La ministre des Affaires étrangères, coopération internationale et francophonie Thérèse Kayikwamba Wagner a marqué les esprits en République démocratique du Congo (RDC). Sérénité dans sa voix et sa gestuelle, la cheffe de la diplomatie congolaise dégage une assurance dans un Congo pourtant en pleine tempête sécuritaire. À ce jour, sa diplomatie commence à porter ses fruits. Kigali ploie désormais sous le poids des sanctions internationales. Portrait d’une femme rare !
Née en 1983, à Kinshasa, d’un père allemand et d’une mère congolaise, Thérèse Kayikwamba Wagner est sous le feu des projecteurs depuis sa nomination à la tête du ministère des Affaires étrangères. Sans se fier à son riche cursus académique, personne ne pouvait parier sur cette quadragénaire « sortie de nulle part » pour relever le défi d’une diplomatie tant critiquée en RDC. À ce jour, Thérèse est en passe de le faire.
Après avoir subi des revers sur le terrain militaire au Nord et au Sud-Kivu, les yeux des Congolais étaient rivés sur le front diplomatique. Chaque apparition de Thérèse Kayikwamba au Conseil de sécurité des Nations Unies était suivie à Kinshasa presque comme un match des Léopards. « Cette jeune femme, sortie de nulle part, tient bon », soupire un septuagénaire à Kinshasa, sa radio collée à l’oreille, en train de suivre en direct une réunion d’urgence du Conseil de sécurité de l’ONU convoquée à la demande de la RDC suite à l’aggravation de la crise sécuritaire dans l’Est du pays.
En ce temps de crise sécuritaire, Thérèse parait comme une révélation du gouvernement dirigé par Madame Judith Suminwa. Sur les réseaux sociaux en RDC, des surnoms fusent. Certains la qualifient de « Kimpa Vita ». Une référence à une prophétesse congolaise brûlée vive en juillet 1706 et qui lutta contre des Portugais pour réunifier le Royaume Kongo, alors en proie à l’anarchie portugaise.
Cursus académique flatteur
Si Thérèse n’était pas connue de l’opinion congolaise avant ses hauts faits d’arme sur le front diplomatique, son parcours académique et professionnel démontre qu’elle ne fait pas non plus partie de la génération spontanée. Son cursus académique est flatteur. Elle passe son master en anthropologie, science politique et pédagogie à l’Université de Mayence en Allemagne. En 2006, jeune chercheuse, elle s’intéresse alors aux campagnes électorales de Jean-Pierre Bemba et Joseph Kabila.
Ce qui fait naître en elle l’ambition de devenir politique. Mais c’était une lointaine ambition qu’elle ne pensait voir se réaliser de sitôt. Elle nourrissait aussi le rêve d’étudier à l’Université de Columbia, aux États-Unis. Entre-temps, elle s’inscrit d’abord en Master 2 en Droits de l’Homme et démocratisation à l’Université de Leuven, en Belgique. Elle travaille sur les questions d’ethnicité lors des conflits au Rwanda et au Burundi dans les années 90. Malgré ses efforts, elle passera à côté de son rêve de jeunesse. « J’ai commis ma plus grande erreur en n’ayant jamais postulé pour Columbia », a-t-elle confié, pointant un manque de confiance en soi. Alors qu’elle travaille avec la coopération allemande (GIZ) au Rwanda, elle redémarre une troisième fois des études. Sa famille ne comprend pas sa décision, mais elle s’entête et suit une spécialisation dans l’humanitaire à Harvard, aux États-Unis, où elle obtient un master en administration publique.
Une connaisseuse des conflits de la région
Entre 2012 et 2014 à Goma, elle est gestionnaire de projet pour Oxfam en pleine crise du M23. Elle sillonne le Nord-Kivu, entre Masisi, Beni, Walikale et Nyiragongo. « Une des périodes les plus passionnantes de ma carrière », a-t-elle confié aux médias.
À ce jour, Thérèse Kayikwamba présente un profil d’anthropologue et politologue riche en expérience. C’est donc une connaisseuse des conflits de la région des Grands Lacs. Conduire la diplomatie d’un pays agressé par son voisin le Rwanda mais aussi avec la résurgence du même groupe rebelle, le M23, Thérèse a le bagage nécessaire pour déconstruire le mensonge du Rwanda autour de ces conflits. Et elle l’a fait brillamment. Aujourd’hui, le Rwanda ploie sous le poids de sanctions internationales pour son invasion du territoire congolais, soutenue par les rebelles du M23. Washington, Berlin, Londres, Bruxelles et Ottawa ont tous sanctionné le Rwanda pour violation de la souveraineté de la RDC et c’est loin d’être fini.
En dehors de son métier d’anthropologue, Thérèse a su capitaliser sur son parcours de diplomate internationale pour asséner un K.O. au Rwanda sur le plan diplomatique. En 2016, elle avait déjà intégré les Nations Unies. À Goma, elle travaillait avec la MONUSCO comme chargée de planification stratégique. Puis, à Kinshasa, elle a travaillé comme conseillère politique dans la mise en œuvre de l’accord-cadre d’Addis-Abeba. Une année plus tard, lorsque les Nations Unies ferment le bureau, elle s’installe en République centrafricaine pour la MINUSCA. Elle va rapidement changer de cap et s’installer à Nairobi entre 2019 et 2022. Au Kenya, elle était conseillère pour Huang Xia, Envoyé spécial du Secrétaire général des Nations Unies. C’est à cette période qu’elle rencontrera pour la première fois Félix Tshisekedi. Celui-ci va faire d’elle la patronne de la diplomatie congolaise dès juin 2024. Thérèse prendra ainsi la relève d’un vétéran de la politique congolaise, Christophe Lutundula.
Heshima