Lors de son discours du 25 septembre à la tribune des Nations Unies, dans le cadre de la 79è session de l’Assemblée générale, le président de la République démocratique du Congo (RDC), Félix Tshisekedi, a réclamé des sanctions contre le Rwanda pour violation de la souveraineté congolaise, malgré les pourparlers de paix en cours à Luanda entre Kinshasa et Kigali.
Comme en 2023, le président congolais n’a pas manqué l’occasion de réitérer sa demande. À la tribune de l’ONU, il a une nouvelle fois appelé à des sanctions contre le Rwanda pour son rôle « déstabilisateur » en RDC, alors que les discussions de paix se poursuivent sous médiation angolaise. « Le M23, soutenu par le Rwanda, a provoqué une crise humanitaire sans précédent, avec près de 7 millions de déplacés internes. Cette agression constitue une violation grave de notre souveraineté. Nous appelons la communauté internationale à condamner fermement ces actes et à imposer des sanctions ciblées contre le Rwanda pour son rôle déstabilisateur et néfaste », a déclaré Tshisekedi.
Il estime que les négociations en cours entre les deux pays, sous la médiation du président angolais João Lourenço, ne devraient pas occulter la nécessité de sanctions contre l’agresseur. Le président congolais a également exigé le retrait « immédiat et inconditionnel » des troupes rwandaises du territoire congolais. « Bien que les récentes initiatives diplomatiques, telles que les pourparlers de Luanda, soient encourageantes, elles ne doivent en aucun cas faire oublier l’urgence de cette action essentielle », a-t-il ajouté, en faisant référence à des sanctions ciblées contre Kigali.
Sanctionner Kigali, une illusion ?
L’agression rwandaise contre la RDC a souvent été condamnée verbalement par des chancelleries occidentales. Toutefois, la communauté internationale pourrait hésiter à imposer des sanctions réelles contre Kigali. En 2012, lors de la rébellion du M23, le Rwanda avait été sanctionné par Washington, Berlin, Bruxelles, Londres et Paris. Mais la situation a radicalement changé en 2023. Kigali s’est rendu indispensable pour certaines politiques des pays occidentaux. Le Rwanda s’est proposé d’accueillir des migrants illégaux en provenance du Royaume-Uni, une initiative annulée par le successeur de l’ancien Premier ministre britannique Rishi Sunak, mais qui a renforcé les liens avec Londres, rendant des sanctions peu probables.
Paris, pour sa part, a des intérêts économiques qui freinent toute sanction contre le Rwanda. Paul Kagame, président du Rwanda, est vu comme un acteur clé pour protéger les intérêts français en Afrique, notamment au Mozambique où l’armée rwandaise défend les installations du groupe pétrolier Total contre des insurgés. L’Union européenne, encouragée par la France, a envoyé des millions de dollars pour soutenir les opérations militaires rwandaises à Cabo Delgado. En février 2023, un accord a même été signé à Kigali pour valoriser l’exploitation des minerais rwandais, bien que le Rwanda n’en produise pas à cette échelle. Cela révèle une forme de connivence tacite entre l’Occident et Kigali dans la gestion de la crise sécuritaire en RDC, une crise souvent nourrie par l’exploitation des richesses minières congolaises.
Quant aux Nations Unies, elles se retrouvent face à un dilemme. Comment sanctionner un pays qui est devenu l’un des plus grands contributeurs aux missions de maintien de la paix ? En effet, selon un rapport de l’ONU, le Rwanda a déployé 3 343 personnels au sein de la Mission des Nations Unies au Soudan du Sud (MINUSS). Environ 5 000 Rwandais participent aux opérations de maintien de la paix dans le monde, dont 2 728 militaires et 556 policiers uniquement pour la MINUSS. Cet engagement humanitaire contraste avec l’attitude belliqueuse du Rwanda en RDC, plaçant ainsi le Conseil de sécurité dans une position difficile pour envisager des sanctions contre un tel partenaire.
Privilégier les négociations
Face à cette complexité, la communauté internationale semble privilégier la voie diplomatique pour résoudre le conflit entre la RDC et le Rwanda. Washington a réussi à obtenir une trêve militaire pour favoriser la relance des négociations de paix sous l’égide de l’Angola.
Le médiateur désigné par l’Union africaine, João Lourenço, a souligné depuis la tribune de l’ONU les avancées dans le processus et a annoncé avoir proposé un accord de paix entre Kinshasa et Kigali. Selon lui, cet accord pourrait aboutir à un sommet visant à signer une paix définitive et à rétablir les relations entre les deux pays.
Heshima