Le conseiller spécial en matière de sécurité du chef de l’État, Désiré-Cashmir Eberande Kolongele, a été chargé de consulter la classe politique, la société civile et d’autres forces vives de la République démocratique du Congo (RDC) pour obtenir un large consensus autour de la formation d’un gouvernement d’Union nationale. En menant une telle démarche sans attendre les pourparlers de la CENCO-ECC ou le processus régional, le président Félix Tshisekedi n’a-t-il pas mis la charrue avant les bœufs ? Jusqu’où pourrait-il aller avec la décrispation politique ? Réussira-t-il à dégager un large consensus ?
Le samedi 1er mars, l’ancien candidat à la présidence de la République, Seth Kikuni Masudi, et l’ancien député provincial Mike Mukebayi ont quitté la prison centrale de Makala, à Kinshasa. Cette mesure a également concerné une influenceuse pro-pouvoir, Denise Mukendi. Ces prisonniers ont quitté leurs cellules suite à une décision de liberté conditionnelle prise par le ministre d’État, ministre de la Justice et Garde des Sceaux, Constant Mutamba. D’autres sources expliquent que cette décision, prise sur instruction du président de la République Félix Tshisekedi, a pour but de décrisper l’environnement sociopolitique congolais dans ce contexte marqué par la guerre d’agression rwandaise à travers la rébellion du Mouvement du 23 mars (M23/AFC) dans l’Est de la RDC.
Le vendredi 28 février, en marge du Conseil des ministres, le porte-parole du gouvernement, Patrick Muyaya, a rapporté dans le compte rendu que Félix Tshisekedi avait chargé son nouveau conseiller spécial, Désiré-Cashmir Eberande, de mener des consultations auprès de la classe politique, de la société civile et d’autres forces vives du pays pour aboutir à un large consensus en vue de former un nouveau gouvernement d’union nationale.
Tshisekedi va-t-il réussir un large consensus ?
Affaibli par la guerre d’agression rwandaise menée avec la complicité de certains Congolais dont Joseph Kabila et l’ancien président de la CENI, Corneille Nangaa, Félix Tshisekedi réussira-t-il à rallier des opposants à la cause nationale ? Certains opposants ont une vision personnaliste de la crise actuelle. Ils perçoivent dans la démarche de Tshisekedi une volonté de chercher à renforcer son pouvoir, souhaitant voir Kigali faire chuter son régime. Par contre, une autre catégorie d’opposants voit la crise actuelle au-delà de la personne de Tshisekedi. C’est le cas de Martin Fayulu qui pense que la nation est véritablement en danger de balkanisation, appelant Corneille Nangaa à abandonner les armes et Joseph Kabila à « se souvenir de ce que le Congo lui a donné ».
De son côté, l’ancien Premier ministre Adolphe Muzito a accepté « sans condition » la main tendue par Félix Tshisekedi. Réputé pour ses propositions radicales contre le Rwanda, notamment la construction d’un mur entre la RDC et ce pays agresseur, Adolphe Muzito pense qu’il faut d’abord se ranger derrière Félix Tshisekedi pour faire face à l’ennemi commun. « La RDC est attaquée, nous devons soutenir Félix Tshisekedi », a-t-il indiqué.
Ne faudra-t-il pas attendre le dialogue CENCO-ECC ?
Pendant que le chef de l’Etat ouvre ces consultations via son conseiller spécial, des évêques de la Conférence épiscopale nationale du Congo (CENCO) et des révérends de l’Église du Christ au Congo (ECC) mènent aussi des consultations pour un dialogue aboutissant sur un pacte social pour la paix en RDC et dans la région des Grands Lacs. Moise Katumbi s’est montré favorable à la démarche des évêques. Joseph Kabila, de son côté, n’a pas encore officiellement réagi. Son camp a promis de répondre à la CENCO-ECC par écrit. Corneille Nangaa, pour sa part, se montre ouvert au dialogue tout en nourrissant le désir de faire tomber Kinshasa militairement. Face à un tel tableau, les consultations lancées par Félix Tshisekedi à travers son conseiller risquent de ne pas dégager un large consensus autour de cette agression militaire.
Le risque d’une amnistie
Pour résoudre la crise de manière générale, il y a risque de retomber sur l’amnistie pour blanchir les seigneurs de guerre. Le responsable de la presse présidentielle, Eric Nyindu, a affirmé que le camp de Joseph Kabila ne participerait pas au projet du gouvernement d’union nationale en raison de son soutien à l’Alliance Fleuve Congo (AFC) de Corneille Nangaa. Cela démontre qu’il sera difficile de dégager un consensus sans amnistier certains rebelles avérés, tels que Corneille Nangaa. L’opinion nationale percevrait cela comme une insulte à la mémoire de plus de 3000 victimes tuées en janvier dernier à Goma par l’AFC/M23, sans compter d’autres milliers tombés suite à cette agression rwandaise masquée par cette rébellion.
Heshima