Ce n’était pas un « super Tuesday » en République démocratique du Congo. Le secrétaire d’Etat américain, Antony Blinken, qui est arrivé, mardi 9 août à Kinshasa, n’a pas rencontré les attentes des Congolais qui voulaient le voir condamner le Rwanda pour son agression avérée dans le territoire congolais. Le chef de la diplomatie américaine n’a ni condamné ni demandé le retrait des troupes rwandaises et de leurs supplétifs estampillés M23 des territoires conquis, notamment la cité stratégique de Bunagana, dans le territoire de Rutshuru, au Nord-Kivu.
Interrogé par RFI pour savoir si son pays allait sanctionner le Rwanda, comme l’exige Kinshasa après les fuites du rapport onusien sur l’implication de ce pays dans la déstabilisation de la République démocratique du Congo, Antony Blinken a carrément répondu par la négation. Les Etats-Unis entendent plutôt, selon lui, «soutenir les efforts entamés par la SADC, l’initiative de Nairobi» pour «faire baisser la tension et la violence». Ce diplomate américain compte surtout soutenir les initiatives du Président sortant du Kenya, Uhuru Kenyatta, pour le processus de Nairobi, en vue d’essayer de trouver une solution pacifique pour l’Est du Congo.
Même si les attentes des Congolais étaient diverses et variées notamment sur le climat, le dossier de l’Est de la République démocratique du Congo est plus préoccupant aux yeux de l’opinion publique congolaise. « Nous espérons plus de coopération économique à travers des investissements américains, en particulier dans le domaine des compensations pour notre écosystème qui permet la lutte contre le changement climatique, dans le cadre de notre partenariat stratégique PPPP », estime le porte-parole du gouvernement, Patrick Muyaya. Mais l’épineux dossier reste celui du Rwanda.
Au cours d’une conférence de presse animée conjointement à Kinshasa avec Anthony Blinken, à l’occasion de sa visite en RDC, le chef de la diplomatie congolaise, Christophe Lutundula a révélé que son pays a officiellement saisi le secrétaire général de l’Organisation des Nations-Unies (ONU), António Guterres, au sujet du rapport de ses experts qui confirme que le Rwanda a soutenu le M23 pour déstabiliser l’Est de la RDC. « Le Gouvernement a mis le cap sur l’examen de ce rapport et sa mise à contribution par tous les intervenants bilatéraux et multilatéraux, afin de lever le voile et certaines zones d’ombre qui ont été créées délibérément et trouver une solution durable. En fait, le rapport, c’est le diagnostic qui doit nous permettre de trouver le médicament qu’il faut », a déclaré Christophe Lutundula. En d’autres termes, la RDC a sollicité que ce rapport puisse être débattu au Conseil de sécurité pour tirer toutes les conséquences de l’implication du Rwanda.
Espoirs déçus
Malgré cet activisme du gouvernement congolais sur la question du Rwanda, seul Washington et ses partenaires occidentaux pourraient faire bouger les lignes. Mais l’administration Biden semble doucher les espoirs des Congolais. « Imaginez que c’était la RDC qui agressait le Rwanda, Washington n’allait pas avoir cette posture. Le gouvernement congolais doit tirer les leçons de cette hypocrisie et investir dans son armée et privilégier des partenaires sincères », estime un analyste.
Sous l’administration de Barack Obama, Washington avait pris des sanctions contre le Rwanda, en 2013, pour des cas de recrutement d’enfants-soldats dans les rangs de la rébellion du Mouvement du 23 mars (M23) dans l’Est de la République démocratique du Congo. Ces sanctions consistaient à couper «toute l’assistance en termes de formation et d’entraînement militaire pour l’année budgétaire 2014». Mais cette fois-ci, il est difficile de voir les Etats-Unis sanctionner le Rwanda pour son soutien avéré à ces rebelles et même pour avoir attaqué les FARDC sur le sol congolais. Il faut maintenant scruter ses propos à Kigali pour en avoir le cœur net, puisqu’il est aussi attendu au Rwanda.
Même sur le tableau du processus électoral, le soutien de l’Oncle Sam n’est pas de taille. Washington annonce consacrer un soutien financier de 23,75 millions de dollars dans un processus qui coûte près d’un milliard de dollars à la RDC. Dans un communiqué, les Etats-Unis ont aussi insisté sur la tenue des élections transparentes, crédibles et inclusives.
Heshima