L’ancien président de la République, Joseph Kabila, et l’ancien gouverneur de l’ex-province du Katanga, Moïse Katumbi, président du parti politique Ensemble pour la République, se sont rencontrés à Addis-Abeba, en Éthiopie, à la veille du réveillon de Noël. Accusés par Kinshasa de collusion avec les rebelles pro-rwandais du Mouvement du 23 mars (M23) et l’Alliance Fleuve Congo (AFC) de Corneille Nangaa, les deux personnalités ont publié un communiqué surprenant encourageant les facilitateurs de la crise sécuritaire congolaise à rester « attentifs aux revendications » de cette rébellion.
Entre les lignes de ce communiqué, rédigé à la suite de la rencontre entre ces deux opposants au régime de Félix Tshisekedi, beaucoup de zones d’ombre subsistent. Ce document, signé par Olivier Kamitatu, détaille les objectifs communs poursuivis par Kabila et Katumbi. Bien que les deux hommes appellent toutes les forces politiques et sociales de la République démocratique du Congo (RDC) à s’unir contre ce qu’ils qualifient de « dictature » du président Félix Tshisekedi, ils omettent cependant de condamner explicitement l’agression rwandaise opérée sous couvert de l’AFC-M23.
Au contraire, ils sollicitent des facilitateurs une « attention » particulière aux revendications des « parties en présence », alors même que Kinshasa refuse tout dialogue avec ces rebelles. Mais qui désignent-ils par « parties en présence » ? Est-ce Kigali, engagé dans des pourparlers avec Kinshasa à Luanda ?
Dans ce communiqué, le terme « facilitateurs » est employé au pluriel. Cela suggère que Joseph Kabila et Moïse Katumbi s’adressent aussi bien à João Lourenço, président angolais et facilitateur désigné par l’Union africaine dans ce conflit, qu’à Uhuru Kenyatta, ancien président du Kenya, facilitateur mandaté pour le processus de paix de Nairobi. Ce dernier avait d’ailleurs inclus le M23 dans les discussions avant que le mouvement ne quitte la table des négociations pour reprendre les armes.
Une prise de position ambiguë
« Dans cette perspective de résolution pacifique de la crise, ils [Joseph Kabila et Moïse Katumbi] encouragent les facilitateurs à demeurer attentifs aux revendications des parties en présence », peut-on lire dans le communiqué. Si ce passage n’est pas un plaidoyer explicite en faveur du M23 ou de l’AFC, il semble au minimum ouvert aux revendications rwandaises, Kigali étant également considéré comme l’une des « parties en présence » dans le cadre de ce conflit. Une telle position risque de renforcer les soupçons du gouvernement congolais quant à un possible soutien de Kabila et Katumbi à cette rébellion.
Le président Félix Tshisekedi, lors d’une interview en Belgique, n’avait pas hésité à accuser ouvertement son prédécesseur d’avoir « boycotté les élections » et de préparer une insurrection. « L’AFC, c’est lui », avait-il affirmé, faisant allusion à Joseph Kabila.
Dans leur communiqué commun, Kabila et Katumbi se sont limités à dénoncer la dégradation de la situation sécuritaire en RDC. Sans nommer directement les troupes rwandaises, ils se sont contentés de condamner la « présence de forces armées illégales, y compris des mercenaires et [des] troupes étrangères ». Par ailleurs, ils ont réitéré leur opposition ferme à toute réforme constitutionnelle dans un tel contexte.
Une alliance inattendue
Jadis adversaires politiques acharnés, Joseph Kabila et Moïse Katumbi se rapprochent aujourd’hui dans leur opposition commune au président Félix Tshisekedi. Leur dernière rencontre publique remontait à mai 2022, lors du Forum pour la réconciliation des leaders katangais, organisé à Lubumbashi par Mgr Fulgence Muteba, archevêque de Lubumbashi et président de la Conférence épiscopale nationale du Congo (CENCO). Pourtant, avant cette période, les deux hommes se vouaient une hostilité mutuelle.
À la veille des élections de 2018, Joseph Kabila, connu pour sa discrétion, n’avait pas mâché ses mots en évoquant son ancien collaborateur. « Katumbi me rappelle Judas », avait-il lâché. Cette animosité était telle que l’ancien président avait pratiquement rendu apatride l’ancien gouverneur du Katanga. Contraint à l’exil après deux procès intentés contre lui, Moïse Katumbi avait vu son unique passeport désactivé dans le système congolais. La migration vers un passeport semi-biométrique avait ensuite laissé Katumbi sans papier officiel, bloqué hors du pays.
Heshima