Les 1er et 2 octobre, des militaires, accompagnés d’officiers venus de Kinshasa, ont fait irruption dans la propriété de l’opposant Moïse Katumbi, située dans le village de Mulonde, territoire de Pweto, province du Haut-Katanga. Ces autorités enquêtaient sur la réhabilitation clandestine d’une piste d’aviation, soupçonnée de constituer une menace pour la sécurité nationale. Se justifiant, Katumbi affirme que ces travaux sont en lien avec ses activités caritatives. L’affaire a suscité de vives réactions au sein de la classe politique congolaise.
À la suite de cette perquisition, le chauffeur de l’opposant, répondant au nom de Kafutshi, aurait été arrêté et détenu en secret par les services de sécurité, selon trois organisations non gouvernementales basées à Lubumbashi, qui militent pour la défense des droits de l’homme. Le Centre pour la justice et la réconciliation (CJR), l’Institut de recherche en droits humains (IRDH) et Justicia Asbl, dans un communiqué, ont exprimé leur inquiétude. Elles craignent que Kafutshi ne subisse des tortures. « Aucun service de l’État ne doit faire disparaître un citoyen ni le détenir au secret, quelles que soient les accusations », ont-elles déclaré.
« Accusations politiques »
Les sénateurs du parti Ensemble pour la République de Moïse Katumbi dénoncent quant à eux, la tournure politique de cette affaire, qu’ils perçoivent comme une « tentative de judiciarisation à des fins politiques ». Ils déplorent un climat de répression des opposants, alors que le débat sur un éventuel changement de la Constitution semble se profiler à l’horizon. Pour eux, il est inacceptable de criminaliser les actions d’un citoyen dont l’objectif serait de pallier les manquements de l’État. Dans leur déclaration, ils appellent à mettre fin aux pratiques visant à museler l’opposition et à rétablir l’État de droit. Ils appellent au soutient des initiatives qui favorisent la cohésion nationale, surtout dans un contexte déjà marqué par des conflits internes et des tensions à l’Est du pays.
Mauvaise interprétation de la loi ?
La loi en République démocratique du Congo, spécifiquement celle n°10/014 du 31 décembre 2010 relative à l’aviation civile, complétée par la Loi n°23/001 du 12 janvier 2023, exige qu’une autorisation ministérielle soit obtenue avant toute construction ou réhabilitation d’aérodrome. Toute violation à cette règle expose l’auteur à des peines de servitude pénale allant de 5 à 10 ans, ainsi qu’à des amendes.
Réagissant à la correspondance de Katumbi, l’Autorité de l’Aviation Civile (AAC) lui a notifié qu’il a enfreint la loi en entreprenant ces travaux sans autorisation préalable. Selon l’AAC, la lettre d’information envoyée tardivement par Katumbi le 1er octobre, ne saurait excuser le fait que les travaux avaient déjà débuté deux mois plus tôt.
Moïse Katumbi, en revanche, rejette ces accusations, dénonçant une interprétation « biaisée et incomplète » de la loi. Il reste déterminé à poursuivre la réhabilitation de la piste, rappelant que plusieurs infrastructures qu’il a construites ont par le passé servi l’État. « Lorsque le président Tshisekedi est allé inaugurer un pont à Kasenga en octobre 2023, son hélicoptère a atterri sur une piste que j’avais construite », a-t-il révélé.
Les opposants responsables de leur malheur ?
Dans ce climat de tension, les réactions de la société civile sont partagées. Jean-Claude Katende, président de l’Association africaine des droits de l’homme (ASADHO), a questionné la légitimité des actions de Katumbi, estimant qu’un homme politique de son envergure aurait dû être au courant des procédures légales en vigueur, d’autant plus qu’il a lui-même été gouverneur du Katanga avant son démembrement en 2015 en quatre nouvelles provinces. Selon Katende, « les opposants congolais sont parfois responsables des malheurs qui leur arrivent. » «Même dans un pays sans maître, on ne peut agir ainsi. Soyons patriotes, malgré tout.», a-t-il écrit sur son compte X.
Il reste à voir si la défense de Katumbi, fondée sur ses œuvres philanthropiques, pourra convaincre les autorités et ses détracteurs, qui y voient une violation des lois en vigueur sur l’aviation civile.
Si certains considèrent cette affaire comme une simple infraction à la loi, d’autres y perçoivent une manœuvre politique visant à museler un opposant. L’avenir politique de Katumbi semble désormais lié à l’issue de cette affaire.
Dominique Malala