Deux mois avant l’organisation des élections du 28 décembre 2018, les acteurs politiques avaient protesté contre le recours à la machine à voter, exigeant lors d’une marche, son retrait du processus électoral. Il a fallu plus que de la perspicacité à Corneille Nangaa pour parvenir à convaincre les uns et les autres à aller aux urnes avec elle. Des débats houleux ont eu lieu autour de sa nature, son coût et son utilisation, cela n’a pas empêché la tenue des élections.
« Après les scrutins combinés de décembre 2018, personne n’en dénie le bon fonctionnement », a déclaré Corneille Nangaa devant les députés nationaux au sujet de la machine à voter, le 9 avril 2021. Alors que certains l’avaient qualifié de « machine à tricher » voire « à voler », le président de la CENI affirme que « la machine à voter est l’une des innovations qui ont permis l’organisation inédite et la fiabilisation des résultats des scrutins directs combinés présidentiel, législatifs nationaux et provinciaux de décembre 2018. ». Si à l’époque, certains accusaient Corneille Nangaa de maintenir la machine à voter pour pousser l’opposition au boycott des élections, aujourd’hui, il leur a prouvé qu’il s’agit d’un instrument qui a permis à chaque électeur congolais d’exercer son droit de vote, contribuant au traitement rapide et fiable des résultats. Et il a fallu plusieurs rounds difficiles pour arriver au vote à l’aide de cet instrument. Même après 7 heures d’échanges entre ses experts et ceux de la CENI, Alain-Daniel Shekomba, candidat à la présidentielle, n’a pu être convaincu de l’opportunité d’y recourir.
Peu à peu, les avis avaient commencé à changer. Peter Kazadi, l’un des députés provinciaux de l’UDPS, élu grâce à la machine à voter, avait écrit sur son compte Twitter que son parti « pourrait finalement aller aux élections avec ou sans la machine à voter (MAV) ». En définitive, Lamuka n’a jamais accepté la machine à voter sauf les résultats de celle-ci, s’étonne Corneille Nangaa.
Quoi qu’il en soit, jusqu’à la veille, le consensus n’était pas toujours trouvé. Le 25 décembre 2018, le site d’information Africarabia titrait : « Les machines à voter au cœur de la contestation électorale ». On pouvait lire ce qui suit dans les colonnes de ce média : « Le flou savamment entretenu par la commission électorale sur la transmission électronique des résultats par la machine à voter nourrit toujours la méfiance et la défiance de l’opposition ».
Quid de la MAV ?
D’après les explications fournies aux élus du peuple par Corneille Nangaa, la MAV est un système personnalisé qui fonctionne grâce à un logiciel développé par les techniciens de la CENI. Il comporte plusieurs éléments : un écran tactile, une imprimante thermique, un scanner incorporé, deux batteries dont l’une incorporée et l’autre externe, une valise de type militaire, une carte mémoire SD, un module de géolocalisation satellitaire (GPS), un module d’impression par rouleau, un plateau d’insertion des bulletins de vote ainsi qu’un couvercle de protection des bulletins de vote. « Son coût unitaire, incluant tous les frais jusqu’à sa livraison en Rdc et ses différentes composantes inclues, est de 1.465 dollars américains renseigne le président de la centrale électorale ».
L’idée de son utilisation est née du chef de la CENI en 2013, à la suite des évaluations des élections de 2006 et 2011. À l’époque, il s’était dégagé la nécessité de résoudre les problèmes d’impression des bulletins de vote (format, volume, tonnage, logistique et sécurité), de remise des procès-verbaux aux témoins et d’uniformisation du bulletin de vote.
Les acquis de la machine à voter
Pour le président de la centrale électorale, il y a plusieurs acquis de la machine à voter, à savoir son utilisation pour plusieurs cycles électoraux, la possibilité d’organiser jusqu’à quatre scrutins directs combinés le même jour. De ce fait, les machines à voter peuvent aussi servir lors des élections de tous ordres (élections syndicales, élections des représentants des étudiants, élections des membres des bureaux définitifs des assemblées délibérantes, …).
« A ce jour, 93.593 machines à voter sont restées intactes pour une utilisation ultérieure et 4.612 nécessitent des retouches et entretiens pour quelques pannes constatées après usage », fait savoir Corneille Nangaa concernant la réutilisation de la MAV. Sur 106.457 kits achetés et déployés, 8.000 kits sur les 10.368 prévus pour Kinshasa ont été brûlés la nuit du 13 au 14 décembre 2018, lors de l’incendie des entrepôts centraux de Kinshasa, 165 kits prévus pour Yumbi prirent feu en date des 14 et 15 décembre 2018, et 12 MAV subirent le même sort le jour du vote à Kinshasa/Kingabwa. Les kits MAV, achetés et déployés en 2018, restent stockés au chef-lieu de chaque territoire et chaque ville et ne nécessiteront plus un nouveau déploiement comme avant, si ce n’est que du territoire vers le bureau de vote, lors des prochaines élections »
Gain économique et solution aux problèmes logistiques
« Devant le défi logistique lors des cycles précédents, notamment le volume impressionnant des imprimés (bulletins de vote, procès-verbaux et fiches de résultats) et autre quincaillerie électorale à déployer, la machine à voter est apparu comme un outil de simplification de l’organisation des élections du 30 décembre 2018 », explique Corneille Nangaa. Même pour les prochaines élections, elles épargnent au gouvernement le coût des impressions des bulletins de vote à l’étranger, leur transport jusqu’à l’intérieur du pays, leur déploiement jusqu’au bureau de vote… En outre, l’utilisation des machines à voter a permis lors des élections de 2018 de réaliser des économies certaines de 94.198.201,09 dollars.