Contrat chinois 12 ans après,
Félix Tshisekedi prône une coopération étatique et formelle
Si depuis environ soixante ans la République démocratique du Congo et la Chine entretiennent de bonnes relations bilatérales, leur coopération a gravité les douze dernières années autour des contrats chinois, dont le troc «infrastructures contre ressources minières ». Le Président Félix Antoine Tshisekedi souhaite plutôt revoir les modalités de cette coopération.
Le 11 juin 2019, en recevant des mains du vice-ministre chinois des Affaires étrangères, Chen Xiaodong, la lettre d’invitation de son homologue Xi Jinping, le président Tshisekedi avait indiqué qu’il souhaite revoir les modalités de coopération bilatérale avec l’Empire du Milieu. Pour le chef
de l’Etat congolais, la coopération sino-congolaise doit désormais être plus étatique et plus formelle.
Quid des « contrats chinois » ?
La mise en œuvre de la convention de collaboration signée le 22 avril 2008 entre le Congo et un groupement d’entreprises chinoises, appelée communément « contrat chinois » se poursuit jusqu’à ce jour. Les deux projets, minier et infrastructures, continuent 12 ans après, malgré les difficultés rencontrées. D’après Moïse Ekanga, Secrétaire Exécutif du Bureau de coordination et de suivi du programme sino-congolais (BCPSC), à la fin de l’année 2018, plus ou moins 738 millions de dollars ont été investis dans les projets d’infrastructures, soit 24,6% de décaissement et 1,729 milliard de dollars dans le projet SICOMINES, soit 57,6% de décaissement. Le montant global des deux projets s’élève à 2,467 milliards de dollars sur les 6,2 milliards de dollars convenus en 2008 par les deux parties, soit 39,7% de décaissement. Il était au départ prévu qu’Exim Bank finance, avec une cagnotte de 6,2 milliards de dollars, le secteur minier à hauteur de 3,2 milliards et le secteur des infrastructures à hauteur de 3 milliards de dollars.
L’exploitation par la SICOMINES et le déficit énergétique
Finalement, c’est en 2016 que la SICOMINES avait commencé l’exploitation minière, le remboursement de la dette aussi, selon une quotité des bénéfices générés. En cette première année, elle avait produit 60 millions de dollars. En 2017, elle avait réalisé 232 millions de dollars et 400 millions de dollars en 2018. La convention signée par la RDC et la Chine stipule que le projet minier prend en charge le remboursement des fonds investis dans le projet, voire les intérêts générés. L’argent produit est réparti tel que les actionnaires se partagent 30% de bénéfices réalisés alors que 70 % servent au remboursement des financements du projet infrastructures et du projet minier, en raison de 60% et 40%.
Les difficultés d’électricité sont venues retarder ou ralentir le rythme de production, et par ricochet celui de décaissement au bénéfice du projet d’infrastructures. La première phase du projet minier prévoit une production annuelle de 125 000 tonnes de cuivre, mais la deuxième phase, devant produire 250 000 tonnes, est tributaire du développement du projet de construction de la centrale hydroélectrique de Busanga. Toutefois, les travaux de construction de ladite centrale avancent bien et si tout va bien celle-ci pourra devenir opérationnelle à partir de 2021, ce qui permettra de combler le défcit énergétique que connait la joint-venture.
Organisation et fonctionnement de la SICOMINES
La SICOMINES avait été créée en vue de mobiliser des fonds auprès des bailleurs, lesquels devraient être remboursés après exploitation du cuivre et du cobalt. Ses actionnaires sont l’Etat
congolais, représenté par la Gécamines (32%) et les entreprises chinoises, représentées par Sinohydro et China Railways Construction (68%). L’Etat congolais y est représenté par le ministère des Mines, lequel délègue ses pouvoirs à l’Agence congolaise des grands travaux (ACGT). La négociation des contrats se fait entre l’ACGT et les entrepreneurs chinois, qui les envoient par après à la SICOMINES et au Bureau de coordination.
À partir du moment où un contrat est validé par la SICOMINES, elle l’exécute. Selon M. Moïse Ekanga, la SICOMINES a pour interface direct le Bureau de coordination.
Ce qu’était le contrat chinois au tout début
Le projet contrat chinois prévoyait l’octroi d’un prêt de 8,5 milliards de dollars par la banque chinoise Exim Bank. L’accord avait aussi prévu un prêt de 2 milliards de dollars, destinés à la modernisation de l’appareil de production minière. En 2008, il eut un ajout de 5 milliards de dollars, ce qui donnait à la Chine l’accès à l’exploitation du cuivre et du cobalt d’une valeur de 14 milliards de dollars. Du coup, les institutions de Bretton Woods déclenchèrent une forte pression.
En 2009, le Fonds monétaire international (FMI), avec Dominique Strauss-Kahn à sa tête, dénonça le troc qui était sur le point de commencer, en tentant d’empêcher la RDC de conclure avec la Chine ledit contrat, étant donné que le Congo devait encore 11,5 milliards de dollars aux créanciers occidentaux. La RDC a atteint le point d’achèvement de l’initiative Pays Pauvres Très Endettés (PPTE) en 2010.
Le projet sera ainsi réévalué au point que juste 3,2 milliards de dollars avaient été convenus pour le secteur minier et 3 milliards pour les infrastructures. « Ce programme appelé «5 Chantiers » était évalué à plus de 50 milliards USD au départ. Avec la crainte des bailleurs traditionnels de voir la RDC s’endetter davantage après la fin de l’initiative PPTE, ce contrat a été revu successivement à la baisse de 9 milliards USD à 6 milliards USD.
En définitive, la Sicomines devrait mobiliser 3,7 milliards USD pour le projet minier c’est-à-dire investir dans la production minière et la construction du barrage de Busanga et les 3 autres milliards devraient servir dans la construction des infrastructures », explique M. Moïse Ekanga. En réalité, les négociations avaient été faites entre le gouvernement congolais et les entreprises chinoises (China development Bank, les entreprises CREC et Sinohydro, Export Import Bank of China) en février 2007 et un protocole d’accord fut signé en septembre de la même année. Le gouvernement congolais avait besoin de beaucoup d’argent pour pouvoir financer la reconstruction du pays (routes, chemins de fer, écoles, hôpitaux…) et la Chine voulait investir dans le domaine des métaux non ferreux. Par conséquent, le gouvernement congolais avait pris l’engagement de céder à la SICOMINES les droits et titres miniers des gisements de Dikuluwe et de Mashamba, qui appartenaient à la Gécamines.