Au cours d’une session du Conseil de sécurité des Nations unies, le 9 décembre 2024, Thérèse Kayikwamba Wagner, ministre des Affaires étrangères et de la Coopération internationale de la République démocratique du Congo (RDC), a rejeté l’idée d’une revendication ethnique portée par le Mouvement du 23 mars (M23). La patronne de la diplomatie congolaise accuse cette rébellion d’exécuter, en revanche, un agenda du Rwanda, notamment une «réorganisation démographique » de certains territoires congolais.
Devant le Conseil de sécurité, le représentant du Rwanda a accusé la RDC de blâmer son pays pour son soutien au M23 alors qu’il existe une centaine de groupes armés présents au Congo. La réponse de la cheffe de la diplomatie congolaise ne s’est pas fait attendre. « Je blâme le Rwanda pour la présence illégale de ses troupes en RDC, le bombardement du camp des déplacés de Mugunga, le pillage systématique de nos ressources naturelles et les attaques contre les soldats de la paix des Nations unies et de la SADC. Je blâme donc le Rwanda pour les violations de la charte des Nations unies », a répliqué Thérèse Kayikwamba. Elle a également cité le massacre de Kishishe perpétré en novembre 2022 et le bombardement d’une école à Luofu, le 8 décembre dernier à Lubero.
D’après la ministre congolaise, ces actes sont tous des crimes et sont documentés dans le rapport du groupe d’experts des Nations unies sur le Congo. Thérèse Kayikwamba a aussi posé la question au Conseil de sécurité de savoir si ces crimes de guerre et massacres faisaient partie des moyens de revendication ethnique. « Depuis quand des massacres, des déplacements forcés et la réorganisation démographique des territoires sont-ils des moyens légitimes pour répondre à des revendications ethniques et sociales ? », s’est-elle interrogée. Ces pratiques s’apparentent, selon elle, à une épuration ethnique. « Ces actes traduisent une volonté de redessiner la composition démographique des territoires sous contrôle du M23, sapant les structures sociales et culturelles existantes », a-t-elle précisé.
M23, un prolongement du Rwanda en RDC ?
Après le Rassemblement congolais pour la démocratie (RCD), le Congrès national pour la défense du peuple (CNDP), le M23 est également perçu comme un prolongement des intérêts du Rwanda en République Démocratique du Congo. Les revendications ethniques de cette rébellion ne sont souvent pas claires. Mais sur le terrain, la rébellion s’active à exploiter les ressources naturelles en faveur du Rwanda et à replacer des populations autres que celles qui vivaient dans ces zones. La ministre des Affaires étrangères n’a pas mâché ses mots pour le faire savoir au Conseil de sécurité. « Le M23 ne défend aucune cause, il exécute une stratégie dictée par les intérêts du Rwanda. Le groupe d’experts [de l’ONU] l’a démontré. Il ne s’agit pas de défendre des minorités mais de contrôler des ressources et d’affaiblir la souveraineté de la République Démocratique du Congo», a-t-elle dénoncé.
Dans les zones sous occupation rebelle, les sites miniers sont sous administration rebelle. Dans le territoire de Masisi, le site de Rubaya, connu pour ses minerais de coltan et d’or est exploité par les rebelles en complicité avec le Rwanda. La représentante spéciale du secrétaire général des Nations unies en RDC, Madame Bintou Keita, a fait savoir que ce mouvement rebelle et ses soutiens contrôlent de vastes zones des territoires de Rutshuru, Masisi, Walikale, Nyiragongo et Lubero, un espace deux fois plus large que celui occupé en 2012.
Ayant trouvé du miel au Congo, Kigali ne montre pas encore l’intention de vouloir retirer ses troupes du sol congolais. Pour preuve, le Rwanda n’a jamais envoyé ses délégués pour composer le mécanisme ad hoc de vérification du cessez-le-feu, 35 jours après sa mise en place par l’Angola, médiateur dans ce conflit. Ce qui paralyse le fonctionnement de cette structure de contrôle des actes de violation du cessez-le-feu en vigueur depuis le 4 août. Ce mécanisme compte également 18 experts angolais et respectivement 3 experts congolais et rwandais.
L’attitude du Rwanda n’augure pas une solution de paix, malgré le rendez-vous des deux chefs d’État, Paul Kagame et Félix Tshisekedi, prévu le 15 décembre à Luanda, autour du médiateur désigné par l’Union africaine pour ce conflit, le président angolais João Lourenço.
Heshima