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Laurent-Désiré Kabila, le mystère demeure 20 ans après

Graciés par le président Félix Antoine Tshisekedi, Eddy Kapend et ses co-accusés, qui clament toujours leur innocence, ont été libérés le 8 janvier 2021, soit 20 ans après l’assassinat de Laurent-Désiré Kabila. Les commanditaires de l’ignoble crime n’étant pas connus, des voix s’élèvent pour la réouverture du procès. Seulement, de nombreux présumés complices sont dans la nature, notamment à l’étranger, et à plusieurs niveaux. Retour sur ce qui s’était passé le 16 janvier 2001 et après…

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A près la libération d’Eddy Kapend et consorts, les activistes, parmi lesquels ceux de l’ONG Justicia Asbl, demandent la réouverture du procès. Pour le président de cette structure, Timothée Mbuya, toutes les voies doivent être exploitées pour que le peuple congolais connaisse toute la vérité sur la mort de Laurent-Désiré Kabila.

 En effet, Eddy Kapend et vingt-cinq autres personnes qui avaient été condamnés à mort en janvier 2003 sans que la peine leur infligée ne soit exécutée, se considèrent toujours comme innocents. « Tous les assassins de Laurent-Désiré Kabila, les traitres, les commanditaires…tous sont en liberté. Ne sont en prison que les innocents », clamait l’ancien aide de camp de « Mzée », le 16 janvier 2018.

 Dans une émission sur YouTube, le bâtonnier Jean-Claude Muyambo qui dit être à la fin de la rédaction d’un ouvrage sur Laurent-Désiré Kabila intitulé « One Day », affirme présenter les faits de manière à laisser chacun tirer une conclusion sur les commanditaires. Question : connaitra-t-on un jour les commanditaires de l’assassinat de Laurent-Désiré Kabila ? En réalité, les gens ont toujours envie d’en parler, d’y creuser.

Une enquête journalistique qui pointe du doigt…

 Vingt ans après, la vérité se trouve dissimulée, peut-être, dans les pistes dont le journaliste belge Arnaud Zajtman a exploré et dont parle le documentaire intitulé « Qui a tué Laurent-Désiré Kabila ? », réalisé et diffusé avec la collaboration de Marlène Rabaud, en avril 2011 sur la chaîne de télévision France O. Sinon, dans une interview réalisée sur RFI par Christophe Boisbouvier, Arnaud Zajtman affirme qu’aucune de personnes emprisonnées à Makala n’était coupable du meurtre.

Le Rwanda en sait quelque chose

Si les relations avec le Rwanda et l’Ouganda semblent aujourd’hui normalisées, les deux pays voisins de l’Est ont joué par le passé un rôle majeur dans la déstabilisation de la RDC. D’après Arnaud Zajtman, le Rwanda est impliqué dans l’assassinat de Mzée. Il explique que juste après l’assassinat, Mirindi et Bilal Héritier s’étaient enfuis à Goma, au Nord-Kivu, espace jadis sous contrôle rwandais. «D’ailleurs, le soir de l’assassinat, c’est l’un des responsables de la sécurité du Rwanda qui dit à un diplomate britannique « ce sont nos hommes qui ont fait le coup ».

 En effet, Laurent-Désiré Kabila était arrivé au pouvoir grâce à l’Alliance des forces démocratiques pour la libération du Congo (AFDL), en s’appuyant principalement sur les troupes du Rwanda et de l’Ouganda. Il finit par se séparer avec les trois autres fondateurs de l’AFDL et mis également fin à la relation avec ses alliés Tutsis rwandais et ougandais qui occupaient des postes importants au pays dont les Affaires étrangères, l’armée et la sureté nationale, ces derniers étant devenus encombrants. Les officiers et soldats rwandais et ougandais étant partis contre leur gré, il s’en suivra une tentative de coup d’Etat et une nouvelle rébellion à l’Est du pays.

Liens entre les gardes, Bilal et l’ambassade des Etats-Unis

« … dans le film, j’ai suivi les pistes, à savoir celles d’un petit nombre de gardes du corps. Ils étaient liés à un homme d’affaires libanais qui en a assuré la logistique et qui, lui-même, avait des contacts avec le groupe rebelle pro-rwandais RCD (le Rassemblement congolais pour la démocratie). Ces rebelles, à l’époque, occupaient l’Est de la RDC. Et ces mêmes gardes du corps avaient également, à l’époque, des contacts avec l’attachée de défense de l’ambassade des EtatsUnis. Et donc, d’après mes investigations, toutes ces personnes sont, à différents égards, impliquées dans le complot », témoigne Arnaud Zajtman.

A en croire le journaliste belge, les hommes exécutés le 16 janvier 2001 avaient un lien avec Bilal Héritier, l’homme d’affaires libanais que Laurent-Désiré Kabila avait écarté du marché du diamant quelques semaines plus tôt. C’est lui, poursuit-il, qui fournit la logistique de l’assassinat et qui avait mis un appartement à la disposition des gardes du corps chargés de faire le coup. « Et le soir de l’assassinat, c’est chez lui que trouve refuge le complice de l’assassin, Georges Mirindi », précise-t-il. « …Les gardes du corps de Laurent-Désiré Kabila avaient été recrutés par Anselme Masasu un compagnon d’armes que Kabila fait exécuter au mois de novembre 2000.

 Et c’est la goutte d’eau qui fait déborder le vase, l’élément qui vient rajouter à la frustration déjà grande des gardes du corps puisqu’ils sont mal payés. Laurent-Désiré Kabila est imprévisible. De temps en temps, il envoie ses gardes du corps au cachot. », rapporte Arnaud Zajtman. 

Au sujet des Etats-Unis, il affirme que la carte de visite de l’ancienne attachée de Défense de l’ambassade américaine à Kinshasa, le colonel Sue Ann Sandusky, avait été trouvée sur Rachidi, l’assassin. « Elle m’a confirmé qu’elle était en contact avec les gardes du corps, qu’elle leur offrait des bières. Mais évidemment, elle nie toute implication dans l’assassinat », affirme Arnaud Zajtman. En effet, dans les affaires de Rachidi, on avait trouvé des écrits signés par l’attachée militaire de l’ambassade des Etats-Unis d’alors indiquant : « en cas de problème, contactez ce numéro ». Mirindi, le complice de Rachidi que Arnaud a rencontré, vit en exil en Suède. Il l’avait abordé, mais celui-ci l’avait envoyé promener. Quant à Bilal Héritier, il est jusqu’aujourd’hui en cavale à l’étranger.

 Ce jour où Laurent-Désiré fut abattu

Président de la République du 17 mai 1997 au 16 janvier 2001, Laurent-Désiré Kabila n’avait dirigé le pays que pendant trois ans et huit mois. Il meurt âgé de 61 ans. Selon la version officielle, quarante ans jour pour jour après l’assassinat de Patrice Emery Lumumba, il fut lui aussi assassiné au Palais de Marbre, par son garde du corps, Rachidi Mizele, lequel sera à son tour abattu par Eddy Kapend, en ce temps là aide du camp du défunt chef de l’Etat. Samedi 16 janvier de 2001, le défunt président de la République devait recevoir une délégation iranienne qui venait négocier sur l’uranium du Katanga. Selon la version officielle toujours, Rachidi l’aurait tué en présence d’Emile Mota, son directeur de cabinet adjoint chargé de l’Economie et des Finances, qui devrait l’accompagner le lendemain à Yaoundé, au XXIème Sommet Afrique-Francen (Lire aussi pages 32 à 34).

HESHIMA

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