RDC-USA : Antony Blinken à Kinshasa, quels enjeux pour la RDC ?
Après l’étape sud-africaine, le secrétaire d’Etat américain arrive ce 9 août à Kinshasa, capitale de la République démocratique du Congo. Il sera reçu par Félix Tshisekedi au Palais fraichement rénové du Mont Ngaliema. Plusieurs questions attendent le chef de la diplomatie américaine, particulièrement la crise sécuritaire dans l’Est du pays.
Ayant débuté sa tournée africaine par l’Afrique du Sud, Antony Blinken est attendu, ce mardi 9 août 2022 à Kinshasa, en milieu d’après-midi. « Le Secrétaire d’Etat américain sera reçu en début de soirée, au nouveau Palais présidentiel du Mont Ngaliema, par le président Félix Antoine Tshisekedi Tshilombo. Les deux personnalités auront un tête-à-tête de près d’une heure avant une rencontre bilatérale des délégations congolaise et américaine », annonce la presse présidentielle.
Cette visite intervient à un moment de tensions sécuritaires entre la République démocratique du Congo et son voisin, le Rwanda, accusé de soutenir les rebelles du M23. D’où les enjeux sont de taille pour la RDC à travers cette visite. Il y a,avant tout, l’enjeu sécuritaire…
Crise sécuritaire
Depuis près de deux mois, les rebelles du M23 se sont emparés de la cité frontalière de Bunagana, un coin stratégique dans le territoire de Rutshuru, au Nord-Kivu. Pour en arriver là, ces forces négatives ont bénéficié du soutien avéré de l’armée rwandaise, selon le rapport [encore confidentiel] du groupe d’experts des Nations-Unies destiné au Conseil de sécurité et dont les bribes ont fuité dans les médias la semaine dernière.
Face à cette question, Kinshasa via notamment son chef de la diplomatie, Christophe Lutundula, exige des sanctions contre Kigali. Et au menu des discussions aujourd’hui entre le Président Félix Tshisekedi et le secrétaire d’Etat américain, la question de l’implication du Rwanda dans la déstabilisation de la partie Est de la RDC ne devrait pas manquer. Kinshasa compte d’ailleurs voir une pression accrue des Etats-Unis sur le Rwanda pour le pousser à reculer dans sa politique agressive contre la RDC. Encore que Blinken se rendra immédiatement à Kigali après sa visite de deux jours en RDC.
Dans ce sens, 17 organisations et des experts congolais et américains ont notamment appelé, lundi 8 août, le secrétaire d’État américain à affirmer des sanctions américaines contre le Rwanda et aux autres personnes qui soutiennent des groupes armés qui commettent des abus en RDC.
Elections 2023
L’autre enjeu qui intéresse beaucoup plus l’opposition politique, c’est la question des élections de 2023. Le communiqué du Département d’Etat américain qui annonçait la visite de son chef en RDC avait d’ores et déjà planté le décor. Les discussions avec les autorités congolaises devaient aussi porter sur l’intérêt mutuel à « assurer des élections libres, inclusives et équitables en 2023, à promouvoir le respect des droits humains et à protéger les libertés fondamentales. »
Pour ladirectrice de la division Crises et Conflits de HumanRights Watch, Ida Sawyer, « le déplacement du secrétaire Antony Blinken en RD Congo devrait permettre de renforcer les efforts de mise en œuvre d’élections démocratiques, et de lutte contre la corruption et les violations des droits ». Cela, dans un contexte où il y a une forme de montée des arrestations ces derniers jours à Kinshasa.
Un partenariat clair !
L’autre attente des Congolais, c’est de voir un partenariat clair entre les Etats-Unis et la RDC. Malgré le Partenariat privilégié pour la paix (PPP) conclue en 2019 entre la République démocratique du Congo et les Etats-Unis, rien de concret n’est perceptible en République démocratique du Congo. Par contre, Washington n’a pas soutenu Kinshasa dans la demande de levée des mesures de restriction imposées par le comité des sanctions du Conseil de sécurité des Nations-Unies à la RDC en matière d’acquisition d’armes à feu. Ce qui a énervé l’opinion publique congolaise qui, depuis un temps, force son gouvernement à se tourner vers la Russie et la Chine. Surtout que le partenariat américain avec le Rwanda n’aide pas Washington à sanctionner Kigali pour son soutien aux groupes rebelles en RDC.
Entre les Etats-Unis et la RDC, on est encore très loin de ce qui peut être une coopération militaire robuste et opérationnelle. Et en RDC, des Congolais veulent voir du concret face aux groupes armés mais aussi face au Rwanda. Mais sur RFI, ce matin, Antony Blinken n’a pas vraiment été clair sur ce conflit. A en croire ce diplomate américain, le rôle des Etats-Unis, c’est d’essayer de trouver « une solution diplomatique parce que c’est une crise qui se répète ». Ce qui laisse entrevoir qu’avec Paul Kagame, il ne sera pas question de sanctions.
Levée de sanctions américaines…
Le déplacement de Blinken en RDC est également un enjeu pour des anciens dignitaires du régime de Joseph Kabila restés encore sous sanctions américaines, notamment Corneille Nangaa. D’ailleurs, l’ancien Président de la Commission électorale nationale indépendante (CENI), n’a pas caché sa volonté de faire le plaidoyer auprès de Blinken pour obtenir la levée de ces sanctions prises à son encontre. Dans une correspondance adressée au chef de la diplomatie américaine, le 5 août, l’ancien patron de la centrale électorale a fait mention de « la nécessité de réévaluer les sanctions américaines liées au processus électoral de 2018 ».
Dans cette note, il rejette aussi la responsabilité du glissement des dernières élections. La validation, selon lui, par l’Assemblée nationale, du rapport interne de la CENI concernant le dernier processus électoral, ainsi que le fait qu’il n’occupe, à ce jour, plus aucune fonction dans le domaine électoral, devraient l’exclure des critères de désignation prévus pour ces sanctions. « Le processus électoral de 2018 a été définitivement approuvé et ses animateurs ne devraient donc plus faire l’objet de réprobation », a écrit Corneille Nangaa.
Il faut souligner qu’en mars 2019, cet ancien Président de la CENI a été accusé par le Trésor américain de « corruption et d’entrave au processus démocratique » et ses avoirs qui se trouvent sur le sol américain ont été gelés. Il lui est aussi interdit d’effectuer des transactions avec toute personne se trouvant sur le territoire américain.
Sur cette liste noire, Corneille Nangaa n’est pas le seul. Il y a également son adjoint à la CENI, Norbert Basengezi, l’ancien ministre de l’Intérieur, Emmanuel Ramazani Shadary, l’ancien inspecteur des Forces armées de la République démocratique du Congo (FARDC), John Numbi et tant d’autres proches de Joseph Kabila.