Le jeudi 3 octobre, la République démocratique du Congo (RDC) a été de nouveau frappée par un drame. L’embarcation « MV Merdi » a chaviré près du port de Kituku, à Goma, causant la mort de plusieurs personnes, en plus de ceux qui n’ont pas été retrouvés. Ce naufrage vient s’ajouter à une série d’accidents tragiques qui se multiplient de manière alarmante sur les lacs, fleuve et rivières congolais.
Le bilan de cette catastrophe reste flou et sujet à controverse. Les chiffres varient selon les sources. Le gouverneur de la province du Nord-Kivu évoque au moins 28 décès, tandis que celui du Sud-Kivu avance le chiffre de 78 victimes. De son côté, la protection civile de Goma fait état de 30 morts, avec trois corps supplémentaires retrouvés près de Buhimba le 4 octobre. Il est probable que ces chiffres évoluent encore, les opérations de recherche étant toujours en cours au moment de la mise sous presse de ces informations. Les survivants estiment qu’environ 300 personnes se trouvaient à bord du navire au moment du drame.
Vital Kamerhe, président de l’Assemblée nationale, conteste ces estimations et affirme que le bilan humain est largement sous-évalué. Quant aux causes de la tragédie, le gouvernement provincial du Nord-Kivu reste prudent, affirmant qu’il est trop tôt pour tirer des conclusions. Le vice-gouverneur Romuald Ekuka Lipopo a annoncé l’ouverture d’enquêtes approfondies afin de déterminer les responsabilités. « Les causes de l’accident doivent encore être établies par une équipe d’enquête ad hoc », a-t-il déclaré à la presse, tout en présentant les condoléances du gouvernement provincial aux familles endeuillées.
Une série noire persistante
Au cours des six derniers mois, près de 185 personnes ont perdu la vie dans des incidents similaires, et plus de 600 autres n’ont pas été retrouvées selon les statistiques de Radio Okapi. Ces tragédies sont généralement attribuées à deux causes principales : la surcharge des embarcations et leur mauvais état. Les navires en bois, souvent vétustes et mal entretenus, empruntent des voies navigables dangereuses, exposant ainsi leurs passagers à des risques élevés. Lorsque les navires sont en acier, la surcharge reste le facteur le plus déterminant dans les drames. Le problème est d’autant plus grave que, face à l’état de délabrement des routes, de nombreuses populations sont contraintes d’emprunter ces voies fluviales et lacustres, malgré les risques.
Emmanuella Vasikya, une résidente de Goma, déplore la situation des infrastructures routières qui oblige la population à se tourner vers des traversées périlleuses. De plus, la route Minova-Goma est actuellement sous le contrôle des rebelles du M23, ce qui complique davantage les déplacements.
Depuis la suspension du trafic routier entre Goma et Minova, en passant par Sake et Shasha, de nombreux commerçants se tournent vers le lac Kivu, prenant des risques considérables à bord d’embarcations surchargées, à l’instar du « MV Merdi » qui a sombré à environ 600 mètres de la rive.
Dès son accession à la présidence, Félix Tshisekedi a hérité de ce problème récurrent. En avril 2019, il avait remis symboliquement 1 000 gilets de sauvetage à Dolly Bizimungu, alors gouverneur par intérim du Sud-Kivu, dans le but d’améliorer la sécurité des passagers. Cependant, le suivi des actions par les autorités semble insuffisant, laissant perdurer ces accidents tragiques. Depuis 2019, les naufrages surviennent régulièrement sur les lacs Maï-Ndombe, Kivu, Tanganyika, ainsi que sur le fleuve Congo.
Vers une solution durable ?
Malgré les promesses d’enquêtes et d’actions des autorités, un sentiment de frustration persiste au sein de la population, qui juge que l’État congolais n’est pas suffisamment proactif. Les règles de sécurité, comme l’obligation du port de gilets de sauvetage, sont fréquemment ignorées, tandis que le contrôle technique des embarcations reste insuffisant.
Le parquet général de Goma a récemment annoncé l’arrestation de plusieurs responsables dans le cadre de l’enquête sur le naufrage du « MV Merdi ». Pour de nombreuses familles, ces actions arrivent trop tard. Elles estiment que les autorités auraient dû agir en amont en imposant des normes de sécurité strictes aux services portuaires.
Jacquemin Shabani, vice-Premier ministre, ministre de l’Intérieur, Sécurité, Décentralisation et Affaires coutumières a ordonné au gouverneur du Sud-Kivu de sanctionner tous les responsables des services publics impliqués dans ce naufrage, notamment ceux de la Division provinciale des Transports, de la police lacustre et de la Direction générale de migration (DGM). Il a également demandé aux gouverneurs du Nord-Kivu et du Sud-Kivu de prendre des mesures réglementaires strictes en matière de navigation sur les lacs Kivu et Édouard, incluant l’exigence du port de gilets de sauvetage pour tous les passagers.
Cependant, malgré ces annonces, l’inaction et l’inefficacité des autorités continuent de nourrir l’inquiétude des familles endeuillées, qui appellent à des mesures concrètes pour mettre définitivement fin à cette série de tragédies.
La RDC est confrontée à un défi de taille : comment réformer en profondeur le secteur des transports fluviaux et lacustres pour assurer la sécurité de ses citoyens ? Jusqu’à présent, les mesures prises semblent n’être que des solutions temporaires, alors qu’un changement structurel s’impose pour enrayer cette hécatombe.
Dominique Malala