Celle qui est aujourd’hui vice-Première ministre en charge de l’Environnement, Développement durable ne pouvait soupçonner une telle trajectoire de sa vie il y a des décennies passées. Happée par la politique, à 23 ans, alors qu’elle revenait du marché, l’ex-secrétaire générale du Mouvement de libération du Congo (MLC) y est restée jusqu’à ce jour.
« J’avais 23 ans et je revenais du marché. Ce jour là, se souvient-elle, le 17 janvier 1988, Étienne Tshisekedi avait appelé à une marche de protestation contre Mobutu. En rentrant chez moi, j’ai été confondue avec les manifestants. Les militaires ont aussi cru qu’au regard de ma morphologie, j’étais Luba [comme Tshisekedi]. J’ai été arrêtée et maintenue en détention plusieurs jours. Il a fallu l’intervention de mon mari et de différentes ONG pour que je sois libérée. » Cet incident – apparemment fortuit – venait là de faire naitre en elle une ambition politique. Aussitôt libérée, Eve Bazaïba va adhérer au sein du parti pour lequel elle a été innocemment happée par des militaires du maréchal Mobutu, l’Union pour la démocratie et le progrès social (UDPS), d’Etienne Tshisekedi. Mais le chemin avec le Sphinx va se séparer lorsque le président de l’UDPS décide de boycotter les élections de 2006. Elle, par contre, va postuler en indépendant. Ce qui lui coûtera l’exclusion au niveau du parti.
Ayant intégré le MLC de Jean Pierre Bemba Gombo, c’est là que « maman Eve » – comme on l’appelle au MLC – va livrer un combat politique héroïque. Devenue secrétaire générale alors que le leader du parti est toujours incarcéré à la Cour pénale internationale (CPI) depuis 2008 jusqu’à 2018, Bazaïba – avec d’autres partis d’opposition – vont livrer un combat politique sans merci contre Joseph Kabila. Dans des marches politiques, Eve est en première loge. En 2015, alors que le Parlement tricotait une loi électorale qui conditionnait les scrutins de 2016 au recensement général de la population, elle a manifesté ensemble avec d’autres forces politiques pour rejeter cet « alinéa litigieux ». Ce qui sera finalement retiré par le Sénat après avoir « écouté la rue ». En mai 2016, celle qui est surnommée la « Jeanne d’Arc » au MLC va encore se dresser sur la route de Joseph Kabila. Une marche voulue pacifique va mal tourner. La députée du MLC s’est grièvement blessée à la jambe gauche à proximité du camp Lufungula, alors que les leaders de l’opposition et leurs militants se dirigeaient vers l’Hôpital général de référence de Kinshasa où devait s’achever leur manifestation.
Modèle de combat
Eve Bazaiba a participé dans plusieurs de ces combats aussi bien sur la place publique qu’au sein de l’hémicycle du Palais du peuple où elle sait bien aussi faire valoir ses idées. En tant que politique, cette native de Kisangani, dans la province de la Tshopo, a inspiré beaucoup de femmes. Au lendemain des élections de novembre 2011, elle fut élue députée nationale du territoire de Basoko. En 2012, elle a pris la présidence de la commission socioculturelle de l’Assemblée nationale. Et 33 ans après son entrée en politique, celle qui a longtemps tenu les rênes du MLC, en l’absence de son « chairman », évolue désormais pour la première fois au sein d’une majorité présidentielle et d’un gouvernement. Elle est vice-Première ministre, ministre de l’Environnement et Développement durable du second gouvernement de Félix Tshisekedi. Un combat difficile et passionnant qui a pris trois bonnes décennies à cette femme de caractère.