Monsieur Richard Ilunga, vous êtes Directeur Général de l’Office National d’Identification de la Population. Quelles sont les missions liées à votre fonction ?
Je suppose que, quand vous parlez des missions liées à ma fonction, vous voulez parler des missions de l’ONIP. Par rapport à ma fonction, j’ai été nommé à la tête de l’ONIP il y a un peu plus d’une année. Mes missions à la tête de cet important établissement public sont celles d’implémenter sa gestion efficace et efficiente pour réaliser les missions qui lui ont été attribuées par le Gouvernement. Ces missions sont pour l’essentiel au nombre de cinq. Il s’agit premièrement de procéder à l’identification systématique et effective des Congolais où qu’ils se trouvent en RDC ou à l’étranger. Il s’agit également de bien connaître les étrangers qui vivent dans notre pays. A partir de cette opération d’identification, et c’est là la deuxième mission, l’ONIP va constituer une base de données que l’on appellera Fichier Général de la Population qui sera la base légale de l’authentification de l’identité de chaque Congolais car il indiquera les données biographiques, les données biométriques, les liens de descendance et d’ascendance, l’adresse de chaque individu. Toutes ces données personnelles seront liées à un numéro national d’identité ; ce qui va renforcer la sécurisation de l’identité légale de chaque individu identifié. La troisième mission de l’ONIP est de délivrer une carte d’identité sécurisée à chaque Congolais, à chaque Congolaise et une carte de résident à chaque étranger vivant sur le sol congolais. La quatrième mission sera d’assurer une mise à jour régulière du FGP et assurer son interopérabilité avec tous les services qui utilisent l’identité des personnes. Enfin, l’ONIP a aussi pour rôle de conseiller le Gouvernement concernant les politiques de population. Mon rôle de Manager est de créer un leadership technique de prise en charge de toutes ces missions dont l’enjeu est de basculer notre pays dans une ère moderne et de répondre aux standards internationaux de gestion de la population et de ses mouvements.
Quelle est la différence entre le recensement, l’enrôlement et l’identification de la population ?
Quand vous parlez recensement, je suppose que vous faites allusion au recensement scientifique car il existe aussi le recensement administratif qui, lui, est lié à l’identification de la population. Le recensement scientifique est une opération qui consiste dans le dénombrement de la population en relevant ses principales caractéristiques sur base de quelques variables de la composition de ménage, de la situation s o c i o é c o n o m i q u e , de l’habitat, de bienêtre, socioculturelles… Le recensement de la population et de l’habitat vise à doter le pays des statistiques qui pourront être utilisées à des fins des études et de planification. L’identification par contre consiste à personnaliser, à individualiser, à donner une identité légale à chaque individu en partant de ses données biographiques et biométriques qui l’authentifient comme tel. Ce que l’on ne retrouve pas dans le recensement scientifique. Comme vous pouvez le constater : seule l’identification nous permet d’identifier les Congolais au pays et à l’étranger Quant à l’enrôlement, je suppose que vous voulez parler de l’enrôlement électoral. Il s’agit d’une identification dont le but est d’enregistrer les personnes de nationalité congolaise qui remplissent les conditions fixées par la loi électorale.
Lors de la rentrée parlementaire de mars, le Président de l’Assemblée nationale avait souligné la nécessité de procéder au recensement de la population avant les élections de 2023 et le Président du Sénat l’a relayé en clôturant ladite session. En quoi cette opération est-elle importante aux autres missions de votre fonction ?
A l’Office National d’Identification de la Population, nous applaudissons cette volonté politique exprimée par les hautes autorités de notre pays qui ont pris la mesure des enjeux de cette opération tant sur le plan national qu’international. Au plan national, il n’y a plus l’ombre d’un doute que les congolais et les congolaises ont pris conscience de l’importance de détenir une carte d’identité comme un droit humain légitime dans un Etat de droit. L’Etat congolais d’avoir une réelle maîtrise de sa population sur laquelle il exerce sa souveraineté en plus du territoire national. C’est une question de souveraineté nationale. Au plan international, la carte d’identité sécurisée est l’un des objectifs de développement durable à l’horizon 2030. Aussi, voyez-vous que sur le plan régional, les pays africains se mettent de plus en plus d’accord sur la libre circulation des biens et des personnes. Il faut que chaque pays rassure les autres de ses citoyens contre la fraude à l’identité et des pratiques illicites qui peuvent résulter d’une identité usurpée par exemple. Les enjeux liés à la carte d’identité sont énormes.
Quelles sont les chances qu’on a à voir la population de la RDC identifiée ou recensée ?
Aujourd’hui, au moment où l’unanimité se dégage au sommet de l’Etat pour aller tous dans le même sens, l’ONIP a toutes les chances de procéder à l’identification de la population. SEM le Président de la République, Chef de l’Etat, Félix Antoine Tshisekedi, SEM le Premier ministre Sama Lukonde et tout son Gouvernement poussent la machine pour que cela arrive dans de meilleurs délais. Le Président de l’Assemblée Nationale Mboso Nkodia Mpuanga et tout dernièrement le Président du Sénat ont souligné l’importance du recensement. Tout récemment, le Premier Ministre a mis sur pied une commission interministérielle sur cette question. L’ONIP a pris part aux travaux en tant que structure attitrée du Ministère de l’Intérieur. Le Premier ministre avait imposé des délais très serrés et aujourd’hui les conclusions sur la solution technique, financière et opérationnelle se trouvent sur sa table. Le dossier est suffisamment avancé à ce jour et l’optimisme pointe à l’horizon.
Quel est le lien que l’ONIP a avec la CENI ?
Sur le plan administratif, il n’y a aucun lien entre les deux structures. L’ONIP est un établissement public sous tutelle du ministère de l’intérieur avec autonomie de gestion tandis que la CENI est une structure indépendante d’appui à la démocratie qui a pour mission principale l’organisation des élections. Sur le plan pratique cependant, on peut trouver des passerelles de collaboration entre les deux institutions. Ainsi par exemple, l’ONIP peut mettre à la disposition de la CENI un fichier électoral extrait du Fichier Général de la Population. La technologie moderne sur les questions d’enregistrement de la population le permet aujourd’hui; ce qui ressemble à un exploit uniquement. Sur le terrain, les deux peuvent mener des opérations conjointes et chacune se préoccupant de ses objectifs. Mais cela relève de la volonté politique qui peut en décider ainsi car il y a un avantage certain sur le plan financier de réduction des coûts des opérations. L’ONIP pourrait aussi bénéficier de l’expérience et des infrastructures de la CENI qui a déjà procédé à trois cycles électoraux.
En mars 2021, vous avez vu le Président de l’Assemblée nationale en vue de plaider pour la mise sur pied d’un collectif budgétaire qui prendra en compte la question de l’identification générale de la population congolaise. Qu’en est-il ?
L’initiative du collectif budgétaire relève de la seule compétence du Gouvernement. L’ONIP n’a aucun pouvoir en la matière. Tous les contacts que nous avons eus avec les institutions relèvent d’un plaidoyer bien pensé afin de sensibiliser ceux qui ont la décision à la nécessité de doter enfin l’ONIP des moyens afin de lui permettre de jouer pleinement son rôle et répondre ainsi aux missions qui lui ont été assignées. Partout où le responsable de l’ONIP est passé, il a rencontré des oreilles attentives et des personnes qui partagent le même souci que nous. Aujourd’hui, nous pouvons nous réjouir quand nous entendons le Ministre des finances annoncer qu’un collectif budgétaire sera introduit au Parlement dès le mois de septembre. Notre espoir est que ce collectif rencontre nos attentes.
L’ONIP avait évalué à 300 millions de dollars le montant nécessaire pour l’identification de la population. Ce n’est pas exagéré ?
Exagéré par rapport à quoi ? Les chiffres que nous donnons, sont le résultat d’une étude minutieuse. D’ailleurs, nous parlions de 350 millions et non 300. Ce coût comprend l’achat des équipements ; de la technologie et de l’intelligence artificielle pouvant nous permettre de faire notre travail ; les coûts de fournitures sécurisées et de consommables ; le coût des opérations de terrain; etc. Ce ne sont pas des chiffres tombés du ciel. Tout est ventilé dans les détails.
Tenant compte du manque d’infrastructures en RDC, notamment les routes, de combien de temps avez-vous besoin pour identifier la population ?
Notre plan opérationnel est défini dans le temps. A l’ONIP, nous avions pris le pari de doter chaque citoyen congolais d’une carte d’identité nationale d’ici le mois de décembre 2022 mais pour cela, il faut que rapidement les moyens soient mis à la disposition de l’ONIP et que les opérations préalables commencent déjà cette année pour pouvoir tenir cette échéance. Plus tard, on commencera, plus il y aura de risques sur les opérations.
En 2014, lorsqu’on avait parlé du recensement de la population à l’approche des élections, Vital Kamerhe avait dénoncé ce qu’il avait qualifié de moyen de prolonger le mandat de Joseph Kabila. Tente-ton d’utiliser aujourd’hui l’ONIP pour passer outre l’organisation des élections en 2023 ?
Je venais de vous dire que l’ONIP a mis le cap sur décembre 2022 pour délivrer la carte d’identité nationale à chaque citoyen. En quoi, cette échéance dérangerait-elle les élections ? Moi, je vous parle de ce qui se fait et va se faire sur le terrain. C’est un engagement pris au plus haut niveau. Pour le reste, les Congolais sont libres de s’exprimer mais il est préférable qu’on s’approche de l’ONIP pour bien comprendre les choses. Vous faites référence à 2014. Regardez votre calendrier, on est en 2021.
Parce que la carte pour citoyen devra être délivrée au terme de l’identification de la population, devra-t-on tenir compte des Congolais nés de père et de mère congolais et ceux nés d’un seul parent congolais ?
Je vous ai dit que la Carte d’Identité Nationale sera délivrée à TOUS les Congolais vivant sur le sol congolais et ceux vivant à l’étranger. Vous êtes Congolais, vous avez droit et vous aurez votre Carte d’identité.