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L’histoire mouvementée des Constitutions congolaises et leurs changements ou révisions

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Depuis son indépendance en 1960, la République Démocratique du Congo (RDC) a traversé de nombreux bouleversements politiques et institutionnels, reflétés par l’adoption successive de plusieurs Constitutions. Chaque texte fondamental incarne le contexte particulier de son époque, intégrant des ajustements soit pour renforcer le pouvoir d’un régime soit pour répondre aux défis du moment, souvent au rythme des crises politiques. Toutefois, ces réformes fréquentes témoignent également de la quête d’une stabilité institutionnelle durable et d’un ancrage démocratique solide.

La Constitution de Luluabourg : la première expérience constitutionnelle

Le 30 juin 1960, la RDC accède à l’indépendance. Dans la précipitation, une loi fondamentale provisoire est adoptée et promulguée le 19 mai 1960, mais elle se révèle rapidement inadéquate face aux profondes divisions internes du pays. Les tensions ethniques et régionales se multiplient, et des provinces comme le Katanga et le Sud-Kasaï tentent même des sécessions. En réponse à ces défis, une première Constitution, rédigée à Luluabourg (aujourd’hui Kananga), est adoptée par référendum le 1er août 1964.

Cette Constitution instaure un régime parlementaire, introduit le multipartisme et adopte le fédéralisme, des principes destinés à apaiser les rivalités régionales. Cependant, le fédéralisme est rapidement perçu comme un frein à l’unité nationale, et les luttes de pouvoir persistant, le coup d’État du général Mobutu en 1965 met fin à cette première expérience constitutionnelle.

La Constitution de 1967 : monopartisme et centralisation autoritaire

Après le coup d’État de Mobutu, une nouvelle Constitution est élaborée sous la direction de Marcel Lihau et promulguée le 24 juin 1967. Ce texte, adopté par référendum, instaure une centralisation extrême et accorde des pouvoirs étendus au président. Initialement bicaméral, le Parlement devient monocaméral, et l’existence de plusieurs partis est limitée. En 1970, une révision transforme le Mouvement Populaire de la Révolution (MPR) en parti unique, marquant ainsi le début d’un régime autoritaire.

La Constitution de 1967 subit plusieurs modifications. En 1974, l’idéologie de « l’authenticité » est introduite pour promouvoir l’identité congolaise. Le pays devient alors le Zaïre, la capitale Léopoldville est rebaptisée Kinshasa, et Mobutu adopte le titre de « Sese Seko ».

Réformes de 1990 : retour au multipartisme et ouverture vers la démocratie

Dans un contexte de pressions internes et internationales accrues, Mobutu introduit le multipartisme en 1990, une ouverture destinée à calmer les revendications populaires et à alléger la pression de l’opposition, notamment de l’Union pour la Démocratie et le Progrès Social (UDPS). Toutefois, cette ouverture politique restera partielle jusqu’à la chute de Mobutu en 1997.

Transition sous Laurent-Désiré Kabila : gouvernance par décrets

Laurent-Désiré Kabila arrive au pouvoir en 1997 et suspend immédiatement la Constitution de 1967. Il gouverne par décrets-lois, qui concentrent tous les pouvoirs exécutifs et législatifs entre ses mains, en dissolvant le Parlement et en interdisant les partis politiques. Ce régime centralisé, instauré en pleine guerre civile, est justifié par Kabila comme une nécessité pour restaurer l’autorité de l’État. Toutefois, cette approche est brutalement interrompue par son assassinat en 2001, laissant son fils Joseph Kabila reprendre le processus de stabilisation.

La Constitution de 2006 : espoir d’une paix durable et d’un État démocratique

La guerre civile des années 1990 a laissé certaines provinces de la RDC échapper au contrôle de l’État. Des groupes rebelles, principalement le Rassemblement Congolais pour la Démocratie (RCD) et le Mouvement de Libération du Congo (MLC), contrôlent plusieurs territoires dans l’Est et le Nord-Ouest. Dans ce contexte, des négociations de paix à Sun City en 2002, réunissant le président Joseph Kabila, les factions rebelles et d’autres acteurs politiques, mènent à un accord pour un gouvernement de transition basé sur la formule « 1+4 ». Ce modèle prévoit Joseph Kabila comme président, assisté de quatre vice-présidents issus des principaux groupes de la transition : Jean-Pierre Bemba (MLC) pour les affaires économiques, Azarias Ruberwa (RCD) pour la sécurité, Abdoulaye Yerodia Ndombasi pour les affaires sociales, et Arthur Z’ahidi Ngoma pour le développement.

Ce consensus inédit entre des factions historiquement rivales a permis l’élaboration de la Constitution de 2006, qui visait à stabiliser le pays en instaurant des principes démocratiques, une décentralisation accrue et une interdiction explicite de sa révision tendant à modifier le nombre et la durée des mandats présidentiels, afin de prévenir les dérives autoritaires.

Révision de 2011 et enjeux actuels sous la présidence de Félix Tshisekedi

En 2011, la Constitution de 2006 est amendée pour instaurer une élection présidentielle à un seul tour, une mesure controversée, perçue comme un moyen de faciliter la réélection de Joseph Kabila en limitant les chances de l’opposition de former une coalition. Cette modification marquera une première entorse aux principes de gouvernance initialement convenus entre factions.

Face aux tentatives du régime de Joseph Kabila de prolonger ses mandats en 2015, les pressions de la population et de la communauté internationale empêchent une révision de l’article 220, et la première alternance pacifique de la RDC a lieu en janvier 2019 au profit de Félix Tshisekedi.

En 2024, le président Félix Tshisekedi relance le débat constitutionnel en RDC. Il annonce, lors d’une tournée dans la Tshopo, la création en 2025 d’une commission chargée de proposer une nouvelle Constitution « adaptée aux réalités » du pays. Ce projet soulève des inquiétudes, notamment autour de l’intangible article 220, dont la modification permettrait potentiellement au président de se présenter pour un troisième mandat.

Cette proposition de réforme suscite des débats passionnés. Lors d’une interview exclusive accordée à Radio Okapi FM le jeudi 24 octobre 2024, le professeur Jacques Ndjoli, Rapporteur de l’Assemblée nationale, a déclaré que « la Constitution du 18 février 2006 a atteint sa maturité et doit être évaluée au même titre que toute autre loi ». Pour le professeur Bob Kabamba, co-rédacteur de la Constitution de 2006, toucher à cet article constituerait une remise en question des acquis démocratiques.

Vers une Constitution pour la stabilité ?

L’histoire constitutionnelle de la RDC témoigne d’une lutte permanente entre le besoin de stabilité et l’aspiration démocratique. Les réformes successives ont souvent été marquées par la volonté de consolider le pouvoir central en période de crise. À l’heure où la question d’une révision se pose de nouveau, le passé souligne l’importance de préserver un cadre institutionnel garantissant non seulement la paix, mais aussi le respect des principes démocratiques essentiels.

Heshima

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