Société

Covid-19 et l’année académique, le niveau d’études congolais à l’épreuve

Souvent mis en cause au vu de ses multiples défaillances, l’enseignement supérieur congolais a vu s’ajouter une autre qui est venue le perturber encore plus : la pandémie du coronavirus. Après avoir parcouru un long cursus scolaire, c’est avec une grande joie que l’étudiant se retrouve aux dernières marches de sa formation : l’université ou l’institut supérieur.

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Année après année, on observe l’importance du passage au cycle supérieur considéré comme l’atteinte du graal, avec l’envahissement des campus par les étudiants, quel que soit le sexe alors qu’il y a à peine quelques décennies, les filles ne trouvaient pas primordial d’aller aussi loin dans les études. Cette forte propension aux études supérieures, entraîne un bon nombre de promoteurs à investir le secteur par l’érection ici et là des infrastructures suivant en cela le déferlement de ceux des écoles primaires et secondaires.

Avec un seul universitaire à l’indépendance, aujourd’hui, le nombre d’étudiants du supérieur s’évalue à près d’un demi-million d’effectifs et ce chiffre ne cesse de croitre au fil des années. De même que d’une université à la veille de l’indépendance, le pays en compte plusieurs dizaines, hormis les instituts supérieurs.

 Et pour cause ! Le diplôme est devenu le véritable sésame qui ouvre les portes vers un avenir meilleur. Et si hier on pouvait se contenter du niveau d’études secondaires après la vague des deux ans post-primaires de la génération des premiers lettrés congolais, désormais la nécessité de s’élever dans l’échelle de la formation est davantage indispensable.

Cette course au diplôme devient si vitale qu’elle est prête à se gagner à tout prix, parfois sans scrupule, peu importe la compétence, l’essentiel étant d’entrer dans ce cercle de privilégiés, au lendemain d’avoir été saupoudré et de la grande fête de la réussite ayant mis un terme au port de l’uniforme bleu-blanc. Cette fois-ci l’objectif est de revêtir la toge et tenir en mains les bouquets de fleurs, témoins de l’ultime exploit et s’assurer en définitive de l’entrée dans la vie professionnelle. Or dans l’entretemps, il n’est pas vain de s’interroger sur le niveau de l’enseignement dispensé au supérieur. Un récent classement établi par Kivuzik Magazine qui dit référencer depuis 2005 près de 13.000 établissements d’enseignement supérieur agréés par leurs Etats respectifs, situe en 2020 les 20 meilleures universités congolaises à partir du dix millièmes rangs mondiaux. (Place 10.379 pour l’Université de Kinshasa).

Vue du bâtiment administratif de l’Université
de Kinshasa Humprey J. L. Boyelo

Et à tous ces maux est venu se joindre un autre virus : le coronavirus !

Un calendrier perturbé !

Bien débutée en octobre 2019, l’année académique en cours s’est en effet vue brutalement suspendue en mars à la suite des mesures de confinement décrétées par le Président de la République le 19 du mois, pour lutter contre la propagation du coronavirus qui s’est mis de la partie. Avec immanquablement, quoi qu’on en dise, des répercussions fâcheuses sur l’apprentissage estudiantin.

Les étudiants du premier cycle du supérieur – le graduat, composé de trois années en RDC – qui venaient de passer la mi-session s’étaient donc vu dans l’obligation de rester à la maison jusqu’à la reprise ultérieure des cours, laquelle interviendra en juillet. Quatre mois d’inactivité intellectuelle forcée.

En outre, il s’était posé pour eux la question de l’exercice du stage d’une durée d’un mois, censé se dérouler en mars. Ceux qui avaient pu introduire la lettre de stage dans les entreprises avaient ainsi juste eu le temps de s’exécuter à cette pratique, elle aussi suspendue par le confinement, car la décision s’y rapportant n’avait épargné pratiquement aucun secteur socio-économique.

Néanmoins, la reprise effective des cours a permis d’épuiser les cours inscrits au programme. La première session a ainsi lieu au cours de la première quinzaine d’octobre. Les étudiants finalistes en licence ont pu présenter leur mémoire.

La collation de la première session est advenue le 21 novembre tandis que la deuxième session a été programmée pour décembre. Sur un autre registre, avant ces faits liés au coronavirus, l’année académique s’était déjà vue bouleversée par la grève des professeurs. Après une suspension du mouvement de grève à l’Université de Kinshasa (UNIKIN) et à l’Université Pédagogique Nationale (UPN) l’année passée, les enseignants revenaient à la charge. En dénonçant « l’absence de volonté politique de la part du Gouvernement de la République, en dépit des instructions du Président de la République», les professeurs de l’Université de Kinshasa (UNIKIN) avaient

décidé de reprendre la grève le 24 février 2020 jusqu’à la satisfaction totale de leurs revendications. Celles-ci portent notamment sur la restauration de leur pouvoir d’achat et le paiement des manques à gagner de l’année académique 2018-2019 résultant de la baisse du taux de change ainsi que le remboursement du trop-perçu sur les véhicules. En guise de réponse, le Ministère de l’Enseignement Supérieur Universitaire (ESU), tout en reconnaissant la légitimité des revendications des professeurs, en appelait à « un sursaut patriotique » pour la reprise des activités académiques eu égard aux difficultés financières du pays, afin de préserver les intérêts des étudiants

Par la suite, après la réouverture le 10 août de l’année académique dans l’ensemble de la République par le Ministère de l’ESU, consécutivement à la levée de l’état d’urgence le 21 juillet, les professeurs de l’UNIKIN reprirent les deux jours suivants, la grève elle aussi suspendue à l’époque du confinement, tout en imposant l’interdiction d’enseigner dans les autres établissements d’enseignement supérieur.

De plus, le dérèglement du fonctionnement normal de la société à cause du coronavirus a également eu des conséquences malheureuses dans le social des étudiants conviés à s’acquitter de leur minerval. En raison du ralentissement de la vie socio-économique, certains n’ont pas été en mesure de le solder et se sont donc vus obligés d’interrompre sinon mettre un terme à leurs études. Dans ces perspectives, la nouvelle année académique est annoncée pour la fin de ’année en cours si pas au début de la prochaine. Avec quatre mois de retard sur le programme académique habituel ainsi que tous les aspects sociaux liés à son bon déroulement, on mesure le degré des contraintes auxquelles est soumis ce secteur de l’enseignement.

Une étudiante de l’Université de Kinshsasa
Image d’illustration

Demain le supérieur congolais !

Ainsi au seuil d’une nouvelle académique en RDC, on se retrouve face à un tableau qui met en scène trois catégories d’acteurs parmi les étudiants, à savoir ceux qui vont entamer le nouveau cursus, ceux qui le poursuivent et ceux qui viennent de le terminer.

Pour les nouveaux venus, il revient en mémoire, qu’hier finalistes du secondaire, ils ont eu à bénéficier des facilités de passage au cycle supérieur accordées du fait du coronavirus, charriant avec eux les manquements d’une scolarité interrompue. Les étudiants de la seconde catégorie poursuivent tant bien que mal leurs études en gravissant successivement les différents échelons avec ce qui peut éventuellement leur être reproché des lacunes accumulées au cours des années antérieures.

Quant aux finalistes du cycle de la licence, après tant de sacrifices, les voilà qui peuvent en principe se déverser enfin dans le marché de l’emploi. Il n’empêche, sous réserve du spectre d’une deuxième vague du coronavirus à la pointe de l’actualité à l’étranger comme sur place, certes avec toujours moins d’acuité, ou d’éventuels conflits sociaux au sein des établissements, le caractère crucial que représente la formation supérieure pour l’avenir des étudiants et de l’ensemble de la société conduit forcément à réfléchir aux exigences de son amélioration  comme a pu le mettre en lumière la survenance de cette pandémie.

Les solutions sur cette réflexion devraient être d’autant prometteuses, car puisées dans le vivier même du savoir. Dans cet ordre d’idées, l’axe majeur de cette attention consisterait à ne pas renforcer le mythe du diplôme, incitatif à le détenir à tout prix, quitte à s’accommoder de « branchements » permettant l’acquisition de notes contre espèces sonnantes, et ce, au détriment de la qualité de l’enseignement, pour finir par déchanter bien vite une fois en sa possession.

L’initiation de haut niveau mériterait dès lors de se défaire de la recherche de l’accumulation de connaissances essentiellement théoriques, mais plutôt de développer l’intérêt à l’égard des filières techniques et scientifiques innovantes à même de contribuer à améliorer la vie des populations et pour couronner le tout, prendre conscience des efforts permanents à se cultiver sans cesse, en toutes circonstances.

A ce sujet, l’irruption du coronavirus dans la vie universitaire est une occasion de l’examiner sous l’angle de l’adoption d’une nouvelle approche pour la performance de l’éducation tout en se projetant dans le monde du travail. Il s’agit d’envisager la généralisation des outils des nouvelles technologies de l’information aussi bien pour apprendre par le télé-enseignement que pour maîtriser le télétravail. Et se mettre en phase par rapport aux contraintes imposées par ce virus.

A ce jour, l’environnement universitaire de la RDC n’est pas encore sorti de l’auberge. Devant faire face à la deuxième vague de la pandémie Covid-19, les autorités congolaises ont décidé, à l’issue du Conseil de Ministres du mardi 15 décembre 2020, l’instauration d’un couvre-feu qui est entré en vigueur le vendredi 18 décembre. De cette décision a découlé un chapelet de restrictions dont le report sine die de la rentrée académique 2021. Une nouvelle qui vient davantage plomber tout espoir de voir le niveau d’enseignement se relever de sitôt.

A l’aune de la mise en place de l’Union sacrée prônée par le Président congolais Félix Tshisekedi, il est peut-être encore permis de croire en une nouvelle politique de l’enseignement universitaire en RDC, grenier des valeurs sûres en vue d’une meilleure gestion de la chose publique.

 Noël Ntete

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