Certains hauts cadres du Parti du peuple pour la reconstruction et la démocratie (PPRD), dont Aubin Minaku, Emmanuel Ramazani Shadary et Ferdinand Kambere, sont convoqués ce lundi 10 mars 2025, à l’auditorat militaire de Kinshasa/Gombe pour « éclairer la justice » au sujet des propos tenus récemment par le vice-président de cette formation politique. Cette convocation laisse transparaître un duel désormais livré à distance entre le président Félix Tshisekedi et son prédécesseur, Joseph Kabila, accusé de collusion avec la rébellion de l’Alliance Fleuve Congo (AFC) alliée au Mouvement du 23 mars (M23).
Au total 13 cadres de la famille politique de Joseph Kabila doivent se présenter devant l’avocat général militaire, au motif « d’éclairer la justice ». Mais les caciques du PPRD expliquent que seuls trois cadres sont officiellement saisis. Il s’agit du secrétaire permanent du parti, Emmanuel Ramazani Shadary, du vice-président Aubin Minaku et du secrétaire permanent adjoint, Ferdinand Kambere. « Les autres n’ont pas été officiellement notifiés », explique Kambere.
Parmi les griefs reprochés contre le camp Kabila, il y a les dernières sorties médiatiques à la fois de leur mentor et d’eux-mêmes. Les propos d’Aubin Minaku sur la fin de la « clandestinité » du parti, et ceux de Ramazani Shadary estimant que « l’on ne savait pas ce que le chef [faisait] chaque jour pour que l’on revienne au pouvoir », avaient fini par tiquer le régime de Félix Tshisekedi. Le camp Kabila, qui avait boycotté la voie démocratique en refusant de participer au dernier scrutin, que ferait-il exactement pour revenir au pouvoir ? C’est toute la dynamique que la justice militaire tente de démêler, alors que Joseph Kabila est cité par Félix Tshisekedi comme commanditaire de la rébellion de l’AFC. Depuis plusieurs mois, le chef de l’État répète qu’il y a bien un lien entre la famille politique de Kabila et l’AFC/M23 de Corneille Nangaa, ancien président de la Commission électorale nationale indépendante (CENI).
Pour alimenter un tel soupçon, il y a aussi ces nombreux ralliements de cadres du parti de Joseph Kabila à l’AFC de Nangaa. C’est le cas des cadres de la ligue des jeunes comme Adam Chalwe, Henri Maggie ou encore Yannick Tshisola, tous du PPRD de Joseph Kabila.
Un duel à distance
Désormais, Félix Tshisekedi et Joseph Kabila se livrent un duel à distance. Vivant à cheval entre la Namibie et l’Afrique du Sud, l’ancien président de la République a rompu son silence en publiant une tribune au vitriol dans un journal sud-africain. Il s’en est pris à l’armée sud-africaine qui, selon lui, défend « un tyran ». L’ex-Raïs n’a pas non plus condamné l’agression rwandaise via les rebelles du M23/AFC. Au contraire, il les a défendus en affirmant que ce mouvement n’est pas un groupe « anarchiste ». Du point de vue de Kinshasa, Kabila voudrait revenir au pouvoir par une insurrection. N’ayant pas la possibilité de mettre la main sur lui, Kinshasa exerce une pression sur les lieutenants de Joseph Kabila restés au pays.
Il y a une semaine, Emmanuel Ramazani Shadary était invité au ministère de l’Intérieur et sécurité pour expliquer la récente communication du parti de Joseph Kabila, au lendemain de la sortie médiatique de ce dernier, en Namibie. Lors d’une réunion à Kinshasa, le vice-président du PPRD, Aubin Minaku, avait affirmé que le temps des actions clandestines étaient terminées. « Le chef a dit, il faut être prêt à tout, quand le chef dit qu’il faut être prêt à tout chacun de nous, un PPRD pur-sang comprend, quand le chef dit : fini le moment du silence, des actions clandestines, maintenant c’est le moment des actions ouvertes. Je m’assume, ça dit tout », avait-il déclaré devant d’autres membres du PPRD.
En tournée de mobilisation des Congolais dans le grand Bandundu, le vice-Premier ministre, ministre des Transports, Jean-Pierre Bemba a ouvertement accusé Joseph Kabila de soutenir le M23 et la milice Mobondo pour déstabiliser Kinshasa à partir de Maluku. Le Front Commun pour le Congo (FCC) qualifie ces accusations d’infondées. « Cette campagne ignoble a été lancée par le Chef de l’État lui-même et a trouvé, depuis, un amplificateur zélé en la personne de M. Jean-Pierre Bemba Gombo. Celui-ci semble plus doué pour le rôle de chantre de la haine et de propagandiste du ‘Roi Soleil’ et de son régime que pour les nobles responsabilités de ministre des Transports ou de la Défense nationale », a écrit Raymond Tshibanda, responsable provisoire du FCC.
Heshima