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RDC : le sort de François Beya est-il scellé ?

Puissant conseiller spécial du président Félix Tshisekedi en matière de sécurité, celui que l’on surnomme « Fantômas » a déjà passé 5 jours dans les locaux de l’Agence nationale de renseignements (ANR). Sa disgrâce sera-t-elle réversible ? Difficile de l’affirmer.

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François Beya, ce « sécurocrate » de 67 ans est toujours en détention à l’Agence nationale de renseignements (ANR). Sa mise aux arrêts, samedi 5 février, a été une surprise pour beaucoup de Congolais, tant l’homme est connu comme l’un des plus puissants du régime Tshisekedi. La présidence de la République qui a communiqué, le 8 février, par le biais de son porte-parole, a indiqué que les enquêteurs disposent d' »indices sérieux attestant d’agissements contre la sécurité nationale ». Dans une déclaration lue à la Radio télévision nationale congolaise (RTNC), Kasongo Mwema a fait savoir également que des enquêtes sont en cours sans donner plus de détails sur les accusations spécifiques portées contre François Beya, estimant que ce n’est pas dans les habitudes de l’ANR de communiquer sur ce genre de dossiers.

Donc pour l’heure, malgré la communication de la présidence de la République, les motifs de la disgrâce de « Monsieur sécurité » de Félix Tshisekedi demeurent inconnus. Son sort est-il donc scellé ? Si sa libération dépend de l’issue des enquêtes, son retour en grâce dans les sérails de Félix Tshisekedi parait difficile. Puisque le président de la République a fait de son adjoint son intérimaire à ce poste de conseiller spécial en matière de sécurité. Jean-Claude Bukasa a donc été nommé en remplacement de son ancien supérieur hiérarchique arrêté.  

Beya, homme des régimes !

Surnommé « Fantômas » pour son côté furtif, effacé et même taiseux, François Beya a cependant joué un grand rôle dans plusieurs régimes politiques qui se sont succédés en République démocratique du Congo depuis le maréchal Mobutu. Beya a été recruté au milieu de la décennie 1980 au Centre national des documentations (CND), ancêtre de l’actuelle ANR, sous le régime du président Mobutu Sese Seko. Il a aussi suivi plusieurs formations notamment en Israël et aux Etats-Unis. Après la chute du maréchal, Beya prend le chemin de l’exil pour moins d’une année, avant de rentrer au pays. Le chef de l’ANR de cette époque, Didier Kazadi, qui chapeautait aussi le Conseil de sécurité de l’État (CNE), le nomme directeur de son cabinet.

Il a joué un grand rôle, à cette époque, dans le retour de nombreux partisans de Mobutu qui avaient fui le pays à l’avènement de Laurent-Désiré Kabila. A la mort de celui-ci, assassiné après près de quatre ans de pouvoir, Joseph Kabila succède à son père. « S’étant fait remarquer par son expertise, le président Kabila-fils lui a confié la stratégique Direction générale de migration (DGM), comme directeur général, pendant 12 ans », rapporte à l’AFP un retraité de l’ANR.

Un problème de loyauté ?    

Sous Joseph Kabila, il est celui qui établissait le pont entre l’opposition politique et le régime de l’époque. Sa modération et sa discrétion ont permis à ce qu’il soit un élément clé de la transition qui s’est opérée, en janvier 2019, entre Joseph Kabila et Félix Tshisekedi. Ce dernier étant issu d’une opposition qui n’a jamais été armée, il s’est appuyé notamment sur François Beya pour organiser sa sécurité. Un Conseiller spécial en matière de sécurité est aussi le chef du Conseil national de sécurité qui chapeaute l’ensemble des services des renseignements du pays. « François Beya a aidé le président Tshisekedi à assoir son pouvoir et son régime, parce qu’il jouait le rôle de trait d’union avec l’ancien président Kabila », pense cet ex-agent de l’ANR. Mais il semble se poser un problème de loyauté. Certains proches de Félix Tshisekedi le percevaient comme un agent double, continuant toujours d’être proche de l’ex-président Joseph Kabila, malgré la rupture de l’alliance FCC-CACH.

Pour plus de loyauté, visiblement, il a été remplacé par Jean-Claude Bukasa qui, lui, s’est spécialisé dans la cybercriminalité au Canada. Il serait aussi un militant actif de l’Union pour la démocratie et le progrès social (UDPS), le parti présidentiel. Il aurait été aperçu aux côtés du candidat Tshisekedi lors de la campagne électorale en 2018, dans l’arrière pays.

De la grâce à la disgrâce !

Selon Jean-Jacques Wondo, analyste et expert en sécurité, « depuis l’arrivée au pouvoir de Tshisekedi, François Beya était incontournable et omnipotent dans les prises de décisions politiques et sécuritaires de Tshisekedi, en plus d’être omniprésent dans toutes les apparitions publiques du président, à l’intérieur comme à l’extérieur du pays. Rien ne pouvait quasiment se faire sans passer par lui. » Mais cet état de grâce est vite passé à la disgrâce. Les relations se refroidissaient petit à petit après un arbitrage critiqué de Beya, en novembre 2021, dans un dossier minier qui impliquait certains entourages du chef de l’Etat.

D’après certaines sources, l’homme n’a pas pris part à la dernière réunion de sécurité au Conseil National de Sécurité, le 3 février dernier. Avant d’être arrêté le samedi 5 février. Ironie du sort, celui qui débarque chez lui pour l’appréhender, c’est son ancien subalterne, devenu patron de l’ANR, Jean-Hervé Mbelu. « Il me semble qu’il n’a pas décroché à temps », regrette le retraité de l’ANR qui pense que Beya aurait pu prendre sa retraite après près de 40 années passées dans le sillage de la sécurité en RDC.

Heshima

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