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Fraternité entre Tshisekedi et Kagame: un début de la fin ?

Démarrées sur les chapeaux de roues après l’accession au pouvoir de Félix Tshisekedi, les relations chaleureuses entre le président rwandais et le successeur de Joseph Kabila ont baissé d’intensité. Et récemment à Kinshasa, le maitre de Kigali a brillé par son absence dans un important sommet sous-régional.

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Les chefs d’Etat de la République de l’Ouganda, de la République d’Afrique du Sud, de la République du Congo, de la République du Burundi, de la République Centrafricaine ainsi que de la République d’Angola se sont penchés, du 24 au 25 février, sur la situation sécuritaire dans la région des Grands Lacs en général et sur l’Est de la RDC en particulier lors de la 10e réunion de haut niveau du Mécanisme régional du suivi de l’accord cadre d’Addis-Abeba.  

Alors qu’il est l’un des acteurs majeurs dans le conflit au sein de la sous-région, Paul Kagame n’a pas pris part à ces assises. Il a délégué un représentant. Le chef de l’Etat rwandais s’illustre, ces derniers temps, par des propos belliqueux à l’endroit de la RDC, malgré le rapprochement diplomatique voulu par Félix Tshisekedi pour obtenir la paix dans la région. Allant plus loin, Paul Kagame a récemment affirmé qu’il y a un temps pour négocier et un temps pour trouver une solution sans demander la permission à qui que ce soit, parlant des FDLR et des ADF en RDC qui représenteraient, à ses yeux, une menace pour son territoire.          

Félix Tshisekedi n’a pas attendu longtemps pour répliquer sans le citer. Dans des propos tenus en présence des chefs des corps constitués, des chefs des missions diplomatiques accrédités en RDC et des ambassadeurs congolais en poste à l’étranger, Tshisekedi a déclaré qu’ « Il est suicidaire pour un pays de notre sous-région de penser qu’il tirerait toujours des dividendes en entretenant des conflits avec ses voisins ». Une phrase qui laisse réfléchir plusieurs analystes. Est-ce un début de la fin d’une « fraternité » visiblement forcée par Kinshasa ? Car, l’attitude de Paul Kagame laisse croire que l’homme ne se sent pas à l’aise quand il n’y a pas de conflit entre Kinshasa et Kigali.     

Une proximité forcée !

Fin mai 2019 ! En plein deuil de son illustre père, le fils et héritier politique d’Étienne Tshisekedi laisse pénétrer dans le mythique stade des Martyrs une fine silhouette. Cet homme de 1,88 mètres que l’invasion rwando-ougando-burundaise en RDC, en août 1998, a fait détester à Kinshasa, a de nouveau fouler le sol kinois. Le public présent au stade – convaincu de la nouvelle politique du successeur de Joseph Kabila – n’avait pas d’autre choix que de réhabiliter Paul Kagame par des ovations. Malgré cette proximité forcée, les relations semblaient être chaudes entre l’homme fort de Kigali et le nouvel occupant du Palais de la Nation, à Kinshasa. Ce qui a auguré un espoir de paix dans la région, particulièrement dans un grand Kivu meurtri depuis deux décennies de conflits armés.      

Les deux hommes vont multiplier des rencontres au point de s’appeler « frères ». Ce  qui a étonné un grand nombre de Congolais. Seulement voilà, depuis un temps, Paul Kagame a repris ses attitudes d’antan. En mai 2021, dans une interview accordée à des médias internationaux à Paris, le président rwandais, Paul Kagame, a affirmé qu’il n’y a jamais eu de crimes commis par son pays en RDC. Le leader rwandais a aussi rejeté les conclusions du Rapport Mapping des Nations-Unies sur les violences en RDC, les qualifiant de « controversées« .  

Kagame ne se limite pas seulement à nier les crimes commis en RDC, il fonce aussi sur le Prix Nobel de la paix congolais, le docteur Denis Mukwege. Paul Kagame l’a accusé de bénéficier du soutien des forces « obscures » dans la mesure où il réclame la mise en œuvre des recommandations du Rapport Mapping. Une sortie médiatique qui a suscité un tollé en République démocratique du Congo. Ce qui a obligé Félix Tshisekedi à réagir sans répondre directement à Kagame. « Je ne suis pas là pour répliquer à mon homologue. C’est quelqu’un avec qui j’ai des bonnes relations et je saurai comment passer le message autrement », a d’abord soutenu le président congolais dans un média international. Et de poursuivre : « Le rapport Mapping, c’est quelque chose qui a été fait par des experts de l’ONU. Ce ne sont pas des Congolais qui l’ont fait. Ce ne sont pas des Congolais qui accusent. Ce sont des gens objectifs qui ont fait ce rapport. Je dirai aussi que justice doit être faite pour toutes les victimes au Congo et ailleurs dans la région. », avait-il dit.

Félix Tshisekedi avait ensuite appelé son homologue à collaborer avec la justice. « Ce serait plutôt une attitude positive que le président Kagame aurait de collaborer. Si les gens qu’il défend sont innocents, la justice va les innocenter. Quant à moi, je tiens à ce que la sécurité revienne dans cette partie du pays ». Et le président congolais d’ajouter : « S’il y a aux FPR [Forces patriotiques rwandaises] des gens qui ont commis des crimes, ils doivent être rattrapés par la justice. Et c’est dans l’intérêt du président Kagame de les livrer à la justice, parce qu’il y va de l’honneur de son pays aussi« .

Il sied de rappeler que les tensions sont toujours grandes entre la RDC et le Rwanda, même sous Joseph Kabila. Le Congo a connu deux guerres entre 1996-1997 et 1998-2003, qui ont déstabilisé en profondeur les Kivu, à la frontalière avec le Rwanda. Un conflit qui a impliqué les armées de plusieurs pays voisins, en particulier celle du Rwanda et de l’Ouganda. Et puis, il y a eu le rapport Mapping qui accuse des acteurs congolais, rwandais et ougandais d’être responsables de crimes graves en RDC entre 1993 et 2003. La méfiance est donc toujours grande envers Kigali, qui est toujours accusé de vouloir déstabiliser l’Est du Congo afin de profiter des ressources naturelles de la région. Aujourd’hui encore, l’est de la RDC compte des centaines de groupes armés. Les plus violents s’appellent le M23, les FDLR, les ADF ou les groupes d’auto-défense, les maï-maï. Plusieurs fois Kigali a été accusé d’être derrière le M23 pour qui il offre asile à ses dirigeants, notamment le chef rebelle Sultani Makenga qui ne vit plus en Ouganda, selon l’armée de ce pays.  

Heshima  

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