Pour l’exercice 2021, le Premier Ministre Sylvestre Ilunga Ilunkamba a déposé, le 30 octobre 2020, un projet de budget « réaliste » de 6,9 milliards de dollars, élaboré avec le concours des experts du Fonds Monétaire International (FMI).
Le ralentissement de l’économie congolaise dû à la Covid-19 et l’obligation du FMI de présenter un budget réaliste sont ainsi les deux principales raisons prises en compte. Toutefois, au lieu de s’atteler seulement sur l’examen et l’adoption du projet de loi de Finances Publiques 2021, les deux chambres du Parlement ont fait d’une pierre trois coups en se penchant prioritairement sur le projet de loi portant reddition des comptes de l’exercice budgétaire 2019 et le projet de loi portant collectif budgétaire 2020.
Collectif budgétaire, un impératif !
Annoncé depuis mai dernier, le collectif budgétaire corrigeant les hypothèses des prévisions et les bases d’évaluation du budget 2020 n’a été déposé que lors de la session de septembre. Selon la Commission interministérielle permanente économique et finances élargie du Gouvernement, qui avait donné l’aval pour ledit projet, la révision à la baisse des prévisions toucherait 35,2%.
Avec la rentrée parlementaire de septembre, celui-ci a été déposé à l’Assemblée nationale par Sylvestre Ilunga, avant le dépôt du projet de loi de finances 2021. En effet, les prévisions budgétaires 2020 du Gouvernement étaient placées largement au-dessus. De 10 milliards de dollars, il a été revu à 5,7 milliards de dollars, soit une réduction de 43,2%.
Les missions parlementaires de suivi d’exécution du budget ont permis de comprendre qu’au 31 décembre 2020, le Gouvernement aurait difficile à l’exécuter à plus de 50%. Le député national Sam Bokolombe l’a même reconnu. « Les hypothèses qui ont servi de base aux prévisions budgétaires 2020 étaient des hypothèses assez aléatoires et incohérentes. Et l’exécution du budget en a révélé les faiblesses », a-t-il déclaré. D’après lui, moyennant quelques ajustements, le plan de trésorerie du Gouvernement peut servir de base réaliste.
Seulement, le Président de la République, Félix Antoine Tshisekedi voulait voir le Gouvernement se doter d’un budget ambitieux compte tenu de son programme, raison pour laquelle il n’était pas d’accord avec ceux qui pensaient que c’était un budget irréaliste et utopique, lui qui a toujours estimé que ce n’est pas avec un budget de 4 milliards de dollars que le Gouvernement va changer le rapport de la pauvreté dans laquelle vivent les Congolais.
La pandémie à Coronavirus en a décidé autrement en empêchant le Gouvernement de mobiliser des recettes comme prévu dans les assignations. D’après une étude menée par la Fédération des Entreprises du Congo (FEC), les effets néfastes de la Covid-19 ont perturbé les activités économiques en RDC au point que près de 76% d’entreprises ont enregistré une baisse sensible de leurs revenus et environ 36% ont déclaré des difficultés à honorer leurs charges fiscales. Aussi, le tiers d’entreprises a mis en congé ou licencié le personnel et 97 % d’entreprises disent n’avoir reçu aucun soutien du Gouvernement pour faire face aux effets dévastateurs du coronavirus.
Le FMI et la conclusion du programme triennal !
Concernant le budget 2021, le FMI est venu à la rescousse du Gouvernement congolais parce qu’il y a en vue la conclusion du programme triennal, assorti de la Facilité élargie du crédit (FEC), signature qui pourrait intervenir, en cas de satisfaction des exigences, avant le 31 décembre 2020.
Le FMI a exigé du Gouvernement le respect de trois mesures correctives du Programme de référence. Il insiste sur l’importance d’avoir un budget conforme à la réalité pour éviter des prévisions de recettes qui, à l’étape de la réalisation, n’arrivent pas à faire face aux dépenses alignées sur la base des revenus qui n’existent pas. Sans cette mesure préventive qui empêche la déstabilisation de la situation macroéconomique, le Gouvernement pourrait recourir à la Banque Centrale pour lutter contre la crise parce qu’il y aura augmentation des masses monétaires, inflation, dépréciation du taux de change.
L’éternel examen tardif de la reddition des comptes !
L’article 87 de la loi sur les finances publiques subordonne l’examen du projet de budget au vote de la loi portant reddition des comptes de l’année suivante. Le Ministre des Finances, Sele Yalaghuli a déposé celui de l’exercice 2019, le 2 novembre 2020, soit deux jours après que Sylvestre Ilunga Ilunkamba a déposé le projet de loi de finances 2021. Selon la loi, il doit être déposé, au plus tard le 15 mai de l’année suivant celle de l’exécution du budget auquel il se rapport
La réalité est qu’il est depuis plusieurs années voté en procédure d’urgence, à cause du retard enregistré, ce qui empêche l’organisation d’un grand débat autour de celui-ci, ainsi que le retraçage de son exécution. Pourtant, son examen permet de vérifier si les crédits arrêtés pour la dépense et le niveau des assignations des recettes que les régies financières devaient mobiliser ont été respectés. Il permet en outre de découvrir s’il y a eu ou pas mauvaise gestion des Finances Publique
L’Observatoire de la dépense publique (ODEP) a toujours déploré le retard avec lequel il est déposé. Selon l’ODEP, la procédure d’urgence profite aux hors-la-loi qui mettent en place, chaque année, des stratégies pour déposer ledit rapport en retard de manière à placer les parlementaires devant un fait accompli. Faute du temps, ils n’arrivent pas à dénicher des éventuels cas de sous-consommation et non consommation, ainsi que des dépassements et utilisations des crédits budgétaires sans l’autorisation préalable du Parlement
Hubert MWIPATAYI.