Interview

Acacia Bandubola :« Le tribalisme fait le lit de la balkanisation tant décriée »

Ministre honoraire de l’Economie nationale et haut cadre de l’Union pour la démocratie et le progrès social (UDPS), Mme Acacia Bandubola a récemment créé une fondation dénommée « Acacia en action ». Mais en parallèle, elle a lancé une campagne contre le tribalisme. Elle explique à Heshima Magazine le bien-fondé de cette lutte mais aussi les missions de sa fondation.

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Heshima Magazine : Vous avez récemment créé une fondation « Acacia en Action ». Quels sont les objectifs de cette structure ?

 Acacia Bandubola : Les objectifs de la fondation A2 (Acacia en Action), étant donné qu’elle est philanthropique, sont multiples. Je peux citer, sans être exhaustive, l’autonomisation de la femme, de la jeune fille et de la fille-mère, le développement des micro-projets, la solidarité, l’appui aux activités génératrices de recettes, l’éveil patriotique à travers des thèmes pour réveiller la conscience des jeunes et de tous les Congolais, l’organisation des séminaires et formations pour l’autosuffisance alimentaire, et autres. Bref, tout tourne autour de la vision du chef de l’Etat qui met l’Homme au centre de son action.

HM:  Plusieurs personnalités publiques en RDC mettent souvent en place des fondations. Mais qu’est-ce que vous allez proposer de particulier dans « Acacia en Action » pour atteindre vos objectifs ?

Cette fondation est un appel de la base qui a voulu se retrouver autour des activités socio-économiques pour le développement de la communauté donnée. Plusieurs actions de grande envergure au profit de la communauté de base sont envisagées, par exemple, l’initiation à la fabrication des savons ou d’autres produits pour leur permettre de subvenir à leurs besoins. Nous y allons pour soutenir et appuyer la base à travers des initiatives de   développement. C’est autant clair que l’eau de roche, travailler avec les concernés, leur apprendre à pécher au lieu de leur donner toujours du pain. A bas la politique de la main tendue. Voilà !

HM : De l’avis de plus d’un, vous faites de la précampagne électorale. Comment différentiez-vous les actions menées dans ce cadre à celles d’une femme politique que vous êtes ? Cette fondation sera-t-elle muée en parti politique aux prochaines échéances électorales ?

Non, pas du tout. Il faut faire le distinguo entre la fondation qui est apolitique, c’est-à-dire, associative et philanthropique  et le parti politique UDPS, qui, lui, vise la conquête du pouvoir alors que la fondation ne vise que le développement de la communauté par la base et le bien-être de l’homme. Les ambitions et les objectifs sont clairement différents. Toutefois, je comprends où se trouve le problème : ma personne. Evidement, vous n’avez pas tort, laissez-moi vous avouer que beaucoup de gens font la même analyse. Il est aussi, certes, vrai que je suis femme politique, cadre de l’UDPS, ministre honoraire et présidente de la fondation, donc plusieurs casquettes. En conclusion, la nette différence doit être établie, une ligne de démarcation entre la fondation et l’UDPS, la fondation est apolitique, elle est plutôt sociale ; elle n’est donc pas l’appendice du parti politique UDPS, mon parti où je milite et j’ai fourbi mes armes et au sein duquel je continue à œuvrer avec abnégation.

HM:  Quel est le champ d’action de votre fondation ? Allez-vous vous limiter uniquement à Kinshasa ?

Rire, comme j’aime le dire, Kinshasa est certes la capitale, où tout a germé, le socle et le fondement de notre commencement. La fondation A2 apporte un autre discours, un message qui a convaincu les Kinois, qui ont cru en nous et ont adhéré massivement. Tenez, A2 (Acacia en Action) est un nouveau vent qui souffle sur la RDC. L’exemple en a été donné le 8 janvier 2022, jour de la sortie officielle de notre fondation, la symbolique place YMCA a refusé du monde, l’expression ne vient pas de moi, de vos confrères de la presse invitée. C’est simplement pour dire qu’à Kinshasa la Fondation est assez mieux implantée, enracinée même dans la quasi-totalité des communes et quartiers, le drapelet de la fondation flotte. Ainsi dit, Kinshasa n’étant pas le Congo, nos actions sont visibles à ce jour dans la province du Sud-Ubangi, d’où je viens après avoir passé plus d’une semaine avec cette population.

Là je dois insister pour dire qu’ils se sont organisés eux-mêmes, ils m’ont pratiquement tiré par la chemise pour les visiter. Notre grande surprise était que la fondation s’était fortement implantée, jusque dans les différents territoires et districts.

Le samedi 19 février 2022 à notre descente sur le tarmac de l’aéroport de Gemena, cela a ressemblé à une journée fériée, personne n’est allé au travail ! Bref, un accueil sans précèdent, une fête totale à Gemena, Libenge, Zongo, Akula, bref les images parlent d’elles-mêmes. Cet accueil a dépassé mes calculs et mes attentes, je profite de cette occasion pour remercier tous les enfants et toute la population du Sud-Ubangi. C’est-dire que A2 (Acacia en Action) n’est pas localier, mais sur toute l’étendue du territoire de la RDC.

HM: Lors du lancement de cette fondation, le 8 janvier, vous avez lancé, en même temps, une campagne dénommée : « Stop tribalisme pour un Congo uni et fort ». Qu’est-ce qui vous a motivé pour mettre en place une telle campagne ?

La motivation est simple, l’esprit patriotique, l’amour du Congo, de vivre ensemble. Un Congo uni et fort. Car, le tribalisme est un fléau qui gangrène notre société, il a causé assez d’ennui, aussi vraisemblable que cela puisse paraitre anodin, le tribalisme doit être condamné, éradiqué sur tous les plans. Cette lutte devrait être une passion pour tout Congolais épris de l’esprit de vivre collectivement. Le tribalisme ne favorise pas le développement d’un pays, au contraire, il amène le séparatisme, le clivage ethno-tribalo-clanique. Ce fléau tant qu’il existera et sera pratiqué, c’est un lit bien préparé pour la balkanisation tant décriée par tous les Congolais. Pour y parvenir, certains mécanismes doivent être pris en compte.

Par exemple, la révision de la loi n°004/2001 du 20 juillet 2001 portant dispositions générales applicables aux ASBL et aux établissements d’utilité publique en RDC, qui favorise la création des associations à caractère tribal. Nous proposons la création des associations à caractère non tribal. A titre illustratif, les anciens étudiants de l’Université de Lubumbashi, de la Province Orientale, les anciens de Motema Mpiko, Bana Kin, ce genre d’associations est cosmopolite et regorge les personnes de toutes les tribus ayant vécu ou étudié dans ces milieux. C’est cela notre credo, notre combat, et croyons avec Dieu, nous réussirons.

HM: Pourquoi avez-vous choisi la place YMCA pour lancer ces activités ?

La place YMCA est très symbolique, d’autant plus que c’est là que les lampions de l’indépendance ont commencé à s’allumer par nos pères de l’indépendance dont Joseph Kasa-Vubu et d’autres militants de l’ABAKO (Alliance des Bakongo), une association à caractère tribal, qui s’était muée en parti politique. Après une rencontre sportive le 4 janvier 1959, les affrontements ont donné à des émeutes, qui ont conduit naturellement à la réclamation de l’indépendance. Et puisque A2 (Acacia en Action) œuvre pour le bien-être de la population, même idéal de nos pères de l’indépendance.

Le 08 janvier reste également une date historique qui restera aussi gravée dans la mémoire des membres de la fondation en particulier et des Congolais en général. YMCA est le symbole de la lutte pour la souveraineté, le vouloir vivre libre et indépendant. Un souvenir de la liberté et l’éveil de conscience patriotique, un flambeau que tous, devons tenir pour l’amour du Congo.

HM: Nous sommes au mois de mars, en tant que présidente d’une fondation qui œuvre notamment pour l’auto-prise en charge de la femme et la jeune fille. Que prévoyez-vous pour ce mois ?

Des activités de grande envergure sont prévues, point n’est besoin de vous révéler notre agenda, seulement les femmes de A2 (Acacia en Action) savent que nous devons nous retrouver ensemble, notamment pour des journées de réflexion et de sensibilisation et tant d’autres. D’ailleurs, il y a tout un cahier de charges des activités à réaliser dans le cadre du mois de la femme. Le Congo a besoin de la femme qui est éveillée, celle qui défend sa patrie et se donne aux activités individuelles et collectives. Donc, une série d’activités à réaliser durant tout le mois de mars.

HM: L’UDPS a totalisé 40 ans le 15 février. Pourriez-vous nous dire quelles sont les valeurs qui ont attiré votre adhésion à ce parti ? Après 37 ans de lutte, ce parti se retrouve au pouvoir. De quoi êtes-vous fière en tant que cadre de cette formation politique ?

Finalement, je suis tentée de dire que l’UDPS est un patrimoine national congolais nous légué par nos pères fondateurs, particulièrement feu papa Etienne Tshisekedi Wa Mulumba dont l’incarnation est Son Excellence, le Président de la République, Félix Antoine   Tshisekedi Tshilombo, avec mes hommages les plus déférents. Toutes ces années de lutte ont forgé l’homme congolais à braver la peur, à aimer sa patrie, à incarner les valeurs démocratiques et des libertés fondamentales. Ma fierté est de voir que le combat du père est relayé par le fils, c’est le Congo qui gagne. « Le peuple d’abord », comme scandait la population un certain 24 janvier 2019 au Palais de la Nation, jour où le peuple avait pris le pouvoir. En fait, c’est la résultante d’une lutte et le couronnement d’un combat.

HM: Au-delà de vos activités aujourd’hui, vous avez été ministre de l’Economie nationale. Qu’est-ce que l’on peut retenir de votre passage dans ce portefeuille ?

Il serait superfétatoire de parler du bilan d’un secteur déterminé ou d’un ministère lorsqu’on sait que toute action relative au fonctionnement d’un gouvernement est à prendre dans   sa globalité. Néanmoins, nous pouvons modestement énumérer les quelques réformes que nous avons pu engager, en dépit des circonstances difficiles relatives, notamment à la pandémie de la Covid-19 qui a touché durement le tissu économique de notre pays à l’instar des autres pays du monde. Évoquer un bilan suppose accorder un regard, sans complaisance, sur les actions entreprises, en conformité avec d’une part les attributions du ministère et d’autre part, les instructions et assignations données par la Haute hiérarchie. Sur ce plan, je peux affirmer la tête haute avoir, avec bravoure et patriotisme, mené mes actions avec abnégation. J’en suis fière. Ainsi, nous pouvons citer, à titre illustratif, et la liste n’est pas exhaustive, nous avons :

-Obtenu la baisse du prix du carburant, malgré la hausse du taux de change, grâce notamment à la réforme portant mutualisation des volumes, ce qui a notamment permis l’augmentation du volume mis en consommation ;

– Maîtrisé le prix des biens de grande consommation sur le marché malgré la conjoncture liée au Covid-19 ainsi que durant la période des festivités de fin d’années caractérisée généralement par une surchauffe de marché et la pénurie des biens de première nécessité ;

 -Régulé le grammage des pains, produit hautement stratégique ; 

-Obtenu la baisse des prix des barres de fer servant notamment à la construction, après la surveillance des opérateurs du secteur et les réunions multiples afin d’obtenir de leur part le respect de la législation sur les prix ; 

– Assuré l’approvisionnement national pendant et après Covid-19 n Obtenu une subvention en faveur de la société nationale des Hydrocarbures (SONAHYDROC) en faillite depuis 20 ans, afin qu’elle puisse jouer son rôle comme dans les décennies passées ; 

– Obtenu une baisse sensible du manque à gagner de l’état de plus de 75 millions de dollars sans que le gouvernement ne débourse un seul dollar ;

 -Redynamisé la Commission de la Concurrence (COMCO). Structure importante dans la régulation du secteur concurrentiel ;

– Maîtrisé le coût, prix du transport en commun, conséquence de la baisse des prix du carburant et d’une politique efficace de suivi des paramètres concourants à la fixation des prix  de 2250Fc à 1995 FC. 

– Permis d’augmenter le volume de mise en consommation des produits pétroliers de 30.000 actuellement à 53.000 m3. Il est, certes vrai, qu’il y aura sans conteste et modestement un avant et un après Acacia Bandubola, je puis dire sans peur d’être contredite : « J’ai servi la République et mon pays, je sors tête haute !». 

Propos recueillis par Heshima Magazine 

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