L’opposition, la société civile et plusieurs mouvements citoyens se sont mobilisés pour former une coalition visant à s’opposer à toute modification de la Constitution en République Démocratique du Congo (RDC). Cette révision constitutionnelle est perçue par l’opposition et plusieurs membres de la société civile comme une porte ouverte à un troisième mandat pour le Président Félix Tshisekedi, un sujet qui demeure encore sensible parmi les caciques de l’Union sacrée.
Delly Sesanga, ancien candidat à la présidentielle de 2023, fait partie des initiateurs de cette coalition, lancée le 9 novembre sous le nom de « Sursaut national » pour protéger la Constitution de 2006. La première mobilisation générale, prévue pour le 16 décembre, coïncide avec la date du référendum de 2005 qui a validé la Constitution actuelle. Cette coalition de forces politiques et citoyennes a pour objectif d’empêcher le Président Félix Tshisekedi de modifier la Constitution dans l’intention d’obtenir un troisième mandat à la tête du pays.
Les membres de cette coalition déclarent que toute tentative de « renversement du régime constitutionnel » constitue une « infraction imprescriptible » contre la Nation et l’État. Bien que la Constitution du 18 février 2006 accorde au chef de l’État le pouvoir d’initier sa révision, les opposants redoutent une possible modification des articles intangibles relatifs à la durée et au nombre de mandats présidentiels.
Une fronde susceptible de s’agrandir
La coalition, initialement restreinte, compte parmi ses membres l’ancien député Ados Ndombasi, le défenseur des droits de l’homme Jean-Claude Katende, ainsi que Fred Bauma et Bienvenu Matumo du mouvement citoyen LUCHA. Elle est néanmoins susceptible de s’élargir. Par ailleurs, le camp de Martin Fayulu a lancé une campagne nommée « Changeons Félix Tshisekedi et non la Constitution » et appelle d’autres opposants à se joindre à ce mouvement populaire. Moïse Katumbi, qui est actuellement à l’étranger en raison de l’affaire de la piste de Mulonde dans le territoire de Pweto, a été invité à regagner Kinshasa pour s’unir aux autres leaders de l’opposition.
Bemba, Kamerhe et Bahati, des opposants potentiels
Depuis que le Président Tshisekedi a soulevé la question d’une révision constitutionnelle lors d’un discours à Kisangani, appuyé ensuite par Augustin Kabuya, chef du parti présidentiel, les principaux leaders de l’Union sacrée n’ont émis aucun commentaire officiel. À ce jour, ni l’UNC de Vital Kamerhe, ni l’AFDC-A de Modeste Bahati, et encore moins le MLC de Jean-Pierre Bemba n’ont pris position publiquement sur ce projet. Certains caciques, préférant pour l’instant profiter des avantages du pouvoir au regard des hautes fonctions qu’ils occupent actuellement, hésitent encore à se prononcer. Beaucoup d’entre eux, notamment les trois leaders, sont des potentiels candidats à la présidentielle de 2028 et pourraient s’opposer à une modification constitutionnelle qui servirait les intérêts de Tshisekedi au-delà de deux mandats. À l’Assemblée nationale, Vital Kamerhe a d’ailleurs rassemblé un groupe de députés dans une plateforme dénommée Pacte pour un Congo Retrouvé (PCR), une force potentielle contre ce projet présidentiel.
Sous le régime de Joseph Kabila, on se rappelle du G7, composé entre autres de Moïse Katumbi, qui avait attendu les deux dernières années du mandat présidentiel pour manifester son opposition à un éventuel troisième mandat. Le dernier quinquennat de Tshisekedi étant encore récent, plusieurs leaders préfèrent attendre la dernière minute avant de quitter la coalition.
Un risque de révolution populaire
Le projet de révision de la Constitution comporte de grands risques pour le pouvoir de Félix Tshisekedi. Si le chef de l’État ne parvient pas à maîtriser l’inflation qui étrangle l’économie et à résoudre la crise sécuritaire qui persiste, ce projet pourrait provoquer un soulèvement populaire. La rébellion du M23, bien que très impopulaire, pourrait même y trouver une opportunité pour se repositionner dans le débat politique.
Menace de balkanisation du pays
Depuis que Félix Tshisekedi a exprimé son intention de réviser la Constitution, de nombreuses voix critiques se sont fait entendre. Les plus alarmistes redoutent une possible balkanisation du pays. Olivier Kamitatu a exprimé son inquiétude sur X (anciennement Twitter), en évoquant les frustrations des figures sécessionnistes historiques dont Kalonji, Moïse Tshombe et Pierre Mulele. La CENCO (Conférence épiscopale nationale du Congo) partage également des inquiétudes concernant une crise sécuritaire majeure. Dans la société civile, l’initiative est largement perçue comme risquée. Selon Dieudonné Mushagalusa, coordonnateur du Panel des experts de la société civile, « envisager un référendum constitutionnel dans les conditions actuelles, où une partie de l’Est est sous contrôle de l’AFC/M23, consacrerait la partition et la balkanisation tant redoutées de la RDC ».
Heshima