Corneille Nangaa, coordonnateur de l’Alliance Fleuve Congo (AFC), rébellion affiliée au M23 et soutenue par le Rwanda, a été condamné à mort, le 8 août, par la Cour militaire de Kinshasa-Gombe. Il a été reconnu coupable de crimes de guerre, de trahison et de participation à un mouvement insurrectionnel. Cette condamnation peut-elle faire avancer la situation sécuritaire sur le terrain ? Analyse.
Le procès opposant l’ancien président de la Commission électorale nationale indépendante (CENI), Corneille Nangaa et ses 24 présumés complices au ministère public et à la partie civile, à la Cour militaire de Kinshasa-Gombe, s’est soldé par une condamnation des incriminés. Le procès, qui avait débuté le 24 juillet 2024, visait 25 personnes aux côtés de Corneille Nangaa.
Parmi les personnes mises en cause, il y a eu entre autres Sultani Makenga et Bertrand Bisimwa, respectivement responsables militaire et civil de la rébellion du Mouvement du 23 mars (M23).
Le verdict a été rendu en présence de Constant Mutamba, ministre congolais de la Justice. La justice militaire a également ordonné « l’arrestation immédiate » de Nangaa et la « confiscation de ses biens ».
Lors de l’audience précédente, le ministère public avait requis la peine capitale pour plusieurs des prévenus accusés de trahison et de crimes de guerre. Seul Nangaa Baseane Putters, membre de la famille de Corneille Nangaa, avait échappé à cette sanction de peine de mort. Pour lui, le ministère public a requis 20 ans de servitude pénale, l’accusant de participation à un mouvement insurrectionnel. Sa demande de liberté provisoire a aussi été rejetée. Cependant, le jour de la sentence, tous les coinculpés ont été condamnés à mort.
Quid des incidences de ce procès ?
Ces condamnations interviennent alors que les principaux concernés, à savoir Corneille Nangaa, Bertrand Bisimwa et Sultani Makenga se retrouvent encore sur le territoire congolais, mais dans une zone qui échappe au contrôle de Kinshasa. Ce qui veut dire que l’ordre d’arrestation « immédiate » de Corneille Nangaa ou d’autres condamnés par contumace ne saurait s’exécuter, sauf en cas d’un éventuel coup de théâtre contre ces individus.
Du coup, ces peines n’ont, pour le moment, aucune incidence sur le cours des événements tragiques qui se déroulent dans l’Est de la République démocratique du Congo. En principe, le gouvernement devrait déjà voir au-delà des peines de mort infligées aux rebelles, une autre solution pour obtenir la paix dans cette partie du pays.
Un autre aspect lié à l’incidence de ce procès consisterait à en examiner la logique. En effet, dès lors que la procédure judiciaire de cette affaire est enclenché, il est tout à fait normal que tous les autres coupables possibles soient jugés. Dans ces conditions, en dépit de sa notoriété, l’hypothèse de la citation en justice de l’ancien président Joseph Kabila, impliqué nommément depuis les révélations de son successeur serait à envisager même s’il faille alors s’interroger sur la finalité de cette action.
De toute manière, si le gouvernement ne réussit pas la mise en condition nécessaire de l’armée nationale (FARDC) pour que celle-ci arrive à bout de l’ennemi sur le théâtre des opérations, Kinshasa se retrouvera dans un cul-de-sac où il lui faudra se dédire. Se dédire simplement parce que le gouvernement a refusé l’amnistie, le brassage et le mixage des rebelles. Une résolution avait été votée dans ce sens par une grande majorité à l’Assemblée nationale pour décliner cette option. D’ailleurs, le 2 août, lors de la commémoration du Genocost, à Kisangani, la Première ministre, Judith Suminwa, l’avait rappelé avec force. « Les recettes autrefois connues visant à leur assurer une impunité notamment à travers les lois d’amnistie ou d’intégration au sein des administrations publiques sont à oublier et ne seront plus à l’ordre du jour », avait-elle déclaré. Dans le cadre des garanties de non répétition, soulignait-elle, « il est nécessaire que nos institutions, à savoir le parlement et le gouvernement, travaillent ensemble pour prendre des textes législatifs ou réglementaires selon le cas visant à écarter les auteurs desdits crimes de l’accès à des charges publiques ».
Toutefois si le rapport des forces sur le terrain continue d’être en faveur des agresseurs, le gouvernement – à son corps défendant – se verrait obligé d’effacer les condamnations contre Corneille Nangaa et ses complices dans le cadre d’une amnistie afin de restaurer la paix. Pour que pareille chose ne se reproduise plus, il faudra alors gagner la guerre à travers les armes. Chose qui semble encore improbable au regard des difficultés rencontrées par l’armée sur les lignes de front. Etat de siège, dialogues de Nairobi et de Luanda, forces étrangères de l’EAC puis plus tard de la SADC, Wazalendo, groupes paramilitaires privés, Kinshasa ne parvient toujours pas à trouver la formule satisfaisante pour éradiquer l’insécurité dans cette partie du pays. « Depuis le retour des rebelles du M23 au Nord-Kivu en 2021, la politique sécuritaire de Félix Tshisekedi pourrait être comparée au Rubik’s cube, ce jeu dont le principe est d’essayer toutes les combinaisons avant d’aboutir à la bonne. Le hic, c’est que, pour l’instant, le chef de l’Etat congolais n’a toujours pas trouvé la solution pour ramener la paix dans l’Est. », analyse Christophe Rigaud, un journaliste spécialiste des Grands lacs.
L’ex-patron de la commission électorale qui jure de renverser Félix Tshisekedi, n’a pas eu des limites en s’associant aux rebelles du M23 alimentés par le Rwanda, à des fins insurrectionnelles. Kinshasa l’accuse d’ailleurs d’être la « marionnette » du Rwanda. La lueur d’espoir dans cette crise sécuritaire viendrait alors du désengagement du Rwanda dans son soutien à ces rebelles. Si Kigali retire ses militaires dans le Nord-Kivu et ne sert plus de base arrière aux rebelles, l’AFC-M23 serait vaincu militairement par l’armée congolaise. Comme il en était le cas en 2013 avec le colonel Mamadou Mustapha Ndala aux commandes des opérations contre les rebelles.