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Dialogue politique : Fayulu propose, des réactions diverses émergent

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La proposition de dialogue national initiée par Martin Fayulu, leader de l’ECiDé, continue de susciter des réactions divergentes au sein de la classe politique congolaise. 

Ce dialogue, axé sur la cohésion nationale et la résolution des crises sécuritaires liées à l’agression de la République démocratique du Congo (RDC) par le Rwanda et l’Ouganda, aurait pour thème : « Vérité, Réconciliation et Cohésion nationale ». 

Toutefois, sa concrétisation dépend des réponses aux préoccupations soulevées par plusieurs leaders politiques, dont Adolphe Muzito.

Les réserves de Muzito

Adolphe Muzito, ancien Premier ministre et leader du parti Nouvel Élan, sans rejeter d’emblée la proposition de Fayulu, a soulevé des questions essentielles concernant les modalités de ce dialogue. Pour Muzito, le cadre constitutionnel ne prévoit pas explicitement le dialogue politique comme mécanisme de résolution des crises. Il s’interroge donc sur la base légale de cette initiative, ainsi que sur les institutions qui seraient chargées d’appliquer les résolutions issues de ces discussions. Son questionnement renvoie aux échecs des précédents dialogues, comme celui des « concertations nationales » en 2013, dont les résolutions, bien que nombreuses, n’ont jamais été mises en œuvre. Il s’interroge également sur les intentions sous-jacentes à cette initiative, qui pourrait mener au changement de la constitution de 2006. Ces questionnements traduisent une méfiance vis-à-vis de la viabilité et des objectifs réels de ce dialogue.

Soutien dans le camp au pouvoir

Du côté de la majorité au pouvoir, les réactions sont partagées. Modeste Bahati Lukwebo, deuxième Vice-président du Sénat et chef de l’Alliance des Forces Démocratiques du Congo et Alliés (AFDC-A), se montre favorable à un dialogue mais insiste sur la nécessité que celui-ci se tienne autour du Président Félix Tshisekedi. Il considère que le dialogue doit être conduit autour des institutions existantes pour garantir la stabilité du pays. Pour sa part,     Fiyou Ndondoboni, leader du parti Orange et membre de l’Union sacrée, soutient également la démarche de Fayulu. Il prône une consultation large, impliquant non seulement les forces politiques, mais aussi la société civile et les confessions religieuses. Ndondoboni pense que l’objectif de ces pourparlers est d’éviter les crises à venir, en particulier celles qui pourraient découler des frustrations populaires face à la situation sécuritaire et socio-économique actuelle.

Des critiques acerbes dans l’opposition

Cependant, l’idée de Fayulu est loin de faire l’unanimité au sein de l’opposition. Certains acteurs politiques considèrent que cette proposition sert indirectement les intérêts du pouvoir en place. Ils accusent Fayulu de chercher à obtenir un rôle clé au sein du système politique actuel, notamment en préparant le terrain pour des négociations visant à maintenir Félix Tshisekedi à la présidence, même après la fin de son mandat. Ces critiques soulignent la méfiance d’une partie de l’opposition, notamment du Front Commun pour le Congo (FCC), dirigé par l’ancien président Joseph Kabila. 

Le FCC rejette toute forme de dialogue avec Tshisekedi, estimant que ce dernier a déjà fait preuve de non-respect des accords politiques passés, et est donc  disqualifié comme partenaire de négociations crédibles.

Les défis du dialogue national

Outre les divergences politiques, plusieurs questions de fond demeurent sans réponse. L’idée de Fayulu autour de la « vérité » et de la « réconciliation » soulève des interrogations quant à la portée réelle de ces concepts. Quel rôle exact jouerait ce dialogue dans la résolution des tensions avec le Rwanda ? Comment empêcher que les discussions ne se transforment, comme par le passé, en un énième exercice de partage des postes, comme ce fut le cas avec l’accord de Sun City en 2002, qui avait conduit à la formule de gouvernance 1+4 ?

Par ailleurs, la question de la « vérité des urnes », un thème récurrent dans le discours de Fayulu depuis les élections de 2018, pourrait refaire surface, rendant le dialogue encore plus complexe. Si Fayulu assure que son initiative ne vise pas à créer un gouvernement de transition, le souvenir des dialogues précédents, souvent conclus par des compromis politiques, suscite la méfiance tant chez certains de ses partisans que chez ses détracteurs.

Fayulu : un calcul politique ?

Martin Fayulu, souvent perçu comme un homme politique pragmatique, semble anticiper les évolutions du paysage politique congolais. En proposant ce dialogue dès maintenant, il pose les jalons pour l’avenir, notamment en prévision des élections de 2028, où la question du deuxième et dernier mandat de Félix Tshisekedi sera centrale. Pour Fayulu, le dialogue pourrait s’avérer indispensable à ce moment-là, tant pour le pouvoir que pour l’opposition, lorsque l’Union sacrée, la coalition actuellement au pouvoir, sera peut-être affaiblie. En ce sens, Fayulu pourrait être vu comme un stratège cherchant à orienter le débat politique national en sa faveur, tout en présentant les besoins futurs de la classe politique congolaise.

Perspectives et enjeux pour la RDC

Cette proposition de dialogue a ouvert un vaste débat dans le paysage politique congolais. Entre les soutiens prudents du camp au pouvoir et les critiques acerbes de l’opposition, ce dialogue pourrait devenir un enjeu majeur dans les années à venir. 

Il reste à savoir si ce processus venait à aboutir, sera-t-il un vecteur de réconciliation nationale ou ne fera-t-il que raviver les luttes de pouvoir au sein des élites politiques de la RDC ?

Heshima 

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