Dissolution de l’Assemblée nationale : Les contours constitutionnels

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Dans un régime semi-présidentiel comme c’est le cas en République démocratique du Congo, le pouvoir n’est pas concentré entre les mains du seul Président de la République. Ainsi, un Président dépourvu d’une majorité au parlement a des marges des manœuvres très réduites.

Les résultats des élections de décembre 2018, ont donné pour vainqueur à la prési­dentielle, Félix TSHISEKE­DI, et le clan de Joseph KABILA vainqueur aux législatives nationales et provinciales.

S’il est vrai que durant les mandats de Joseph KABILA, celui-ci a dirigé le pays avec des premiers ministres issus pour la plupart de sa majorité parle­mentaire et d’autres issus de l’opposi­tion politique en ayant tous les moyens de sa politique, Félix TSHISEKEDI a quant à lui un cas bien différent.

En effet, la coalition Cach (Cap pour le changement) du 5ème Président de la RD Congo n’a pas su obtenir la majo­rité des sièges à l’Assemblée nationale et se voit, en conséquence, obligé de coaliser ou de cohabiter avec son ri­val d’hier qui pèse très lourd au sein des Institutions du pays, soit 42 postes ministériels sur 65, la présidence du Sénat, la présidence de l’Assemblée nationale sans oublier le nombre écra­sant de ses gouverneurs et présidents des assemblées provinciales.

 

Conséquences d’un mariage forcé

Bien qu’ayant opté pour la coalition, les ennemis d’hier, devenus alliés de circonstance se regardent en chiens de faïence à l’exemple des nominations du 03 juin 2019 par le Président Félix TSHISEKEDI dans deux importantes entreprises publiques en l’occurrence la Société nationale des chemins de fer du Congo (SNCC) et la Générale des carrières et des mines (GECAMINES) bloquées jusqu’à ce jour par le Ministre FCC ayant en charge les portefeuilles du fait que ces nominations n’auraient pas au préalable fait objet des discus­sions au sein de deux coalitions.

 

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Lorsque le Secrétaire permanent du parti de Kabila en matinée politique à Lubumbashi insinue qu’avec le nou­veau Président, le détournement des deniers publics commence à devenir une normalité ; que le Président ho­noraire Joseph KABILA est le pro­priétaire de l’Etat et qu’en réaction, le Président a.i. du parti présidentiel a, entre autres, menacé de fouiner dans la gestion de l’ancien Président, on le voit bien, l’avenir de la coalition FCC – CACH semble très incertaine.

 

La dissolution de l’Assemblée natio­nale et ses limites légales

En République Démocratique du Congo tout comme dans certains pays, la dissolution de l’Assemblée nationale est un droit exclusivement réservé au Président de la République. Cette démarche consiste à annuler le man­dat de tous les députés nationaux en exercice et de provoquer des élections législatives anticipées. C’est une arme redoutable capable de reconfigurer et redistribuer les cartes sur la scène po­litique.

En effet, aux termes de l’article 148 de la Constitution du 18 février 2006, le Président de la République dispose du pouvoir de dissolution uniquement de l’Assemblée nationale. Cependant, ce pouvoir de dissolution ne peut être exercé que dans des conditions très strictes.

 

A ce sujet, trois conditions doivent impérativement être réunies :

Primo : Il faut qu’il y ait une crise per­sistante entre le Gouvernement et l’As­semblée nationale.

Une seule crise entre l’Assemblée na­tionale et le Gouvernement n’est pas une justification suffisante et valable pour prétendre à la dissolution de l’Assemblée nationale, mais plutôt une crise persistante. Selon le dictionnaire Larousse, persister signifie durer, sub­sister. Pour certains autres diction­naires, persister ‘’c’est rester malgré les actions prises pour faire disparaître’’. Autrement dit, il devra s’agir d’une crise qui dure dans le temps, qui per­siste en dépit des efforts faits dans le sens de concilier les deux Institutions. Pour une Assemblée nationale et un Gouvernement largement dominés par le camp autre que celui de l’actuel Président, un tel scénario paraît peu probable. A moins d’en fabriquer une artificielle.

 

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Le fait pour un Président de la Ré­publique de ne pas disposer d’une majorité parlementaire n’est pas un motif aux termes de la Constitution, pour dissoudre l’Assemblée nationale dans l’espoir d’en obtenir une acquise à sa cause. En d’autres termes, l’ob­jectif final de la dissolution c’est celle de mettre fin à une crise qui s’éternise entre l’Assemblée nationale et le Gou­vernement.

 

Secundo : Avant de prononcer la dissolution, le Président de la Répu­blique est tenu de consulter le Premier Ministre et les Présidents des deux Chambres du Parlement (Assemblée nationale et Sénat)

Il s’agit ici d’une simple consultation sans plus. Le Président de la Répu­blique n’est pas obligé de tenir compte de leurs avis.

 

Tertio : Aucune dissolution ne peut in­tervenir dans l’année qui suit les élec­tions, ni pendant les périodes de l’état d’urgence, de siège ou de guerre, ni pendant que la République est dirigée par un Président intérimaire.

La RD Congo n’étant pas dans les pé­riodes ci-haut évoquées et n’ayant pas à sa tête un président intérimaire, 2020 constitue l’année où le scénario de dis­solution de l’Assemblée est pleinement possible.

 

Impacts de la dissolution de l’Assem­blée

Dans le cas de la dissolution de l’As­semblée nationale, la Commission électorale nationale indépendante est tenue d’organiser des nouvelles élec­tions législatives nationales dans le délai de soixante jours suivant la date de publication de l’ordonnance de dis­solution (Art. 148 alinéa 3).

Le Gouvernement étant l’émanation de l’Assemblée nationale, la dissolu­tion de cette dernière est fatale pour lui. Aussitôt l’Assemblée dissoute, ce­lui-ci devient ipso facto démission­naire puisque le Premier Ministre est nommé au sein de la majorité parle­mentaire.

 

La dissolution vue d’ailleurs

Beaucoup des pays dans le monde ont dans leur histoire récente, connus des cas de dissolutions de leurs Assem­blées nationales ou Parlements.

Le Gouvernement Gabonais par exemple s’est vu contraint à la démis­sion en avril 2018 après deux reports des élections législatives qui auraient dû se tenir depuis décembre 2016. Cette démission était consécutive à la dissolution de l’Assemblée nationale par la Cour Constitutionnelle.

Le 09 novembre 2018 au Sri Lanka, le Président de la République avait, quant à lui, dissout le parlement après avoir constaté qu’il ne disposait pas d’une majorité suffisante au parlement à même de lui permettre de nommer son candidat au poste de Premier mi­nistre.

En Bulgarie, seulement 5 jours après sa prise de fonction en date du 22 janvier 2017, le Président RUMEN RADEV, a eu aussi à dissoudre l’Assemblée na­tionale et convoquée des législatives anticipées en vue de mettre fin à une crise politique que traversait son pays rendant impossible la formation du Gouvernement

 

Joachim COKOLA

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