Dans les méandres de Kinshasa, où la politique se mêle à l’histoire tumultueuse de la République Démocratique du Congo (RDC), un débat brûlant agite les cercles du pouvoir : les immunités de l’ancien président Joseph Kabila, sénateur à vie, peuvent-elles être levées ? Alors que des accusations le lient à des groupes armés dans l’Est du pays, la question dépasse le simple cadre juridique pour toucher les fondations mêmes de la stabilité nationale. Entre une Constitution protectrice, une loi controversée sur les anciens chefs d’État, et un climat sécuritaire explosif, l’avenir de Kabila pourrait redéfinir les équilibres politiques congolais. Heshima Magazine plonge dans les arcanes du droit, explore les dynamiques politiques actuelles, s’inspire de précédents internationaux, et esquisse les scénarios possibles pour cet homme qui, après dix-huit ans à la tête du pays, reste une figure énigmatique.
La Constitution congolaise de 2006, révisée en 2011, est le socle sur lequel repose le statut de Joseph Kabila. Son article 104 stipule qu’un ancien président élu devient sénateur à vie, une disposition conçue pour garantir une transition pacifique et protéger les ex-dirigeants des représailles. Ce statut confère à Kabila les immunités parlementaires prévues à l’article 107, qui protège les sénateurs contre les poursuites pour leurs opinions ou votes exprimés dans l’exercice de leurs fonctions. Toute arrestation ou poursuite pendant les sessions parlementaires doit obtenir l’autorisation du Sénat, à l’exception d’un flagrant délit. En dehors des sessions, c’est le bureau du Sénat qui doit donner son aval, sauf en cas de flagrant délit, de poursuite autorisée ou de condamnation définitive. La Chambre haute a également la possibilité de suspendre une procédure judiciaire contre l’un de ses membres, bien que cette suspension ne puisse excéder la durée d’une session. »
Mais ce bouclier n’est pas absolu. « La Constitution protège les anciens présidents, mais ce n’est pas un chèque en blanc », explique Me Jacques Kalubi, constitutionnaliste à l’Université de Kinshasa. « Les immunités peuvent être levées pour des crimes graves, mais cela exige une volonté politique forte et une procédure rigoureuse. » En effet, les accusations récentes contre Kabila, notamment son probable soutien au groupe rebelle Mouvement du 23 mars (M23), pourraient justifier une telle démarche, à condition que des preuves solides soient présentées. Pourtant, le flou entourant ce qui constitue un « flagrant délit » ou une « poursuite autorisée » laisse place à des interprétations divergentes, alimentant les tensions entre juristes et politiques.
Le statut de sénateur à vie pose également une question plus large : est-il une garantie d’alternance démocratique ou un privilège anachronique ? Pour certains, comme Jean-Marc Kilwa, il s’agit d’un « vestige d’un passé autoritaire, conçu pour protéger une élite ». D’autres, proches de Kabila, y voient une nécessité pour éviter des chasses aux sorcières dans un pays où les transitions sont souvent violentes.
La loi n°18/021 : une protection sur mesure ?
Adoptée le 26 juillet 2018, la loi n°18/021, qui fixe le statut des anciens présidents élus et des anciens chefs de corps constitués, est au cœur du débat. Ce texte, élaboré dans les derniers mois du mandat de Kabila, visait à sécuriser sa sortie du pouvoir après les élections de 2018. Selon des analyses publiées par Actualite.cd, la loi accorde des « privilèges juridictionnels » aux anciens présidents, notamment une immunité contre les poursuites pour les actes accomplis dans l’exercice de leurs fonctions. Cependant, cette protection ne s’étend pas aux crimes graves tels que la corruption, le détournement de fonds, les crimes contre l’humanité, ou les crimes de guerre.
« Cette loi est un paradoxe », estime Nadine Lema, professeure de droit public à l’Université de Lubumbashi. « Elle cherche à protéger tout en ouvrant la porte à des exceptions pour des infractions majeures. Mais son application dépend du courage des institutions. » En effet, la loi précise que toute levée d’immunité doit suivre une procédure similaire à celle des parlementaires, dont le Sénat pour Kabila. Pourtant, cette loi alimente les suspicions d’une législation taillée sur mesure pour l’ancien président.
Le contexte de son adoption renforce cette perception. En 2018, alors que Kabila hésitait à quitter le pouvoir, la loi semblait être une assurance-vie politique. « C’était un compromis pour garantir l’alternance sans exposer Kabila à des représailles immédiates », confie un ancien député du Front Commun pour le Congo (FCC), sous couvert d’anonymat. Mais aujourd’hui, dans un climat de tensions croissantes, cette loi pourrait être mise à l’épreuve.
Le droit pénal congolais : une épée de Damoclès
En RDC, le code pénal est une arme redoutable, capable de frapper même les plus puissants, à condition que les barrières des immunités soient levées. Pour Joseph Kabila, ancien président et sénateur à vie, les accusations portées par le ministre de la Justice, relayées par des figures importantes comme Jean-Pierre Bemba, placent l’homme sous une pression croissante. Ces allégations, qui vont du soutien à des groupes armés à des infractions économiques, s’appuient sur un arsenal juridique précis. Dans un pays où la justice reste souvent un terrain miné, la levée des immunités de Kabila pourrait-elle marquer un pas vers la responsabilité, sans pour autant précipiter la nation dans le chaos ? Une chose est certaine : personne n’est au-dessus des lois. Les révélations des médias internationaux, parfois discrètement contredites par certains membres de son parti, le PPRD, viennent renforcer les soupçons qui pèsent sur l’ex-président. »
Les infractions au cœur des accusations
Les accusations portées contre Joseph Kabila, telles que formulées par le président Tshisekedi, Jean-Pierre Bemba, le ministre de la Justice et d’autres responsables, portent sur des infractions graves prévues par le code pénal congolais. En mars 2025, Bemba, vice-Premier ministre, a publiquement affirmé détenir des « preuves » liant Kabila au groupe rebelle M23, actif dans le Nord-Kivu et Sud-Kivu, et aux milices Mobondo, impliquées dans des violences dans l’Ouest du pays. Ces allégations, bien que non détaillées publiquement, pourraient tomber sous plusieurs articles du code pénal. Les articles 145 à 147 répriment la corruption et le détournement de fonds publics, des accusations récurrentes contre Kabila, notamment dans la gestion opaque des contrats miniers sous son mandat. L’article 149, quant à lui, sanctionne l’abus de pouvoir, un chef d’accusation potentiellement applicable si des liens avec des groupes armés sont prouvés.
Plus préoccupant encore, la loi n°09/003 de 2009, accordant une amnistie pour les faits de guerre et d’insurrection commis dans les provinces du Nord-Kivu et du Sud-Kivu, exclut expressément les crimes de génocide, les crimes de guerre et les crimes contre l’humanité. Elle définit également les faits de guerre et d’insurrection, pouvant potentiellement concerner des actes survenus sous la présidence de Kabila, notamment les violences dans l’Est du pays. Le soutien présumé au M23, accusé de massacres et de déplacements forcés de millions de personnes, pourrait être qualifié de complicité dans des crimes de guerre ou contre l’humanité, des infractions également couvertes par le Statut de Rome, dont la RDC est signataire. « Ces accusations, si étayées, placeraient Kabila dans une position juridiquement intenable », analyse Me Alain Mukendi, avocat spécialisé en droit pénal à Kinshasa. « Le défi est de transformer des soupçons en preuves admissibles devant un tribunal. »
Les révélations des médias internationaux : un faisceau d’indices
Les soupçons contre Kabila ne se limitent pas aux déclarations politiques. Des médias internationaux de renom, tels que RFI, TV5 Monde, et France 24, ont rapporté une information troublante : Joseph Kabila est entré à Goma le 18 avril 2025, dans l’Est de la RDC par la grande barrière, pour un bref passage en provenance de Kigali, la capitale rwandaise. Cette révélation, largement relayée, n’a jamais été rectifiée ni démentie par ces médias, une situation qui, pour beaucoup, renforce sa crédibilité. « Si ces informations étaient erronées, des organes comme RFI ou France 24, soumis à des standards journalistiques rigoureux, auraient publié des correctifs ou des excuses », note Justine Mbuyi, journaliste congolaise d’investigation. « Leur silence est éloquent : ils maintiennent leurs allégations. »
Ce séjour présumé à Goma, une ville sous occupation du M23, alimente les spéculations sur les liens de Kabila avec des acteurs régionaux, notamment le Rwanda, accusé par l’ONU de soutenir le M23. Selon le site Africa Intelligence, Joseph Kabila a effectué un passage discret à Kigali en avril 2025 et un saut à Kampala en mars 2025, coïncidant avec un déplacement de Corneille Nangaa, chef de l’Alliance du Fleuve Congo (AFC), une alliance dont le M23 fait partie. Par ailleurs, le site de la chaîne française de la radio-télévision publique flamande VRT NWS, rapporte des rumeurs selon lesquelles Kabila pourrait soutenir le M23 dans le but de provoquer un changement de régime à Kinshasa, bien que ces allégations soient qualifiées de « difficiles à prouver ». La suspension des activités du Parti du peuple pour la reconstruction et la démocratie (PPRD), le parti de Kabila, en mars 2025, pour des liens présumés avec le M23, renforce l’idée d’une implication indirecte. « Ce ne sont pas des preuves au sens strictement judiciaire, mais des signaux forts. Il faut toutefois attendre l’ouverture du procès, car il ne faut pas oublier que la RDC dispose de ses propres services de renseignement, et bénéficie également des informations partagées par la Monusco présente à Goma », confie un analyste sécuritaire européen sous couvert d’anonymat. « Le puzzle commence à prendre forme. », a-t-il ajouté.
Preuves indirectes et soupçons persistants
D’autres éléments, bien que circonstanciels, jettent une ombre sur l’ancien président. Des témoignages recueillis par des ONG locales dans le Nord-Kivu rapportent que des miliciens affiliés au M23 auraient mentionné des « soutiens de haut niveau » à Kinshasa, sans nommer explicitement Kabila. Eric Nkuba, conseiller stratégique de l’AFC dirigée par Corneille Nangaa, présenté à la presse le 5 avril 2024, est passé aux aveux lors de son audition au quartier général des renseignements militaires. A cette occasion, l’interpellé a cité l’ex-président de la République, Joseph Kabila, et John Numbi comme étant des contacts internes de l’AFC qui s’occupent de l’aspect militaire. Un rapport de l’ONG Enough Project de 2023, bien que non spécifique à Kabila, soulignait que des réseaux financiers liés à d’anciennes élites congolaises continuaient de bénéficier des ressources minières dans les zones contrôlées par le M23. Ces réseaux, selon des sources proches du dossier, incluraient des associés de longue date de Kabila.
Le comportement de l’ancien président alimente également les soupçons. Depuis son départ du pouvoir en 2019, Kabila s’est fait discret, résidant souvent à l’étranger. Cette distance, perçue comme une stratégie d’évitement, contraste avec son rôle de sénateur à vie, qui lui permet théoriquement à participer aux travaux du Sénat. « Son silence et son absence sont interprétés comme une volonté de se soustraire aux regards », observe Delly Sesanga, président du parti de l’opposition Envol. « Cela ne prouve rien, mais cela ne joue pas en sa faveur. »
Minimiser les risques d’une levée des immunités
Si les immunités de Kabila étaient levées, les risques de déstabilisation, bien réels, ne sont pas insurmontables. Les craintes d’une mobilisation de ses partisans, notamment dans le Katanga, ou d’une escalade des tensions avec le Rwanda, doivent être tempérées par une gestion judiciaire transparente. « Une procédure bien encadrée, avec des preuves solides et une communication claire, peut limiter les réactions négatives », estime Nadine Lema, professeure de droit public à l’Université de Lubumbashi. Une enquête ciblée, évitant les apparences de règlement de comptes politiques, pourrait même renforcer la crédibilité des institutions congolaises.
La levée des immunités, si elle aboutit à des poursuites, enverrait un message puissant : personne n’est au-dessus des lois, pas même un ancien chef d’État. « C’est une question de principe », insiste Me Mukendi. « Si la RDC veut bâtir un État de droit, elle doit montrer que les puissants répondent de leurs actes, sans exception. » Des précédents, comme les poursuites contre des anciens ministres sous Tshisekedi, montrent que des actions judiciaires ciblées peuvent être menées sans provoquer un chaos généralisé.
Une justice sous pression
Le droit pénal congolais, avec ses articles rigoureux et son intégration des normes internationales, est une épée de Damoclès suspendue au-dessus de Kabila. Les accusations portées par le ministre de la Justice, combinées aux révélations des médias et aux indices indirects, forment un tableau préoccupant. Pourtant, transformer ces soupçons en condamnations nécessite de surmonter des obstacles majeurs : lever les immunités, rassembler des preuves solides, et naviguer dans un climat politique explosif. Si la justice congolaise parvient à relever ce défi, elle pourrait marquer un tournant historique, prouvant que même les ombres du passé ne peuvent échapper à la lumière de la loi.
Le Sénat : gardien ou juge des immunités ?
Le règlement intérieur du Sénat, mis à jour pour la législature 2024-2028, détaille la procédure de levée d’immunité dans son article 218. Lorsqu’une demande est formulée, le bureau du Sénat constitue une commission spéciale pour examiner les faits. Le sénateur concerné, en l’occurrence Kabila, est auditionné et peut être assisté par un avocat ou deux collègues. La commission soumet ses conclusions à l’assemblée plénière, qui délibère à huis clos, limitant les interventions aux rapporteurs et aux parties concernées. Hors session, le bureau décide après avoir entendu le procureur général et le sénateur visé.
Ce processus, bien que formel, est éminemment politique. « Le Sénat est un espace de compromis, pas un tribunal », note un diplomate européen basé à Kinshasa. La suspension des activités du PPRD, parti de Kabila, en mars 2025, pour des liens avec le M23, pourrait toutefois influencer les dynamiques internes du Sénat.
Un pays au bord du gouffre : le contexte politique et sécuritaire
En 2025, la RDC est un volcan prêt à entrer en éruption. L’Est du pays, notamment le Nord-Kivu et le Sud-Kivu, est ravagé par les conflits. Le M23, soutenu par le Rwanda, a intensifié ses offensives. Selon le plan de réponse de l’OIM (Organisation internationale de migrations) pour 2025, 6,9 millions de Congolais sont déplacés, dont 5,5 millions dans l’Est, avec des besoins humanitaires estimés à 3,4 milliards de dollars. Les obstacles bureaucratiques et l’insécurité entravent l’aide, tandis que les tensions entre Kinshasa et Kigali aggravent la crise.
Politiquement, Félix Tshisekedi, réélu haut la main en 2023, mène une lutte pour la souveraineté et la réunification du pays. Son alliance avec des partis comme le MLC, l’UNC, l’AFDC-A, ainsi que d’autres formations issues de dissidences du FCC, reflète une coalition solide. Les accusations portées contre Joseph Kabila, relayées notamment par Jean-Pierre Bemba, s’inscrivent dans un climat de rivalités croissantes. « C’est une stratégie risquée », analyse Delly Sesanga, président du parti Envol. « Accuser Kabila peut galvaniser l’opposition à Tshisekedi, mais aussi radicaliser ses partisans, surtout dans l’Est. »
Mais pour Patrick Rafiki, habitant de Bunia, en Ituri, la réalité est tout autre : « C’est exactement l’inverse. Les populations de l’Est, premières victimes des violences orchestrées par le régime de Paul Kagame, ne peuvent soutenir un candidat perçu comme proche du Rwanda, ou soupçonné de complicité avec Kigali. C’est d’ailleurs ce qui a nui à Moïse Katumbi lors de la dernière présidentielle : son refus de dénoncer explicitement le rôle du Rwanda dans la rébellion du M23 a été très mal perçu. Cela explique en partie son faible score au Nord-Kivu, au Sud-Kivu et en Ituri. »
Leçons du passé : anciens chefs d’État face à la justice
À travers le monde, d’autres anciens chefs d’État ont vu leurs immunités levées, offrant des leçons pour la RDC. Au Soudan, Omar el-Béchir, renversé en 2019, a été poursuivi par la CPI pour génocide et crimes de guerre. Sa chute a précipité une transition chaotique, marquée par des luttes entre factions militaires. En Afrique du Sud, Jacob Zuma, accusé de corruption dans l’affaire des commissions Zondo, a été emprisonné en 2021 après avoir été poussé à la démission par son parti de l’époque, le Congrès national africain (ANC). Cette décision a renforcé l’état de droit, mais provoqué des émeutes meurtrières, révélant les divisions au sein de l’ANC.
En Côte d’Ivoire, Laurent Gbagbo, poursuivi par la CPI pour crimes contre l’humanité, a été acquitté en 2019, mais son procès a exacerbé les tensions internes et alimenté les critiques contre la justice internationale. Au Tchad, Hissène Habré, jugé par un tribunal spécial au Sénégal, est devenu un symbole de la justice africaine, bien que son impact local soit resté limité. En France, Nicolas Sarkozy, condamné pour corruption en 2021, illustre que même dans des démocraties établies, les anciens dirigeants peuvent être tenus responsables, sans pour autant déstabiliser les institutions. « Si cela a été possible ailleurs, pourquoi ne le serait-ce pas en RDC ? » interroge Clément Mbala, un militant pour les droits de l’homme à Kinshasa.
« Les exemples de la Côte d’Ivoire, du Tchad ou de la France montrent que même les anciens dirigeants peuvent être tenus responsables de leurs actes. La RDC ne doit pas craindre de s’engager dans cette voie, à condition que les preuves soient irréfutables. Au contraire, cela pourrait renforcer la crédibilité de notre système judiciaire et envoyer un message fort contre l’impunité. La déstabilisation n’est pas une fatalité si le processus est mené de manière transparente et équitable. »
Ces cas montrent que poursuivre un ancien chef d’État est un exercice d’équilibre. « La justice peut renforcer la légitimité d’un État, mais elle doit être perçue comme impartiale », observe Aïssatou Diallo, analyste à l’Institut d’études de sécurité de Pretoria.
Scénarios pour l’avenir : entre justice et stabilité
Plusieurs chemins s’offrent à la RDC dans l’affaire Kabila, chacun avec ses promesses et ses périls. Le premier scénario est le statu quo : le Sénat refuse de lever les immunités, par manque de consensus ou pour éviter de potentiels troubles. Cela préserverait une stabilité précaire, mais alimenterait les accusations d’impunité, sapant la confiance dans les institutions. « Ne rien faire, c’est aussi un choix politique », prévient Nadine Lema.
Un deuxième scénario verrait les immunités levées, suivies de poursuites pour corruption ou complicité avec des groupes armés. Si des preuves solides sont présentées, cela pourrait marquer un tournant pour l’État de droit. Mais les partisans de Kabila, influents dans certaines régions, pourraient riposter, exacerbant les tensions. « Une poursuite mal gérée sans suffisamment de preuves pourrait rallumer des conflits dormants », craint un diplomate à Kinshasa.
Un troisième scénario impliquerait une saisine de la CPI, notamment si des crimes internationaux sont établis. Cela contournerait les obstacles nationaux, mais nécessiterait une coopération internationale complexe. Enfin, un compromis politique pourrait émerger : des négociations permettant à Kabila de bénéficier d’une sortie honorable avec la récupération de ses biens visés par une saisine, peut-être en échange d’un engagement à ne pas soutenir des puissances étrangères derrière le M23. Ce scénario privilégierait la stabilité, mais au prix de concessions sur la justice, un choix controversé dans un pays où l’impunité reste un fléau.
Un tournant pour la RDC
La question des immunités de Joseph Kabila va au-delà d’un simple débat juridique : elle reflète les défis profonds auxquels la RDC est confrontée. Dans un pays marqué par des décennies de conflits, de corruption et de fragilité institutionnelle, chaque décision porte des répercussions majeures. Lever ses immunités pourrait constituer un précédent historique dans la lutte contre l’impunité, mais au risque d’exacerber des tensions latentes. Maintenir le statu quo, en revanche, pourrait apaiser les esprits à court terme, mais au prix d’une érosion de la confiance dans l’État et d’un sentiment d’impunité à certains niveaux, compromettant ainsi l’État de droit prôné par Tshisekedi.
Alors que la RDC navigue entre ces écueils, le sort de Kabila reste incertain. Comme le souligne Delly Sesanga, « ce n’est pas seulement l’avenir d’un homme qui est en jeu, mais celui d’un pays qui cherche encore sa voie ». Dans ce jeu d’équilibre, la prudence et la transparence seront essentielles pour que justice et paix, si souvent opposées, puissent enfin se rejoindre.
Heshima Magazine