Politique

La Bipolarité politique congolaise

Après l’élection de Félix Tshisekedi comme président de la République, il était évident que se fasse la recomposition de la classe politique. Ainsi naquit la coalition FCC-CACH dont le certificat de décès a été « délivré » par lui-même le chef de l’Etat du Congo. L’Union sacrée de la Nation étant en vue, l’impératif de la reconstitution revient au galop, au grand bonheur de politiciens inconstants. D’aucuns parlent de la transhumance politique, mais en réalité, il s’agit de la meilleure illustration de l’inconstance politique.

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L’élection du Président F. Tshisekedi à la tête du pays était immanquablement de nature à provoquer un remue-ménage au sein de la classe politique. Pour cause ? D’aucuns pensaient, non sans raison, que pour gouverner, Félix Tshisekedi devrait travailler en symbiose avec le camp de Joseph Kabila, détenteur de la majorité parlementaire. Il était ainsi évident que se nouent de tractations, des alliances incertaines voire des intrigues. Il n’a pas fallu longtemps avant qu’on se rende compte que le FCC-CACH était un attelage mal assorti. On se souviendra de l’image du Président a.i de l’Udps à cheval à Mbuela Lodge souriant en compagnie des Kabiliste. En effet, voir les pires adversaires d’hier copiner sans couac ni heurt était inimaginable.

Un vagabondage au gré des intérêts

Depuis des années, lorsque la classe politique congolaise a eu à se mettre en pourparlers, la perspective de former un gouvernement a toujours été envisagée, et pour y être membre, nombreux sont ceux qui sont toujours prêts à tomber dans n’importe quelle compromission. Les négociations de Sun City, de la Cité de l’UA, celles du Centre interdiocésain… avaient été des cadres de débauchage, de reniement, de volte-face et de changement de camp politique. Aujourd’hui, la donne n’a pas changé, la transhumance politique étant devenue irréversible. Les membres du Front commun pour le Congo comme Jean-Pierre Lihau (ancien Dircab du Président de l’Assemblée nationale et élu du PPRD), Ngoy Kasanji (douze ans gouverneur de l’ancien Kasai Oriental), Jean-Lucien Busa… ont choisi ouvertement d’adhérer à l’Union sacrée. Les 25 gouverneurs de province sur les 26 que compte le pays l’ont aussi fait de leur propre gré. La course au positionnement a commencé et il faut se retrouver au bon endroit pour jouir des avantages du pouvoir.

Débauchage et ralliement à tout prix

Sur la scène politique congolaise, ces revirements sont monnaie courante, depuis l’avènement du multipartisme. Le débauchage au sein de l’opposition était une arme efficace utilisée par le Maréchal Mobutu pour fragiliser cette dernière. Et vu que, bien souvent, le clivage mouvance présidentielle/opposition n’a presque jamais été idéologique, passer d’un camp à l’autre a toujours été un exercice aisé. Une bipolarité singulière qui regroupe au sein des plates-formes politiques opposées des mosaïques de courants assez disparates, les partis politiques de la majorité ayant leurs clones au sein de l’opposition.

En outre, le changement de casaque est une habitude qui a la peau dure. Alexis Thambwe Mwamba avait rejoint la rébellion du Rassemblement pour la démocratie (RCD) comme chef de file des mobutistes. Il quittera le RCD pour se joindre à Jean-Pierre Bemba avec lequel il atterrira à Kinshasa après le dialogue de Sun City. Tryphon Kin-Kiey Mulumba est un autre cas de figure. Après avoir été ministre du dernier gouvernement du Zaïre, Tryphon Kin-Kiey Mulumba avait rallié le RCD-Goma, avant de retourner à Kinshasa où il deviendra Kabiliste. Le voilà devenu très proche de Félix Tshisekedi.

L’Occident et la bipolarité

  L’un des piliers de la démocratie occidentale est la bipolarisation de doctrines politiques. Quelque soit le nombre de partis politiques, ces derniers se regroupent au sein de deux pôles idéologiquement opposés. Les individus qui composent ces deux groupes estiment se battre pour des valeurs intrinsèques desdits groupes. On est soit de gauche, soit de droite. Deux tendances diamétralement opposées dans toutes les questions liées à la gestion de l’Etat. Deux doctrines différentes, deux idéologies inconciliables. Ce facteur campe l’homme politique dans un ordre distinct, dont il est porteur des valeurs. L’individu se sent redevable au parti qui l’a nourri et outillé pour l’arène politique.

Opportunisme à tout crin

L’expérience congolaise est bien différente. Nourrie dans le giron du Parti-Etat, la première génération de dissidents s’est battue pour la démocratie et l’Etat de droit. C’est en ces mots que se résumait l’essence de leur combat. La prolifération de partis politiques a mis en évidence un autre type de combat : celui pour le confort matériel. En effet, le débauchage des opposants à grand renfort de dollars a été systématique avec Mobutu. L’homme politique congolais, sujet au syndrome de toute-puissance, découvre par ce moyen, la saveur du pouvoir made in MPR : richesse, impunité, bonne chère, luxure, etc.

 Il va de soi que l’individu qui bénéficie de telles faveurs ne veuille quitter l’Eden du pouvoir. Mais la politique étant dynamique, le petit pacha n’est pas toujours à l’abri de bouleversements. Un basculement, au gré de dialogues, de concertations, d’alliances ou d’échéances électorales, peut toujours arracher l’individu de son giron. La non-reconduction ou une brouille sévère menant à une fermeture de robinet, résout l’individu à sauter le pas et rallier l’autre camp. L’objectif est de demeurer dans le microcosme politique et continuer à faire entendre sa voix, en vue de signaler sa présence. Rien n’étant prévisible en politique, on pourrait toujours revenir aux affaires avec d’autres parrains, au moyen d’éventuels changements. Autrement dit, ceux qui affluent vers Félix Tshisekedi aujourd’hui, afflueront « demain » vers quelqu’un d’autre…

La lutte pour le pouvoir faisant du lucre une fin en soi, l’homme politique congolais devient un fin opportuniste. Dicté par le sentiment de toute-puissance, il se place comme un pion de jeu de dames au bon endroit et au bon moment, afin de demeurer dans les rouages du pouvoir. Cette quête de positionnement le conduit d’un bord à l’autre, pourvu qu’il goûte aux délices du pouvoir. Même quand il est sur la touche au sein de l’opposition, il sait qu’un chavirement est vite arrivé. Et si ça traîne, il peut encore faire un revirement à 360 degrés pour retourner vers ses anciens mentors. Et goûter de nouveau aux délices du pouvoir.

Faire partie d’une telle « ratatouille » politique permet à l’individu d’évoluer en roue libre, lié par aucune idéologie, donc par aucun code d’honneur à l’égard de son regroupement politique. En RDC, on fait la politique pour être ministre ou travailler dans un cabinet ministériel. Le combat idéologique, c’est pour des idéalistes. Evidemment, le gain matériel y est pour beaucoup. D’où, le politicien cherchera à accéder ou demeurer dans le sillage du pouvoir pour garantir son bien-être matériel. Quitte à faire dissidence de son regroupement politique pour rallier le camp adverse.

 Olyncia MUHONG

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