Interview

INTERVIEW EXCLUSIVE: LA CENI D’AUJOURD’HUI NE CACHE PAS LA VÉRITÉ DENIS KADIMA Président de la Commission Électorale Nationale Indépendante (CENI)

Quelques jours après la publication des résultats des élections combinées du 20 décembre 2023, le président de la Commission électorale nationale indépendante (CENI) revient sur ce processus électoral qui a connu beaucoup d’innovations mais également certaines faiblesses. Du vote de la diaspora, de l’inclusivité des parties prenantes en passant par les sanctions contre les fraudeurs et la création du Centre Bosolo, Denis Kadima démystifie la « vérité des urnes ». Interview exclusive !

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HESHIMA MAGAZINE : D’entrée de jeu, comment vous sentez-vous après avoir tenu le pari d’organiser les élections générales dans le délai constitutionnel. Etes-vous totalement satisfait du travail accompli ?

 Dénis Kadima: Je suis sans aucun doute satisfait. Vous savez que pour nous ces élections représentaient un grand défi, tout le monde sait que notre équipe à la CENI a été mise en place avec un énorme retard. Et dès que nous avons commencé le travail, des groupes, qui d’abord n’étaient pas contents de notre désignation, ces derniers se sont mis à déclarer que nous avons été nommés avec l’intention de glisser, c’est-à-dire de ne pas tenir les élections à la date prévue, du moins selon le délai constitutionnel. Alors que d’autres insistaient qu’ils ne permettront pas que nous soyons en retard d’un jour, d’autres renchérissaient qu’ils n’accepteront même pas une prolongation ne futce que d’une minute ou d’une seconde. C’est dire que nous subissions une pression très forte, alors que notre intention était tout autre, à savoir celle de tenir le délai et de montrer aux Congolais que nous devons nous habituer à respecter ce terme surtout quand celui-ci est lié à la Constitution. Donc pour nous c’était un motif de satisfaction de pouvoir, en dépit de tout ce qu’on a eu comme difficultés sur le plan financier, logistique, du personnel qu’il fallait recruter, former, chercher avec qui partager plus ou moins une même vision, et finalement tenir cette date-là.

HM: Quel état des lieux pouvez-vous dresser de ce processus électoral ? 

Beaucoup de choses ont été bien faites. Au départ nous étions vraiment méthodiques. Nous avons commencé dans les quatre premiers mois à mettre en place une feuille de route pour guider notre travail. Et cette feuille de route a été très bien respectée et plus tard elle a constitué la base de notre calendrier électoral qui a été aussi respecté. Elle a constitué un outil de gestion pour nous parce qu’il nous a guidés et nous avons à chaque fois tenu compte des différentes dates y consignées. D’abord, notre souci a toujours été de disposer d’un processus inclusif. Parce que nous avons eu à déplorer qu’à chaque fois qu’un candidat ou un groupe de candidats sont écartés du processus électoral, cela fragilisait notre pays, cela créait une impression de chercher à ôter les gens de son déroulement pour vouloir rester seul à compétir. 

Cela enlevait quelque chose au caractère démocratique et compétitif du processus électoral. Et donc nous avons opté pour l’inclusion. Vous avez vu que c’est un processus qui a compté plus de 100.000 candidats. Nous avons enregistré des candidats qui n’étaient pas rassurés de pouvoir compétir à cause du doute sur leur nationalité, mais nous n’avons pas cédé à la pression véhiculée à travers les réseaux sociaux, à travers toutes sortes de médias. Nous avons permis à tout candidat qui introduisait un dossier en ordre de se présenter aux élections. A part cela, nous avons beaucoup œuvré pour la transparence. 

Dès le début, au moment où nous avons lancé notre feuille de route, si vous la relisez, vous verrez que nous avons déjà prévu que soit intégré une observation sur le long terme, quelque chose qui n’existait pas de façon légale. La loi au Congo ne la prévoyait pas, ce qui fait que les équipes passées n’avaient pas permis systématiquement d’observer le processus dans ces conditions. Mais nous, nous avons non seulement rendu cela possible, mais également contribué dans nos inputs auprès du parlement, motivé pour que ce dernier prenne en compte le besoin de légiférer sur l’observation du long terme. Ainsi, vous avez vu lors de l’enrôlement des électeurs, des missions déployées à travers le pays, proposant des recommandations. Comme le processus était long, nous étions réceptifs à un bon nombre de recommandations que nous avons mis en œuvre. 

Toujours dans le cadre de la transparence, ce processus a relevé un grand défi par rapport à celui auquel étaient confrontés les cycles électoraux passés, à savoir celui de la crédibilité des résultats. Avant cela, l’impression était toujours qu’on cachait quelques choses, que ce n’était pas transparent, qu’on ne publiera pas les résultats par bureau de vote. Or nous, nous avons non seulement publié les résultats par bureau de vote sur notre site web, mais nous avons également publié les résultats au fur et à mesure qu’ils étaient disponibles dans le centre des opérations et des résultats que nous avons dénommé le Centre Bosolo venant du mot « vérité » en français.

 Il s’agit du centre de la vérité des urnes et nous l’avons géré avec brio et beaucoup de gens vous diront que c’est l’une de plus grandes si pas la plus grande innovation de ces élections, parce que pour la première fois, les Congolais ont pu assister à l’arrivée des résultats et tout le monde pouvait déterminer ces résultats au niveau des territoires. Ce fut du jamais vu et le suivi des résultats a pu être effectué de façon très aisé par tout le monde à l’aide de cartes et de chiffres. Ce fut un grand moment de retrouvailles pour les politiciens, les journalistes, mais aussi pour les citoyens. 

Cela permettait aux gens de participer et s’approprier du processus et des résultats. Cela a aussi préparé le terrain par rapport à l’acceptation des résultats par la population. Au moment où nous avons promis de publier les résultats provisoires, il n’y avait plus de surprises étant donné que tout le monde savait ce qui allait arriver et comme ces résultats-là reflétaient sans aucun doute l’expression de la volonté des électeurs congolais, le pays a été dans le calme et cela m’emmène à un autre élément de satisfaction par rapport au processus électoral, c’est-à-dire son caractère apaisé.

Nous n’avons jamais eu un tel processus pour lequel les diplomates n’ont pas eu à quitter leurs postes pour rentrer chez eux, de peur d’être victimes de la violence. Les Congolais ont continué à vaquer calmement à leurs occupations, nous-mêmes avons promis et réalisé l’objectif de publier les résultats de l’élection présidentielle durant le jour et sous la lumière du soleil. 

Les gens ont continué à célébrer la Noël alors que les élections ont eu lieu le 20 et les résultats ne sont sortis que le 31 décembre. Et déjà, le 20 décembre les gens sortaient sans que l’on puisse constater le moindre trouble dans les rues de Kinshasa, sans aucun militaire ni chars de combat. Nous avons publié ceux qui avaient gagné et leurs partisans ont pu librement célébrer leur victoire dans les rues de Kinshasa. Le Centre Bosolo représente une grande innovation en Afrique francophone qui contribue beaucoup à la transparence et finalement au caractère apaisé du processus. Cela a balayé toutes les zones d’ombres d’antan.

 Au moins, aujourd’hui, quand les gens rejettent les résultats des élections présidentielles, ils sont ridicules parce que tout le monde a bien vu la participation de toute la population et la transparence dans la gestion des résultats. D’ailleurs cela a ramené la mobilisation contre les résultats et contre la CENI impossible. Ceux qui ont tenté n’ont pas pu réussir. Je suis persuadé que s’il y a une étude ou une enquête sérieuse, si l’on essaye d’évaluer la perception que les gens ont de la CENI, en ce moment, elle sera très bonne. C’est un motif de satisfaction, il y a eu beaucoup de réalisations nous pensons que nous avons établi un nouveau standard, les congolais peuvent à présent croire que nous pouvons avoir des élections répondant au standard mondial.

HM: Est-ce qu’il y a eu d’autres mécanismes de facilité ou d’innovation dans ce processus électoral, contrairement au processus passé ?

Hormis tout ceci, nous avons facilité la tâche aux électeurs. Au moment de leur enrôlement, nous leur avons permis de s’inscrire afin de bien compléter une bonne partie du processus en le faisant à la maison, dans le confort familial et cela a permis que les informations telles que celles du territoire d’origine, du groupement ou de la chefferie que chacun puisse poser la question à la grand-mère qui est là, aux autres parents, aux adultes. Les gens se sont pré-enrôlés et quand ils arrivaient avec leur QR codes ils étaient en mesure d’être enrôlés rapidement. Pour le vote, nous avons permis aux Congolaises et Congolais qui étaient enrôlés d’être en mesure de retrouver leurs bureaux de vote à travers une application développée par les experts de la CENI appelée CENI RDC Mobile. Il y a plein de petites choses comme cela.

HM: Le 20 décembre 2023, jour du scrutin, un retard considérable a été observé dans le déploiement du matériel. L’opinion était surprise de vous voir demander le transport du matériel le 5 décembre 2023, soit 15 jours seulement avant le jour du vote. Pourquoi ?

Si nous avions toujours reçu l’argent à temps, nous allions commander tout ce dont nous avions besoin dans les délais. Et les matériels et les équipements seraient venus par bateau. Malheureusement, comme il y avait aussi des difficultés, nous sommes un pays en développement, le gouvernement n’a pas toujours tout l’argent disponible en même temps. C’est le gouvernement qui a financé ce processus à 100 %. Il fallait bien palier au plus pressé, nous avons commandé souvent d’ailleurs en retard, et cela a nécessité qu’on prenne des avions.

Et quand ces avions arrivent, il faut dispatcher tous ces matériels. Et à un certain moment, nous nous sommes rendus compte que cela devenait compliqué. Quand le paie  ment venait lentement, les fournisseurs ne nous donnaient pas la marchandise, on pouvait passer deux ou trois semaines sans l’avoir reçue. Nous avons compris que même l’acheminement de ces matériels ne pouvait pas se faire par des moyens traditionnels tels que les camions ou par trains. Il fallait des avions et des hélicoptères. 

C’est ainsi que nous avons fait cette demande-là relativement en retard, au-moins, cela n’a pas empêché que les élections se tiennent. Ce sont des leçons à tirer : on ne peut pas avoir cinq ans et ne commencer à se préparer qu’à deux ans des scrutins. Si nous répétons ces erreurs, nous aurons les mêmes types de problèmes et dysfonctionnements. Quant à la disponibilité des matériels au jour du vote, je pense qu’il y a une combinaison de contraintes sur le plan logistique. Sur ce point, je dois admettre qu’il y a eu une mauvaise performance au niveau des certains membres du staff, une mauvaise planification des gens. Ils n’ont pas mis en œuvre tout ce qui était prévu. Il nous a été dit que tout était prêt à 90% et quand nous sommes arrivés, nous nous sommes rendus compte alors que cela n’était pas le cas. Peut-être le problème d’incompétence. Cela peut arriver, mais on a essayé de se rattraper et cela nous a pris un peu plus de jours.

HM: Pourquoi n’avez-vous pas levé l’option de solliciter un report d’une semaine pour permettre un déploiement total du matériel et ainsi éviter d’étendre le vote à plus d’un, deux, voire trois jours ?

Une semaine nous aurait aidés sur le plan logistique, mais sur le plan politique nous ne savons pas ce qui aurait dû arriver. Comme il y avait des groupes qui ne juraient que par le report, pour montrer à quel point ils étaient en colère, nous avons compris qu’un report allait avoir des conséquences plus graves qu’organiser les élections à la date prévue mêmes avec des défaillances sur le plan organisationnel. D’où nous avons opté pour continuer avec le processus et nous rattraper au fur et à mesure.

HM: Finalement, les élections ont eu lieu. Les résultats publiés par la CENI au sujet de l’élection majeure, celle du président de la République, semblent être les mêmes que ceux collectés par la MOE CENCO-ECC. Sentez-vous fiers que votre CENI ait publié cette fois-ci la « vérité des urnes » ?

Pour répondre à cette question, il faut bien maitriser les résultats du cycle passé. Nous ne savons pas ce qui s’est passé, pourquoi il y a eu des contradictions entre la CENCO et les équipes de la CENI qui nous ont précédées. Mais nous ne pouvons que parler de nous-mêmes. Nous savions depuis le premier jour que nous allions assurer la vérité des urnes, c’est la CENCO qui avait toujours des doutes. Le fait que les résultats publiés par la CENI et les projections des résultats de la CENCO convergent ne devrait pas nous étonner. Cela nous aurait étonnés si nous avions tenté quelque chose de frauduleux par rapport aux résultats. Nous étions toutefois contents qu’ils soient revenus  à la raison en comprenant qu’effectivement que rien de mauvais n’avait été essayé. Tous les défis auxquels nous étions confrontés étaient des défis normaux indépendants de notre bon vouloir mais que nous avions relevés. Que nos résultats convergents étaient une surprise pour la CENCO qui nous minimisait un peu au départ mais pas pour nous.

HM: Comment justifiez-vous le faible taux de participation des électeurs lors du dernier scrutin ?

Le faible taux de participation ne peut être évalué de façon correcte si l’étude n’est pas quantitative. Je n’ai pas mené une telle étude. Je ne peux que vous donner des éléments qualitatifs. Je dois vous dire simplement que le Congo n’est pas à son premier cycle électoral. Vous verrez que dans tous les pays du monde, lorsqu’il y a une toute première élection, il y a affluence car tout le monde veut pour la première fois peut-être participer au vote. 

Dès le deuxième cycle, vous verrez que le taux a commencé à baisser. Et le troisième cycle ou le quatrième cycle, le taux se stabilise peut-être au tour de 40 % mais bien sûr il y a encore des pays qui ont encore le taux plus élevé que cela, moi je pense qu’il faut voir que ce n’est pas notre premier cycle électoral. La deuxième raison, ce qu’il faut voir les enjeux. Quels sont les enjeux, quels étaient les candidats en lice, quel était leur message ? Est-ce qu’ils ont captivé les gens ? Si j’étais un jeune congolais de 25 ans, 26 ans, 27 ans, je n’aurais pas été excité par une campagne durant laquelle je n’aurai pas beaucoup entendu les questions liées au chômage des jeunes, de la création de l’emploi, de l’emploi de masse parce que nous avons un chômage de masse et aussi il faut une création d’emploi de masse.

 Est-ce que nous allons toujours continuer avec de grands investisseurs qui viennent avec de grands équipements où dominera la robotique par exemple alors que nous n’avons pas du travail ? Si j’étais jeune, j’aurais voulu qu’une personne nous donne un message qui me captive, que je puisse rêver d’un environnement où nous avons beaucoup de PMEs, des structures qui emploient le plus grand nombre de jeunes, mais comment cela va se faire ? Comment allons-nous orienter les jeunes gens vers les études qui les rendent compétitifs sur le marché ? Mais si vous ne répondez pas à ce type d’attente dans un pays dont 70% de la population et jeune, ne soyez pas étonnés que les plus jeunes ne se sentent pas concernés par les élections et que finalement le taux de participation soit bas. La CENI organise les élections, elle sensibilise mais pour  captiver l’électorat, cela relève des partis politiques et des candidats.

HM: Vous avez plusieurs fois parlé de « rebranding » dans vos messages pour évoquer le changement au sein de la CENI. Après avoir passé beaucoup d’étapes du processus, avez-vous obtenu les résultats espérés ?

 Nous avons réalisé beaucoup de choses. Parfois, les gens s’étonnent qu’il y ait par exemple tant des difficultés durant ce processus. On peut épingler des difficultés tout autant que les processus passés. La grande différence et cela fait partie du rebranding, ce que la CENI d’aujourd’hui ne cache pas la vérité, même si cette vérité n’est pas bonne. Comme je le disais dans une conférence, si vous voulez mettre fin à votre alcoolisme, vous devrez d’abord reconnaitre que vous êtes alcoolique, si vous niez que vous êtes alcoolique, vous n’allez pas arrêter de boire abusivement. 

Donc, la CENI d’aujourd’hui ne cache pas ses difficultés, si nous n’avons pas de financement, nous en parlons. Si nous avons la carte d’électeur qui s’efface, nous ne le nions pas. Et je pense que c’est un point important. Cette vérité que les gens ont découvert sur les dispositifs de vote volés et les urnes bourrées est un bon exemple.

Si nous avions caché cela, les gens ne parleraient pas des réformes. Sinon, en 2028, on aurait les mêmes difficultés. Mais nous nous avons non seulement décrié cela, mais nous avons aussi sanctionné, et cela a permis qu’un débat s’engage entre les Congolais et à certain moment, le pays pourrait avoir des reformes en vue d’avoir des élections mieux organisées. 

Rebranding c’est de mettre la vérité sur la grande place, quand une chose arrive nous la disons, finalement, cela permet d’apprendre et d’améliorer quelque chose. Evidemment, nous avons trouvé que la CENI n’avait pas une très bonne réputation et qu’il fallait changer, il fallait rassurer les parties prenantes. Mais comment on les rassure ? C’est en les impliquant.

 Nous avons eu beaucoup de cadres de concertation avec différents partenaires dans nos activités, ils nous ont vu faire des choses, ils avaient des doutes par rapport à nous parce que le narratif de l’époque était assez négatif par rapport à la CENI. Ce qui était aussi une conséquence du passé. Mais les gens ont commencé aussi à nous apprécier, ils ont remarqué qu’il y avait quelque chose d’assez spécial apporté par la nouvelle équipe. 

Nous avons des aspirations, nous voulons être une CENI de rang mondial, pas juste une CENI d’un pays africain avec ce qu’il y a comme connotation négative lorsqu’on fait référence à notre continent. Nous voulons garder notre africanité et inspirer les pays d’ailleurs, au-delà du continent. 

C’est ce qui fait que nous avons essayé de changer notre façon de faire des choses, nous aspirons à apporter de l’innovation partout où il y a des difficultés même sur le plan de nos équipements, de nos bâtiments, par exemple acquérir le bâtiment que le siège de la CENI occupe. Nous avons discuté avec le gouvernement, ce dernier a même commencé d’ailleurs à payer aux propriétaires et nous espérons que dans les mois qui viennent, la dette pourrait être apurée. 

Dans l’entretemps, le bâtiment a été réhabilité, les conditions du travail des agents de la CENI sont très bonnes. Nous avons construit un grand entrepôt, le plus grand dans notre sous-région, un entrepôt pour contenir tout ce que nous avons comme matériels au départ duquel toutes les autres provinces et mêmes les pays où nous avons organisé les élections les recevront. Donc, il y a cette volonté pour la CENI, d’arriver à une certaine renaissance, à être consciente du fait que nous voulons être une institution qui inspire, qui soit un modèle pour les autres.

HM: Vous avez qualifié de « luvunu » (mensonge) tout candidat qui pense que la CENI va nommer des députés. Pouvez-vous encore l’affirmer ?

Avez-vous atteint cet objectif ? Cet objectif a été largement atteint dans le sens qu’aucun candidat n’est venu me voir pour me motiver sur le plan financier ou politique pour qu’il soit nommé. Beaucoup de gens ont compris que la CENI d’aujourd’hui n’est pas une CENI qui nomme ou favorise certaines personnes contre d’autres. C’est d’ailleurs ce qui peut expliquer que les tricheurs ne soient pas venus me voir au niveau du sommet.

 Ils sont allés intimider, corrompre, menacer et brutaliser nos agents au niveau de la base et ainsi avoir accès à nos machines pour frauder. Dieu merci, nous sommes pourvu d’un système développé pour pouvoir retracer ces tricheurs. A ma connaissance, il n’y a pas eu d’achat ou de vente de sièges. Nous avons sanctionné des candidats qui se sont plu à voler les machines, de bourrer des urnes en vue de gagner. Et nous avons, grâce à nos machines et serveurs pu les identifier et les sanctionner et même annuler le scrutin à Masimanimba et à Yakoma. Cela montre que nous ne sommes pas venus là pour faire de la complaisance. 

HM: En dehors des irrégularités constatées le jour du vote, aucune mission d’observation notamment la MOE CENCO-ECC, l’UA, le Centre Carter n’ont pu remettre en cause l’intégrité des scrutins. Par contre, certains candidats de l’opposition appellent carrément à l’annulation des scrutins. Il y a même des voix au sein de la majorité présidentielle qui sont contre les résultats des législatives. Quel est votre point de vue quant à ce ?

Les missions d’observations internationales comme nationales sont beaucoup plus professionnelles parce qu’une mission sérieuse n’est pas préoccupée par un résultat donné. Une mission indépendante ne dit pas que nous voulons qu’une telle personne gagne. Par contre, les partis politiques participent aux élections pour gagner. Ce qui fait que, les missions, en toute objectivité, ont trouvé qu’au-delà des difficultés qui étaient les nôtres, nous avons travaillé de bonne foi. D’ailleurs ces difficultés n’ont jamais affecté un seul ou un groupe d’entité sur le plan géographique. Les difficultés que nous avons eues que ce soit lors de l’enrôlement et le vote, se sont produites plus ou moins de façon égale et des solutions y ont été apportées. Il est difficile de critiquer la CENI et surtout de l’accuser d’être partisane ou d’avoir favorisé quelqu’un contre une autre personne. Je pense que la CENI sur ce plan doit être satisfaite. Elle est restée neutre. 

HM: D’ailleurs, combien ont coûté les élections du 20 décembre 2023 ?

Les élections ont coûté autour de 1,1 milliards de dollars.

HM: Le gouvernement a-t-il versé la dernière partie de l’enveloppe pour vous permettre de parachever le processus électoral ?

Le Gouvernement a donné l’essentiel, presque tout. Toutefois, il reste des dettes que nous devons régler envers des fournisseurs, des salaires aux travailleurs. Mais cela ne représente plus un gros montant, cela peut constituer tout au plus entre 10 et 11 % du reliquat. 

HM: C’est la première fois que les Congolais de l’étranger ont pu voter. Pourquoi avoir voulu ces élections dans cinq pays uniquement ? 

La loi permet aux Congolais résidant à l’étranger de voter, pourvu qu’ils réunissent un certain nombre de critères. Nous avons choisi cinq pays pilotes pour commencer et ne pas vraiment aller dans les pays frontaliers parce qu’il y a parfois un problème de nationalité. Ce que nous étions promis c’est après nous allons tirer des leçons pour pouvoir augmenter le nombre de pays en 2028.

Nos successeurs s’y attèleront. Au-moins, une chose est vraie, cela a été un très grand succès. Les Congolais résidant à l’étranger qui sont venus s’enrôler avaient même des larmes aux yeux. 

L’idée que leur pays leur permettait pour la première fois d’avoir une carte d’électeur et de venir voter pour le président de la République de leur choix symbolisait un moment historique pour eux. L’histoire ne retiendra plus que les Congolais résidant à l’étranger, qui contribuent énormément, de façon substantielle à l’économie du pays, mais pour une fois, il pouvait aussi se choisir un dirigeant. Je pense qu’il s’agissait d’un grand moment d’émotion et de patriotisme.

Nous allons peut-être demander aux législateurs d’assouplir certaines dispositions. Nous ne comptons qu’à peu près 13 mille électeurs dans ces cinq pays. Ce qui est anormal, c’est parce qu’en fait la loi est très contraignante, elle ne permet pas à un plus grand nombre de Congolais de s’enrôler et de voter.

HM: Pourquoi avez-vous insérées les élections locales ? 

Parce qu’elles sont reconnues dans notre loi. N’oublions pas que la base du fonctionnement de l’Etat se trouve au niveau local. Là se situe les fondements de la démocratie. On peut commencer à encourager la participation des jeunes, des filles, des femmes aussi pour que demain ils commencent à prendre la relève car le pays est de loin composé à majorité de cette catégorie de la population. Or, là s’observe le moins de compétition, c’est au niveau des jeunes.

 Nous sommes contents d’avoir pu organiser ces élections-là dans chaque chef-lieu des provinces où sont intervenus beaucoup de jeunes et femmes. Cela signifie que nos communes seront dirigées par des jeunes et c’est la classe qui prendra la relève. Nous avons tenu à cela parce que c’est prévu dans la loi mais ces élections n’avaient jamais été organisées avant cela. Nous avons pris le risque de leur effectivité et nous en sommes contents.

HM: Quel est le dernier message lancez-vous à toutes les parties prenantes au processus électoral après avoir franchi toutes ces étapes ? 

Je crois que les parties prenantes doivent comprendre que tous les processus électoraux, de 2006, 2011, 2018 et 2023, ont fait face exactement aux mêmes problèmes logistiques. La pluie surtout lors des deux derniers cycles ont provoqué d’immenses difficultés pour l’acheminent des matériels et même le déploiement du personnel. 

La solution est pourtant simple, celle de changer des dates, ramener les élections par exemple au mois de juillet, c’est-à-dire le mois le moins pluvieux au pays en pleine saison sèche, c’est le mois durant lequel le pays est sec dans sa majorité, au Sud de l’Equateur. Il est important d’en tirer des leçons sur ce point. 

Pour la question de bourrage d’urnes, d’enrôlement à répétition, de tentatives de corrompre nos agents, il faut vraiment y réfléchir et trouver des solutions. Concernant la participation des femmes, nous sommes passés de 10% en 2018 et aujourd’hui nous sommes à 13 % et ce n’est pas substantiel. Nous devons aussi penser si nous devons garder le même système électoral. Plusieurs interrogations fusent, entre autres sur un système qui établit un seuil. Au-delà de seuil, il faut penser au quotient électoral.

 Quelle est la conséquence de notre système qui consiste à favoriser des petits partis ? Voulons-nous une Assemblée nationale pléthorique ? L’une des exigences en matière de système électoral est que le système doit être simple. Chez nous à l’issue d’un vote, vous pouvez totaliser 7 mille voix, 8 mille voix, mais quelqu’un qui n’atteint que 5 mille voix peut vous battre et vous vous interrogez sur les raisons de cette situation ! Nous tenons aussi compte des listes, les gens n’ont pas compris cela et les coupables aux yeux de certains, c’est la CENI. 

Donc, nous devons disposer d’un système qui puisse être plus représentatif de la minorité, de la représentativité des femmes aussi, sans néanmoins méconnaitre la majorité. Une majorité qui est écartée ou sous-représentée, ce n’est pas une très bonne chose. Il faut trouver un équilibre entre tout cela. 

Nous ne pouvons pas rentrer en 2028 avec le même type de problèmes. Si nous ne trouvons pas des solutions adéquates, cela va fragiliser notre jeune démocratie. Il est important pour un pays qui aspire bénéficier d’une évolution positive sur le plan de sa démocratisation de toujours procéder à des évaluations et des réformes bien pensées, élaborées de façon désintéressée, et non celles établies pour mettre l’un au pouvoir et défavoriser l’autre. Il faut être en mesure de tirer les enseignements qui s’imposent et améliorer les failles par des réformes. A chaque fois, il faut progresser de manière continuelle. C’est ainsi que nous finirons par un système qui répond aux aspirations de notre peuple.

 Propos recueillis par Heshima

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