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12 ans plus tard, l’Accord-cadre d’Addis-Abeba est-il un échec ?

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L’Accord pour la paix, la sécurité et la coopération pour la République démocratique du Congo (RDC) et la région des Grands Lacs, appelé autrement « Accord-cadre d’Addis-Abeba », marque ses 12 ans le 24 février 2025. Signé en 2013, en marge du conflit suscité par les rebelles du Congrès National pour la Défense du Peuple (CNDP), cet important compromis paraphé par 13 pays en majorité de la sous-région et quatre institutions internationales devait être l’instrument clé pour résoudre la crise sécuritaire persistante en RDC et apporter une stabilité durable dans la région des Grands Lacs. Douze ans plus tard, la paix semble toujours hors de portée. L’ONU appelle ainsi les pays signataires à honorer leurs engagements.

L’Accord-cadre pour la paix, la sécurité et la coopération pour la RDC et la région a été signé à Addis-Abeba, en Éthiopie, sous l’égide des Nations unies, de l’Union africaine (UA), de la Communauté de développement de l’Afrique australe (SADC) et de la Conférence internationale sur la région des Grands Lacs (CIRGL). Les pays signataires sont la RDC, l’Angola, le Burundi, l’Ouganda, l’Afrique du Sud, la République centrafricaine, la République du Congo, le Rwanda, le Soudan du Sud, la Tanzanie et la Zambie puis rejoints, le 31 janvier 2014, par le Kenya et le Soudan. Cet accord visait à stabiliser l’Est de la RDC et à mettre fin aux conflits récurrents qui affectent la région des Grands Lacs. Douze ans après, la paix n’est toujours pas au rendez-vous. Certains signataires de l’accord sont encore au pouvoir et préfèrent le violer délibérément. Le Rwandais Paul Kagame et l’Ougandais Yoweri Museveni étaient au pouvoir au moment de la signature de ce document. Aujourd’hui, leurs armées sont accusées de soutenir la rébellion du M23.

Les causes de l’échec de l’Accord cadre

L’échec de l’Accord-cadre d’Addis-Abeba est un tournant dans l’histoire des relations internationales en Afrique centrale et dans la dynamique sécuritaire des Grands Lacs. Cet accord, qui devait apporter une solution durable aux conflits récurrents en RDC, a échoué à cause des violations répétées de ses engagements, principalement de la part des trois principaux acteurs : la RDC, le Rwanda et l’Ouganda.

Pour la RDC, l’Accord stipulait une série de réformes internes, notamment la restructuration des Forces armées de la République démocratique du Congo (FARDC) et un redéploiement équilibré des troupes à travers tout le pays. Cependant, ces réformes ont été marquées par des retards importants, notamment dans la réorganisation des FARDC, qui demeuraient fragmentées entre divers groupes d’intérêts ethniques et politiques. Cette situation a été exacerbée par le refus de certains officiers issus du CNDP d’être mutés hors des Kivu, où ils entretenaient des réseaux parallèles. Ces résistances ont non seulement entravé la restructuration de l’armée, mais ont aussi permis aux divisions internes de persister, rendant difficile l’extension de l’autorité de l’État congolais et facilitant la prolifération des groupes armés dans l’Est du pays.

Du côté du Rwanda et de l’Ouganda, les violations des engagements relatifs à la non-ingérence dans les affaires de la RDC ont été particulièrement marquantes. Bien qu’ils aient signé l’Accord en 2013, s’engageant à cesser toute forme de soutien aux groupes armés opérant en RDC, ces deux pays ont continué à jouer un rôle crucial dans l’alimentation du conflit. Le Rwanda a été accusé de fournir un soutien militaire, financier et logistique à certains groupes rebelles, et l’Ouganda a été impliqué dans l’approvisionnement en armes et la fourniture d’assistance aux milices rebelles. 

Ce soutien a permis à ces groupes armés de maintenir une forte présence dans les provinces du Nord-Kivu et du Sud-Kivu, exacerbant ainsi les tensions et compromettant tout processus de pacification.

L’un des facteurs clés de ces violations est l’absence de mécanismes de contrôle efficaces et de sanctions. L’ONU et la communauté internationale n’ont pas exercé une pression suffisante pour faire respecter les engagements pris dans le cadre de l’accord. Les mécanismes de suivi étaient soit trop faibles, soit insuffisamment appliqués, ce qui a permis aux violations de se perpétuer sans conséquences. En l’absence de sanctions dissuasives, les pays signataires ont continué à poursuivre leurs intérêts stratégiques, aggravant ainsi la situation en RDC.

L’absence de volonté politique et l’impunité des violations

Le manque de volonté politique a renforcé l’impunité dont ont bénéficié les pays signataires. L’Accord-cadre, loin de représenter un véritable levier de transformation, est devenu un document dont les engagements sont souvent ignorés. Les dirigeants des pays impliqués n’ont pas pris la pleine mesure de leurs responsabilités, et les violations des termes de l’accord se sont multipliées. En conséquence, la RDC est plongée dans une instabilité prolongée, avec des conséquences dramatiques pour les populations locales, qui subissent les effets de la violence et de l’insécurité. Cette situation met en lumière les limites de l’Accord-cadre, qui a échoué à créer un cadre stable pour la paix. 

Les organisations régionales impuissantes

L’une des principales raisons pour lesquelles l’Accord-cadre n’a pas pu produire des résultats durables est le manque d’engagement concret des organisations régionales.

Bien que des dirigeants tels que le secrétaire général des Nations unies, la présidente de la Commission de l’Union africaine, le président de la CIRGL et le président de la SADC aient été désignés comme garants de l’accord, les réunions de suivi se sont avérées insuffisantes. 

Ces institutions n’ont pas été en mesure d’exercer une pression suffisante sur les signataires pour garantir l’application des termes de l’accord. Comme l’a souligné le secrétaire général de l’ONU, Antonio Guterres, l’inertie régionale est un facteur majeur du non-respect de l’Accord-cadre. À ce jour, la RDC et la région semblent être au point de départ, d’où les appels à revitaliser l’accord, notamment de la part de personnalités comme Denis Mukwege, prix Nobel de la paix 2018.

Guterres a appelé le Rwanda à respecter l’intégrité territoriale de la RDC, soulignant : « Faites taire les armes. Arrêtez l’escalade. Respectez la souveraineté et l’intégrité territoriale de la République Démocratique du Congo. Respectez le droit international des droits de l’homme et le droit international humanitaire. »

Vers une approche plus inclusive et durable ?

Bien que l’Accord-cadre d’Addis-Abeba ait permis quelques avancées, il n’a pas mis fin aux violences en RDC ni dans la région des Grands Lacs. Pour parvenir à une paix durable, une approche plus inclusive s’avère nécessaire. Cette approche devrait combiner un dialogue politique constructif, des actions militaires ciblées contre les groupes armés et un développement économique soutenu. Ces éléments sont essentiels pour assurer une stabilité durable, en particulier dans les régions les plus affectées par la violence.

Heshima 

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