Destitué du Bureau de l’Assemblée Nationale, Jean-Marc Kabund : l’homme de trop ?

L’histoire collective congolaise retiendra la date du 25 mai 2020, non pas comme celle qui n’aura pas permis aux kimbanguistes de par le monde, de célébrer avec faste leur Noël kimbanguiste faute de Covid-19 mais bien comme celle qui aura offert l’occasion aux congolais et au reste du monde, d’assister à la destitution d’un membre influent du Bureau de l’Assemblée Nationale.

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La sanction est une denrée très rare en République Dé mocratique du Congo sur tout au sommet de l’Etat. Avant ce jour-là, les Députés nationaux n’avaient jamais destitué un membre du bureau
de leur prestigieuse chambre, qui plus est une figure de proue de l’actuel régime au pouvoir, en la personne de Jean Marc Kabund-a-Kabund. L’élu du Mont-Amba aux dernières législatives nationales de décembre 2018, était sur sellette suite à une pétition initiée par le Député national du Mlc, Jean Jacques Mamba.

Dans une série de correspondances ayant défrayé la chronique dans les réseaux sociaux, l’élu de la Lukunga demandait des explications au 1er vice-président du Bureau de l’Assemblée Nationale qui a évoqué sur les ondes de la célèbre radio Top Congo, l’enveloppe de 7 millions de dollars nécessaires à l’organisation d’un Congrès. Une démarche que Jean Jacques Mamba condamne,
arguant que cette forme de militantisme de Kabund jette du discrédit à la chambre basse du parlement.

C’est donc de là qu’est partie la saga Kabund jusqu’à déboucher à la destitution de ce dernier que d’aucuns considèrent comme un « homme de trop ». Et alors que l’Udps réunie autour de Félix Antoine Tshisekedi Tshilombo, le lundi 8 juin dernier, a levé l’option de présenter l’honorable Patricia Nseya en remplacement de Kabund-a-Kabund, ce dernier a, quant à lui, saisi les cours et tribunaux par le Conseil d’Etat afin de dénoncer l’irrégularité de son éviction et de l’élection prévue le 12 juin.

Une démarche que certains considèrent comme un affront à l’endroit du Chef de l’Etat, Président honoraire du parti. Cependant à en croire Augustin Kabuya, secrétaire général de l’Udps, la plainte de Kabund est logique et trouve son soubassement dans la déclaration du parti
tenue le 28 mai dernier, au lendemain de la destitution du président ad intérim Jean-Marc Kabund.

Inimaginable !

Alors que l’initiateur de la pétition contre Kabund, Jean Jacques Mamba est assigné à résidence surveillée sur une décision de la Cour de Cassation qui le poursuit dans une affaire de « faux en écriture », l’Assemblée Nationale s’est quand même réunie en session spéciale le lundi 25 mai dernier pour évaluer la conformité de la pétition de l’honorable Mamba.

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Après étude et analyse, le document a été jugé conforme et a donné le feu vert à Jeanine Mabunda, Présidente de l’Assemblée Nationale de la RDC d’ouvrir la plénière. Comme cela pouvait se pressentir, des vives tensions ont aussitôt gagné l’hémicycle du Parlement avec une motion de procédure lancée par Tony Muaba, un député de l’Udps, qui sera d’ailleurs rejetée. Ce qui a déplu à une frange des députés présents dans la salle allant jusqu’à occasionner une bagarre généralisée entre députés nationaux. La speaker de la chambre a pris ses responsabilités en suspendant momentanément la plénière avant de la reprendre quelques instants après.

Quelques interventions ont précédé le vote et celles-ci ont plutôt été dans le sens de l’éjection de Jean-Marc Kabund. Les dés étaient donc en train d’être jetés et le Congo s’apprêtait à vivre une première dans son histoire politique. La tendance va se confirmer à l’issue du vote. 315 bulletins de vote ont été comptabilisés parmi lesquels 289 pour la destitution de Jean Marc Kabund…
C’est un véritable coup dur pour l’Udps, parti au pouvoir de vivre l’éviction de son Président a.i dans une démarche assez insolite qu’il aurait pu éviter.

De nombreuses personnes pensaient que cette élection de Kabund au Bureau de l’Assemblée Nationale lancerait réellement sa carrière politique en lui offrant une expérience au haut niveau. Mais hélas, cela n’aura pas duré longtemps.

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…de trop !

Nous laissons 48heures à Félix Antoine Tshisekedi afin de retirer sa signature de l’accord de Genève… », avait ordonné Jean-Marc Kabund le lundi 12 novembre 2018 au lendemain de l’élection de Martin Fayulu comme candidat commun de l’Opposition congolaise au détriment de Félix Tshisekedi, mieux pressenti à la place.

Félix Antoine Tshisekedi n’avait d’ailleurs pas tergiversé avant de capituler face à cette volonté de son parti telle qu’exprimée par son Secrétaire général de l’époque. Cette scène qui, en même temps, a prouvé la démocratie qui règne au sein de l’Udps, avait poussé à l’interrogation sur la nature de la relation entre Kabund et Fatshi.

D’aucuns ont même conclu que Kabund dominait nettement le fls Tshisekedi dont le charisme naturel ne lui donnait pas encore suffisamment de pouvoir et d’autorité au sein du parti de son père.
Lorsque Félix Antoine Tshisekedi Tshilombo est élu à plus de 7 millions de voix, cinquième président de la RDC, les congolais ont non seulement salué l’avènement de la première alternance politique historique, mais surtout consacré le leadership croissant de Jean-Marc Kabund au sein de l’Udps qui, à la suite de l’élection de Félix, sera élu Député national dans
la circonscription de Mont-Amba.

Il sera ensuite le chef de la délégation de CACH, cette plateforme scellée fin novembre 2018 à Naïrobi entre Vital Kamerhe et Félix Tshisekedi, lors de toutes les rencontres avec les délégués
FCC, afn d’asseoir les bases d’une coalition au pouvoir entre les camps Kabila et Tshisekedi. Il est le fer de lance de l’Udps et de Cach. C’est d’ailleurs pour cela qu’il obtient les votes des
parlementaires de la nouvelle coalition pour être hissé au Bureau de l’Assemblée Nationale…
Cependant pour une partie de l’Udps, l’aile des intellectuels du Parti composée de Jacquemin Shabani, ancien Secrétaire Général du parti, Peter Kazadi, député provincial et ancien conseiller juridique de Tshisekedi père, et enfn Paul Tshilumbu, député national et porte-parole du parti, ne
voit pas nécessairement d’un bon œil l’envergure du « camarade Kabund », qui, depuis février 2019, est fait par un mandat spécial, Président ad intérim de l’Udps en cas d’empêchement de Fé-
lix Tshisekedi.

Ce qui était logique au départ, a aussitôt été balayé d’un revers de la main par Shabani et compagnie, condamnant et jugeant d’illégal tout acte que prend Kabund, dont la nomination d’Augustin Kabuya comme Secrétaire général sans que ce dernier ne soit préalablement élu au terme du Congrès comme le stipulent les textes et statuts de l’Udps.

Etouffé !

Par personnes interposées, les deux camps se livrent des combats quelque peu décevants dans la mesure où cela contraste avec toute la lutte de 36 ans qu’a menée Etienne Tshisekedi en vue
d’installer efficacement son parti dans le respect des congolais.
Avant son éviction du perchoir de l’Assemblée nationale, Jean-Marc Kabund avait créé « décision finale » une association démocratique aux allures de mouvement citoyen qu’il veut nationale, et cette énième initiative de Kabund n’a fait qu’embraser la forêt Udps dont les garants le  soupçonnent de trahison et de détournements de fonds alloués au parti à ses propres fans.

Pris par monts et par vaux, l’élu de Mont-Amba a petit à petit vu l’étau se resserrer autour de lui ces derniers jours et des politologues avisés rapprochent le théâtre Kabund à celui de Vital Kamerhe en 2009, dont le départ était minutieusement étudié dans les officines politiques. D’une part, Kabund se sentant étouffé, aurait peut-être planifié son départ du parti afin de voler de ses propres ailes. D’autre part, les adeptes de Félix Antoine Tshisekedi, désireux d’imposer leur chef comme le seul et unique maître des lieux, auraient orchestré le scénario de l’éviction de Kabund.

Des hypothèses que ni Kabund ni Tshisekedi ne commentent à ce jour.

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