Les pourparlers entre le gouvernement congolais et le Mouvement du 23 mars (M23) débutent, ce mercredi 9 avril à Doha, capitale du Qatar. Mais avant les discussions proprement dites, l’Alliance Fleuve Congo (AFC/M23) pose des conditions notamment celle de voir le président de la République démocratique du Congo (RDC), Felix Tshisekedi, exprimer sa volonté politique de mener ces négociations directes. A la veille de ces échanges, Joseph Kabila annonce son retour en RDC par la partie du pays contrôlée par les rebelles.
Ce 9 avril, à Doha, démarre une phase cruciale des discussions en Kinshasa et la rébellion de l’AFC-M23 sous la médiation des autorités qataries. La délégation du gouvernement se trouve déjà sur place, celle de la rébellion aussi. Mais avant les discussions proprement dites, la rébellion a posé des conditions. Parmi ces préalables, il y a l’abrogation de la résolution de l’Assemblée nationale du 8 novembre 2022 interdisant au gouvernement « d’amorcer toute négociation avec des forces négatives en vue de procéder à leur intégration, brassage ou mixage ». Le M23 exige aussi la libération sans conditions de toutes les personnes militaires ou civiles arrêtées pour avoir soutenu cette rébellion.
Ces rebelles veulent également l’annulation des condamnations à mort et de « prime » offerte pour l’arrestation des dirigeants de l’AFC-M23 ainsi que toutes les autres mesures restrictives prises par le régime de Kinshasa à l’encontre de cette rébellion. La rébellion exige aussi de mettre fin et de criminaliser tous les discours de haine, souvent suivis d’actes d’oppression et de cannibalisme, ainsi que toutes les chasses à l’homme lancées contre des Congolais en raison de leur apparence ou de la langue notamment le kinyarwanda sous prétexte de collaboration avec l’AFC/M23 ou d’être des infiltrés rwandais. Ils veulent aussi que le gouvernement mette fin à tous les actes de discrimination et de déni de nationalité à l’encontre des communautés parlant cette langue. Ces mesures, selon les rebelles, permettraient la tenue et l’aboutissement des négociations.
Difficile entente entre les deux camps
Cette première phase de discussions va être délicate au regard des exigences de l’AFC-M23. La médiation qatarie devra faire preuve de persuasion pour essayer de convaincre les uns et les autres afin de dépasser les formalités pour aborder le fond des négociations. Kinshasa, de son côté, ne saurait vider tous ces préalables uniquement dans cette phase préliminaire des discussions. Sinon, le gouvernement manquera des cartouches lorsqu’il s’agira d’aborder le fond. Et parmi les questions de fond figure notamment le principe d’un cessez-le-feu bilatéral, l’analyse des revendications de l’AFC/M23 et les conditions posées par le gouvernement congolais.
Kabila à Goma, quelle intention ?
A un jour de ces discussions avec l’AFC-M23, l’ancien président de la République, Joseph Kabila a annoncé son retour au pays par la partie Est. Dans une déclaration envoyée à Jeune Afrique, Joseph Kabila justifie sa décision par la situation sécuritaire et institutionnelle du pays. « Compte tenu de la dégradation de la situation sécuritaire à travers tout le pays, ainsi que de la déliquescence qui gangrène tous les secteurs de la vie nationale, j’ai pris la résolution de rentrer, sans délai, au pays », a écrit l’ancien chef de l’État.
Joseph Kabila va rentrer en RDC par une zone pourtant contrôlée par des rebelles du M23. Si être dans cette zone est normale pour les Congolais lambada, cela ne devrait pas l’être pour Joseph Kabila – ancien président de la République et sénateur à vie – dont les accusations de connivence avec la rébellion sont de plus en plus évoquées par le camp au pouvoir. Sa présence dans la zone risque de renforcer de telles suspicions.
Ignoré jusqu’ici dans la résolution de cette crise, Joseph Kabila décide visiblement d’opérer à visage découvert pour qu’il compte parmi les acteurs dans la recherche des solutions à ce conflit. Lors d’un séjour en Afrique du Sud, la ministre des Affaires étrangères de la RDC, Thérèse Kayikwamba Wagner avait indiqué que Joseph Kabila n’avait pas un rôle à jouer dans le processus actuel de résolution de la crise. Elle a déclaré qu’« aucun rôle n’est prévu à ce stade » pour Joseph Kabila dans les efforts en cours de résolution de la crise sécuritaire. Cette marginalisation l’aurait poussé à sortir de l’ombre pour s’affirmer comme un acteur clé de la crise.
Heshima