Vital Kamerhe: Appétit du pouvoir, charisme encombrant et rendez-vous manqués avec l’histoire

C’est ce 20 juin que le Tribunal de Grande Instance de Kinshasa/Gombe va prononcer son jugement dans l’affaire dite de 100 jours, relative à des détournements des deniers publics destinés à l’érection des maisons préfabriquées en faveur des militaires et policiers congolais.

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Sur le banc des accusés, un certain Vital Kamerhe Lwa Kanyinginyi Kingi, autre fois Directeur de Cabinet du Chef de l’Etat congolais, Félix Antoine Tshisekedi Tshilombo et figure de proue de l’alternance historique à la tête de la République Démocratique du Congo.

D’accablantes accusations sont imputées au Direcab de Tshisekedi, en tête de gondole, le  détournement des deniers publics concernant l’érection des maisons préfabriquées.

Vital Kamerhe, qui a occupé les fonctions de superviseur du Programme d’urgence du Président Tshisekedi, dit de 100 jours, aurait passé des marchés de gré à gré avec une entreprise libanaise aux origines ambigües, spécialisée dans la construction et se serait impliqué personnellement pour que ce coup marche pour son grand bonheur.

Après quatre audiences organisées en chambre foraine, les congolais qui suivent religieusement le déroulement de ce dossier, s’apprêtent à vivre une situation historique ce 20 juin. S’il venait à être inculpé de 20 ans, comme le requièrent la partie civile et le procureur général de la République, Vital Kamerhe serait le premier politique congolais de premier rang à écrouer en
prison. L’avènement de l’état de Droit tel prôné n’est peut-être pas hypothé tique en RDC.

Par ailleurs, d’aucuns s’interrogent sur l’avenir de Kamerhe dont le parcours en politique impressionne et intrigue. Ayant brillamment gravi les échelons de la vie politico administrative congolaise, ce mystérieux sexagénaire que les congolais ont appris à appeler Kamerhéon à cause de son aptitude à s’adapter aux situations, était pressenti au piédestal de la gestion de la chose publique.

Que s’est-il passé ? Comment expliquer cette descente aux enfers ? Des questions auxquelles Heshima Magazine tente de répondre par ce décryptage !

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Procès de 100 jours : Ainsi sonne le glas !

C’était une journée très attendue, ce 11 juin 2020. Les différentes parties concernées par ce procès de 100 jours devaient déclamer leurs plaidoiries soit afin de clamer l’innocence des prévenus soit pour solliciter du tribunal, la confirmation des charges.

A 9heures du matin, la Radio-Télévision Nationale Congolaise, comme cela est devenu une habitude depuis le 11 mai, a pris le signal de la Prison de Makala où se tiennent les audiences foraines dans l’affaire dite de 100 jours. Et le grand show pouvait commencer pour plus de 10 heures de plaidoiries.

D’entrée de jeu, la partie civile aligne un avocat de haut vol en la personne du Professeur Kaluba. L’homme ne fait pas dans la demi-mesure, il assène des coups fatals au « prévenu Kamerhe »
qu’il retire de la liste d’intellectuels, qui, selon lui, constituent une class rare d’exceptionnelles gens. Dans un français peaufiné, il démonte la défense de Kamerhe en présentant les incohérences dans les arguments et des contradictions qu’il appelle « rattrapage ».

Prenant la parole à la suite de son confrère, le bâtonnier Coco Kayudi Misamu, a davantage renforcé la volonté de la partie civile d’écrouer Vital Kamerhe. D’une pièce à une autre, l’avocat de la Cour a rassuré détenir une centaine des pièces démontrant noir sur blanc les infractions de détournement, de corruption et de blanchiment des capitaux imputés à Kamerhe.

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Pendant plus de deux heures, la partie civile a invité le Tribunal à considérer sa plaidoirie et à condamner l’ancien Directeur de cabinet du Président de la République congolais à 20 ans de
prison. Cette position, c’est aussi celle du Ministère public qui va plus loin et pré cise que la peine de 20 ans d’emprisonnement doit être assortie des travaux forcés et de confiscation des biens
acquis grâce à l’argent à l’origine des griefs retenus.

La pilule difficile à avaler est surtout l’interdiction pendant dix ans de participer à un vote. Vital
Kamerhe qui, selon les accords de Naïrobi entre lui et Félix Tshisekedi, est censé se présenter à la Présidentielle de 2023, courrait à cet effet, le risque d’abandonner tout espoir de diriger le
Congo.

Quant à Sami Jammal, l’autre accusé dont le franc-parler et la façon très spéciale de se défendre ont retenu, non sans rire, l’attention des congolais le long du procès, le Ministère public
a aussi requis une peine d’emprisonnement pour détournement et blanchiment des capitaux. 20 ans de réclusion pour cet homme de 82 ans comme pour Vital Kamerhe. Au terme de son
emprisonnement, le fondateur de la douteuse entreprise Samibo chargée desdites maisons préfabriquées, devra retourner au Liban, son pays d’origine.

Inconstitutionnalité !

Les cris qui ont retenti dans les rues de Kinshasa, à la clôture de la plaidoirie de la partie civile couplée du réquisitoire du Ministère public, ont donné une image aux allures de « Ainsi sonne
le glas » mettant sur le tapis les conseils de Vital Kamerhe, de Sami Jammal et de Jeannot Muhima, Chef de division au pôle import /export de la Présidence. Tous les yeux étaient braqués à présent sur le collectif d’avocats de la défense avec comme fer de lance, Me Tshitsha Bokolombe pour le compte de Jammal et Me Kaboto pour celui de Vital Kamerhe.

Ils ont tout simplement refusé de plaider dénonçant le caractère irrégulier des dossiers versés au Tribunal et qualifie d’incompétent le Procureur général près la Cour d’Appel de Matete. Même position adoptée et par les avocats de Jammal et par ceux de Kamerhe. Ces avocats ont demandé
la remise de peine pour leurs clients respectifs étant donné que le tribunal saisi pour l’affaire n’est pas habilité et devra céder les commandes à la Cour constitutionnelle afin de statuer sur la constitutionnalité de l’acte juridique.

Subterfuges pour les uns et coup de grâce pour les autres, cette demande de la Défense sera balayée d’un revers de la main par le Juge président, qui a promis de faire droit sur cette affaire
le 20 juin. Les deux camps sont donc rentrés dans leurs coins, chacun se frottant les mains dans l’espoir d’obtenir gain de cause.

Rendez-vous manqué avec l’histoire !

Ecrouer un homme d’Etat alors qu’il est en plein exercice de ses fonctions, si cela se passe sous d’autres cieux, en République Démocratique du Congo, cette pensée relève encore de l’insolite.
Et pourtant, ce 20 juin, les congolais et le reste du monde pourraient assister à une première histoire pour la Justice congolaise depuis l’Indépendance.

Il ne s’agit pas du premier venu dans la chose publique, il est question de jeter en prison Vital Kamerhe Lwa Kanyinginyi Kyingi. Son nom est une marque déposée en RDC, l’homme est sorti du néant pour gravir ensuite, une à une les plus hautes marches de la République. Le 13 novembre 2018, à la veille d’une Présidentielle congolaise qui se révélera plus tard historique, Vital Kamerhe a paraphé une sorte d’accord avec Félix Tshisekedi selon lequel, le premier soutient le second en 2018 pour un quinquennat tandis que le second fera l’inverse cinq ans plus tard.

Ce stratagème aux allures de coaching payant risque de ne pas être aussi intéressant pour Kamerhe en voie d’être emprisonné pour détournements des deniers publics et blanchiment des
capitaux, de quoi le disqualifier pour 2023. Un rendez-vous manqué, un de plus.

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