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RDC : d’Air Zaïre à Congo Airways, le difficile envol des compagnies aériennes congolaises

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Après l’apogée d’Air Zaïre dans les années 1970, l’aviation civile en République démocratique du Congo (RDC) a traversé des décennies de crises et d’initiatives de relance. Malgré des efforts de restructuration, les compagnies nationales peinent toujours à s’imposer durablement. Aujourd’hui, alors que Congo Airways affronte de nouvelles difficultés, le gouvernement envisage le lancement d’Air Congo, une compagnie qui pourrait redéfinir l’avenir de l’aviation congolaise

Air Zaïre : l’âge d’or de l’aviation congolaise

Créée en 1961 sous le nom d’Air Congo, la compagnie est renommée Air Zaïre en 1971, sous l’impulsion du président Mobutu Sese Seko. La compagnie nationale devient alors un symbole de prestige et d’ambition pour le pays, avec une flotte impressionnante d’une cinquantaine d’appareils, dont le légendaire Boeing 747 « Jimbo Jet ». Air Zaïre desservait des destinations en Afrique, en Europe et même en Asie, notamment en 1974 avec un vol diplomatique symbolique en DC-10 vers la Chine. Ce premier DC-10, acquis seulement trois ans après son entrée en service en 1971, montrait l’importance que Mobutu accordait au secteur aérien en tant qu’outil de soft power pour le pays.

La flotte comprenait alors divers appareils, tels que le DC-10, le DC-8 et plusieurs Caravelles, permettant à la compagnie de desservir des destinations internationales et de relier les principales villes du pays.

Descente aux enfers

Malgré cette période florissante, Air Zaïre est progressivement minée par des problèmes de gestion. Les réquisitions intempestives de la flotte par l’élite politique et des membres de la famille présidentielle, ainsi qu’un manque chronique de maintenance, plongent la compagnie dans la tourmente. Au milieu des années 1980, face à la concurrence de nouveaux transporteurs privés, la compagnie change de gestionnaires. L’administration est confiée à l’Union des Transports Aériens (UTA), une société française, qui tente de rationaliser les opérations. Toutefois, les pillages de 1991 et la destruction de l’aéroport de N’djili aggravent la situation, menant à la saisie et destruction de certains appareils emblématiques, comme le DC-10, immobilisé en Israël pour dette avant d’être détruit en 2002. En 1994, la flotte est réduite à cinq appareils, et les vols internationaux sont suspendus. L’année suivante, la société dépose le bilan, marquant la fin de l’ère d’Air Zaïre.

Éphémères Lignes aériennes congolaises (LAC)

Après une décennie sans compagnie nationale, les autorités créent en 2005 les Lignes aériennes congolaises (LAC). Cependant, cette compagnie opère avec une flotte limitée à seulement deux Boeing 737. Après trois ans d’exploitation précaire, l’entreprise cesse d’opérer et disparaît du ciel congolais en 2013, même si elle subsiste sur le plan légal en raison de ses actifs et passifs. En 2023, le gouvernement adopte un rapport sur sa liquidation, clôturant définitivement l’histoire de LAC.

Congo Airways : l’espoir mitigé

Fondée en 2015 avec l’appui d’Air France Consulting, Congo Airways vise à offrir une alternative fiable pour les vols domestiques et régionaux. Dotée initialement de deux Airbus A320 et d’avions Embraer loués, la compagnie dessert les principales villes congolaises. Cependant, en 2023, Congo Airways est contrainte de suspendre ses opérations en raison de l’usure de ses appareils et de l’expiration de son contrat de leasing avec Kenya Airways. En réaction, le gouvernement tente de renflouer la flotte : le ministre du Portefeuille, Jean-Lucien Bussa, annonce alors l’acquisition de deux avions loués auprès d’Air France et l’achat d’un appareil supplémentaire par la Caisse Nationale de Sécurité Sociale (CNSS), l’un des actionnaires de Congo Airways.

Le 12 novembre, Congo Airways a accueilli un nouvel avion, un Boeing 737-800. C’est le premier d’une série de trois aéronefs annoncés par le gouvernement. Le vol inaugural est prévu pour ce vendredi 15 novembre à destination de Kindu et Lubumbashi. Avec cet appareil de location, la compagnie aérienne va reprendre ses vols, interrompus en raison d’un manque d’aéronefs. 

Relance avec Air Congo

Face aux difficultés persistantes de Congo Airways, le gouvernement congolais prévoit de lancer Air Congo en partenariat avec Ethiopian Airlines, qui détiendra 49 % de la nouvelle entité, les 51 % restants revenant à l’État congolais. Le vol inaugural est fixé pour décembre 2024, avec une flotte initiale de deux Boeing 737-800 pour des liaisons domestiques et régionales. Le choix d’Ethiopian Airlines comme partenaire repose sur sa réputation de gestion rigoureuse et son succès dans d’autres collaborations africaines. Ce partenariat ambitionne d’éviter les erreurs passées grâce à une gouvernance partagée et un transfert de compétences, renforçant ainsi la connectivité régionale tout en promouvant la croissance du secteur aérien congolais.

Ce projet suscite néanmoins des interrogations sur la viabilité de deux compagnies nationales en RDC, alors que Congo Airways continue de lutter pour sa survie. L’initiative s’inscrit dans le cadre du marché unique africain du transport aérien (SAATM), qui vise à libéraliser le ciel africain et à encourager la coopération entre compagnies. Dans ce contexte, le succès d’Air Congo pourrait revitaliser le secteur, créer des emplois et offrir une connectivité accrue pour les Congolais, à condition que les erreurs de gouvernance et les pressions politiques soient évitées.

Le secteur aérien en RDC reste une composante stratégique pour le développement économique et l’intégration régionale. Le projet Air Congo pourrait permettre de redonner à la RDC un rôle significatif dans le ciel africain, contribuant ainsi à stimuler le tourisme, faciliter les échanges commerciaux, et reconnecter la diaspora congolaise au pays.

Heshima

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