Après l’échec, dimanche 15 décembre, de la rencontre entre le président congolais Félix Tshisekedi et son homologue rwandais Paul Kagame, le ministre des Affaires étrangères de l’Angola, Téte Antonio, est attendu ce mercredi 18 décembre 2024 à Kigali, la capitale rwandaise. Luanda souhaite relancer un processus de paix en pleine impasse. Voici les raisons du couac.
La République démocratique du Congo (RDC) et le Rwanda tentent de résoudre le lancinant conflit qui les oppose depuis 30 ans. Cette crise, qui a ressurgi avec force depuis 3 ans avec la réapparition du M23, reste un point de friction majeur. Sous les auspices du président angolais João Lourenço, facilitateur désigné par l’Union africaine, les deux chefs d’État ne se sont pas rencontrés à Luanda, comme prévu. Trois jours après cet échec, l’Angola a décidé de relancer les contacts. Son ministre des Affaires étrangères, Téte Antonio, se rend à Kigali pour tenter de relancer la résolution de la crise, actuellement dans une impasse.
Pourquoi l’impasse ?
À la mi-journée du dimanche 15 décembre, Félix Tshisekedi s’est retrouvé seul au siège de la présidence angolaise, à Luanda. Son interlocuteur du jour, Paul Kagame, ne s’est pas présenté. L’homme n’a même pas quitté son Kigali. La présence de Tshisekedi, seul, dans ce qui devait être une rencontre tripartite, a suscité la critique d’une partie de l’opinion congolaise, qui a perçu ce déplacement comme étant hasardeux, incriminant les renseignements congolais, qui auraient dû être au courant que Paul Kagame ne s’y rendrait pas. Mais la ministre congolaise des Affaires étrangères, Thérèse Kayikwamba Wagner, a apaisé les esprits. La délégation congolaise savait depuis une heure du matin que le président Paul Kagame n’allait pas participer à cette tripartite. Le déplacement de Félix Tshisekedi est justifié par le « respect » qu’il devait accorder au médiateur de ce conflit, le président João Lourenço. L’impasse dans ces discussions est née la veille, le 14 décembre, lorsque la délégation rwandaise a voulu imposer un dialogue direct entre les rebelles du Mouvement du 23 mars (M23) et le gouvernement congolais comme condition préalable à la signature de l’accord entre les deux chefs d’État.
Le Rwanda nie la version congolaise
D’après le Rwanda, Kinshasa savait que le sujet du dialogue avec le M23 figurait parmi les préoccupations de Kigali. Le Rwanda a envoyé, le 27 novembre 2024, une note verbale à la facilitation angolaise, dans laquelle il propose un texte devant figurer dans l’accord entre la RDC et le Rwanda, explique le ministre des Affaires étrangères rwandais, Olivier Nduhungirehe. « Le gouvernement de la RDC s’engage à un dialogue politique direct avec le M23 dans le but de trouver une solution définitive au conflit, en s’attaquant à ses causes profondes », a-t-il ajouté, citant un extrait de la note verbale envoyée par Kigali au facilitateur angolais.
Dans une lettre du 30 novembre 2024, soit quinze jours avant le sommet du 15 décembre 2024, le facilitateur a informé le Rwanda que « la partie congolaise (RDC) a donné son accord sur le dialogue avec le M23 dans le cadre du Processus de Nairobi ». Ce qui démontre, selon le chef de la diplomatie rwandaise, que Kinshasa savait que ces discussions avaient lieu.
Comment résoudre l’impasse ?
La résolution de cette impasse dépend du rapport des forces sur le terrain. Ce qui n’est pas favorable à la RDC pour l’instant. « Le Rwanda n’a ni son territoire occupé, ni des déplacés internes, ni une situation sécuritaire qui empiète sur son intégrité territoriale ou qui met en danger ses citoyens », indique Patrick Nkanga Bekonda, rapporteur du Bureau politique du Parti du peuple pour la reconstruction et la démocratie (PPRD). Autrement dit, la pression pèse plutôt sur les épaules de Kinshasa, qui doit absolument résoudre cette crise. Dans ce contexte, le gouvernement congolais n’a pas beaucoup de marge de manœuvre pour imposer sa position à Luanda.
Avec la prise de nouvelles localités par les rebelles du M23, appuyés par l’armée rwandaise, une pression supplémentaire s’exerce sur Kinshasa, qui doit agir rapidement. Cela suppose une nouvelle flexibilité dans sa position actuelle, envisageant peut-être un dialogue direct avec les rebelles. La chute des localités de Matembe, Alimbongo et Mambasa, dans le territoire de Lubero, ainsi qu’une nouvelle percée des rebelles dans le territoire de Walikale, dans le Nord-Kivu, inquiètent l’opinion congolaise. Seule la réelle montée en puissance de l’armée congolaise pourrait permettre au gouvernement de mieux négocier cette paix qui échappe aux Congolais depuis 30 ans.
Heshima