sur le chemin de retour posent leurs valises à Kikwit.

Leur discours n’a pas perdu de sa substance, ils ne feront jamais de l’op­position républicaine ; ils vont s’op­poser tout simplement. D’ailleurs, ils appellent à une grande manifestation fin janvier à Kinshasa pour pester contre la première année de la gestion TSHISEKEDI-KABILA.

KATUMBI, pragmatique avant tout

Il n’avait pas fallu beaucoup de temps à la communauté pour comprendre l’harmonie relationnelle entre Félix TSHISEKEDI et Moïse KATUMBI. En une année, le cinquième Président de la RDC a octroyé un nouveau passe­port diplomatique à l’ancien gouver­neur du Katanga, facilité son retour au Congo, calmé les ardeurs de la justice congolaise qui en avait après lui, et le chairman katangais le lui rend bien.

Le leader d’Ensemble a visiblement su convaincre son ami Jean-Pierre BEM­BA pour laisser TSHISEKEDI diriger sans subir de leur part combats poli­tiques stériles. Les deux membres stars de la plateforme LAMUKA se disent de l’opposition républicaine et exi­geante.

BEMBA encore aux prises avec la jus­tice internationale, a laissé KATUMBI assurer ses arrières aux côtés de Félix TSHISEKEDI.

Et pour tuer tout espoir de voir LAMUKA oeuvrer contre la coalition TSHISEKEDI-KABILA, Moïse KA­TUMBI, encouragé par ses pairs, a lancé la première dizaine de décembre 2019, son parti politique : Ensemble pour la République et se prépare déjà à se présenter comme candidat Pré­sident en 2023. Une campagne qu’il entreprendra peut-être avec Félix TSHISEKEDI.

Tous les partis membres de G7 ou d’Ensemble pour le changement se sont fondus au sein de ce nouveau parti. Les LUMBI, LUTUNDULA ou encore KAMITATU n’ont pas quitté le rang.

Déjà fragilisés par les départs MBUSA NYAMUISI, qui a rejoint le camp pré­sidentiel pour pacifier l’Est de la RDC, et de Freddy MATUNGULU nommé administrateur à la Banque Africaine de Développement, Martin FAYU­LU et LAMUKA tiennent encore la barque dans ce début de la deuxième année de l’alternance. Dieu seul sait jusqu’où.

Fidélité à l’Autorité morale

Au Front commun pour le Congo, un des vainqueurs de cette première année de l’alternance, l’ambiance est plus au garde à vous. A l’exception de Modeste BAHATI dont le départ frus­tré lui a causé cuisante défaite contre THAMBWE MWAMBA pour la pré­sidence du Sénat, tous les cadors du FCC restent fidèles et loyaux à Joseph KABILA, qu’ils appellent affectueuse­ment Autorité morale.

Majoritaire dans toutes les institutions du pays, le FCC continue de damer des pions à tous ses partenaires et conso­lide sérieusement sa puissance.

Pas de nature à rester sur sa faim, Jo­seph KABILA, connu énigmatique, a dévoilé une facette de sa stratégie pour 2023. Contre toute attente pour cer­tains, et sans surprise pour les avertis, Alain ATUNDU LIONGO, a annoncé le 7 janvier 2019 à Kinshasa, la trans­formation en parti politique du FCC.

Une annonce ayant fait l’effet d’une bombe au sein de grands partis tel que le Parti du Peuple pour la Recons­truction et le Développement (PPRD), visiblement pas intéressé à l’idée de perdre de sa superbe même aux yeux de ses partenaires.

Entreprises publiques : le chas de l’ai­guille

Un article de Jeune Afrique paru le 29 octobre 2019, faisait allusion à l’in­fluence de maman Marthe KASALU TSHISEKEDI, devenue maman natio­nale. D’après ce papier, de nombreux candidats pour une nomination à la tête d’une entreprise publique défilent à Limete 10ème rue afin de bénéficier des faveurs de la maman nationale ; celle-ci pouvant influencer les choix de son fils Président.

Eh oui, ça se bouscule sur la route des entreprises publiques.

Après la polémique autour des nomi­nations controversées à la Gécamines et à la Sncc (société nationale de che­min de fer du Congo), les congo­lais de tous bords attendent de pieds fermes des éventuelles nominations à la tête de toutes les entreprises pu­bliques congolaises. En la matière, il n’y a aucune différence concernant la taille de la boîte à gérer. Dans un pre­mier temps, il faut y être, président du Conseil d’administration, Directeur général ou juste membre du Conseil, peu importe, il faut être nommé.

Les alliés au pouvoir devront certai­nement encore se concerter pour le partage de gâteau, car c’est à cela que ressemblent ces nominations.

Pour y arriver, tous les moyens sont bons. Les recalés du gouvernement ILUNKAMBA ne jurent que sur une récupération de leurs noms au profit d’un poste de mandataire. Outre me­sure, certains font recours à la fibre tri­bale ou relationnelle pour être parmi les heureux élus.

Une année après l’alternance, le ciel n’est pas tombé sur le Congo et ne le sera peut-être jamais ; cependant les espoirs de voir le pays de LUMUMBA décoller n’ont pas encore été transfor­més en convictions dans tous les sec­teurs de la vie.

Dans plusieurs d’ailleurs, c’est un statu quo qui est observé, au point que des gens perdent espoir, alors que dans d’autres, il est encore important de garder espoir de vivre des jours heu­reux.

Au moment où l’Eglise aussi bien ca­tholique que celle du Réveil se veut de plus en plus concernée par le bien-être du peuple, il sied d’espérer encore.

Qui vivra, verra !

Christian Mupakani Atemvul

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1 commentaire
  1. Cédric dit

    Ce le bilan qui cause toujours problème

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