Le foisonnement des initiatives de médiation semble faire oublier la démarche des Églises catholique et protestante dans la recherche des solutions aux conflits armés en République démocratique du Congo (RDC). La célébration pascale, le 20 avril 2025, a servi de tribune au cardinal Fridolin Ambongo et au représentant légal de l’Église du Christ au Congo (ECC), André Bokundoa, pour appeler les Congolais à adhérer à l’idée d’un « Pacte pour la paix et le bien-vivre ensemble en RDC et dans les Grands Lacs ». Malgré la tournée effectuée par ces prélats et révérends, l’initiative reste toujours timide.
À ce jour, où en est-on avec la démarche du dialogue menée par la Conférence épiscopale nationale du Congo (CENCO) et l’Église du Christ au Congo (ECC) ? Malgré la tournée régionale et internationale effectuée par la délégation de ces deux confessions religieuses, certaines sources proches de ces structures évoquent une impasse politique doublée d’un flou persistant sur le format à adopter. « Les yeux de la CENCO-ECC sont aussi rivés sur les négociations de Doha au Qatar », explique une source. L’idée, c’est d’attendre un cessez-le-feu officiel pour finalement trouver un format de discussions.
Dans l’opinion publique, à Kinshasa comme en province, cette initiative souffre d’une certaine réticence des Congolais liée notamment à l’attitude ambigüe de la CENCO face aux rebelles du Mouvement du 23 mars (M23), un groupe allié à l’Alliance Fleuve Congo (AFC) coordonnée par l’ancien président de la CENI, Corneille Nangaa.
Un autre élément ayant fragilisé la démarche de ces évêques et pasteurs, c’est la déclaration du Monseigneur Fulgence Muteba sur le financement de leur démarche par certains pays de la région dont le Rwanda. Une affirmation qui avait suscité un tollé il y a plus d’une semaine, nécessitant le recadrage du secrétaire général de la CENCO, Monseigneur Donatien Nshole. Ce dernier avait précisé que les fonds évoqués par Mgr Muteba étaient liés au remboursement des billets d’avion après que les protocoles des deux pays, à savoir le Rwanda et le Kenya, avaient réaménagé l’agenda de leur voyage. « Kigali a remboursé notre billet. Par ailleurs, l’hospitalité des États fait partie de ce que Mgr Fulgence Muteba a fait mention », a rectifié Donatien Nshole.
Ambongo encourage l’adhésion des Congolais
Lors de la célébration pascale, le 20 avril 2025, les deux Églises engagées dans la démarche de la paix en ont profité pour inviter les Congolais à adhérer à l’idée de ce « Pacte pour la paix et le bien-vivre ensemble en RDC et dans les Grands Lacs ». Malgré les réticences observées, le cardinal Ambongo a affiché son optimisme, dans son message du 19 avril, en appelant à l’adhésion de tous à ce projet de paix. « C’est dans cette optique que j’encourage et j’exhorte une fois de plus les uns et les autres à accueillir avec confiance et ferveur l’initiative du Pacte social pour la paix et le bien-vivre, proposé par la CENCO et l’ECC. On y trouve les germes d’un avenir radieux et harmonieux pour tous », a-t-il déclaré. De son côté, André Bokundoa de l’ECC, a lancé le même appel aux Congolais.
Ce Pacte va-t-il toujours avoir lieu ?
Prises de vitesse par les négociations de Qatar, les deux Églises font preuve de patience dans l’attente de l’aboutissement de ce projet de dialogue. Mais il y a le risque de voir que si les politiques trouvent la paix à Doha et que la République retrouve sa pleine souveraineté, les hommes politiques seraient de moins en moins enclins à s’asseoir pour discuter de la paix qu’ils auraient eux-mêmes déjà négociée au Qatar. L’intérêt d’un tel pacte pourrait baisser aux yeux des hommes politiques, sauf en cas d’un nouveau désaccord.
Autre point faible : la multiplication des médiations rend la démarche plus confuse. Elle ne facilite pas la tâche à la CENCO-ECC dont l’agenda ne semble fixé nulle part. Mais les évêques et les révérends sont patients : leur pacte est à inscrire dans la durée. Ils visent à mettre sur pied un document qui garantirait la paix et le vivre-ensemble à l’horizon du centenaire de la RDC, en 2060. Les deux Églises travaillent ensemble pour encourager toutes les parties à s’engager en faveur de la paix, du dialogue et de la réconciliation. Ce pacte vise également à renforcer la cohésion entre les différentes communautés et à prévenir les conflits en favorisant le respect mutuel, la tolérance et la solidarité. C’est une démarche qui montre l’engagement des acteurs religieux dans la construction d’une société plus pacifique et harmonieuse. Reste à savoir si leur voix pourra porter jusqu’aux sphères du pouvoir, notamment face à des figures comme Paul Kagame, dont la realpolitik éclipse souvent les appels à la paix.
Heshima