Musicien, maître de cérémonie, auteur-compositeur et ingénieur du son, Ave le Roi fait partie des figures montantes de la musique congolaise. Ce bachelor de Cape Audio College, en Afrique du Sud, jongle quotidiennement entre créativité et précision technique. Son hit, « Pongi », en collaboration avec DJ YT & Master Virus, a fait fureur dans les boîtes de nuit mais aussi dans les plateformes de téléchargement en République démocratique du Congo (RDC) tant en Afrique du Sud qu’à l’international. Heshima Magazine retrace le portrait d’un monstre du son en herbe.
Né à Kinshasa, Avelin Pierre Okitondja Gaza – de son vrai nom – a vécu près de deux décennies en Afrique du Sud. Né de parents congolais passionnés de musique, cet artiste a appris à jouer précocement au mini-piano dès l’âge de 3 ans, avant d’intégrer rapidement une chorale. Au micro d’Heshima Magazine il déclare : « À 9 ans, je chantais dans la chorale de l’église. Ma famille, très musicale, m’a beaucoup inspiré. Ma mère était chanteuse, mon père guitariste, et ma cousine est une star du gospel. J’ai aussi été marqué par des icônes comme Michael Jackson. J’ai toujours su que la musique serait ma voie ».
Élevé dans la foi chrétienne, c’est dans cette pratique spirituelle qu’il trouvera l’inspiration pour son surnom. « Je me suis inspiré du verset d’Apocalypse 19 : 16, qui décrit Jésus comme le “Roi des rois”, symbole d’autorité et de puissance. Mon prénom, Avelin, m’a donné les trois premières lettres : AVE. En Afrique du Sud, où j’ai grandi, on m’appelait “Ave King”. De retour en RDC, un pays francophone, j’ai traduit cela en “Ave le Roi”, un nom qui reflète mon héritage et ma vision », explique l’artiste.
Doué dès son jeune âge, ce disciple d’Orphée savait capturer, manipuler et sublimer des sons qui égaient les publics sud-africains et congolais, mais également le reste du monde. Malgré ce coup de génie, Ave le Roi n’a jamais voulu se contenter de son talent naturel : « J’ai renforcé ce talent avec un bachelor [un cursus de formation d’enseignement supérieur après le baccalauréat], en ingénierie du son, au Cape Audio College, en Afrique du Sud. Cette formation m’a donné une maîtrise technique pour produire des projets de haute qualité et innover dans le domaine sonore. » Ce diplôme lui permet d’avoir à ce jour une vue globale en tant qu’ingénieur du son. Il précise : « Je suis un musicien complet. Je ne me limite ni au chant ni au rap. Je compose, j’écris, je produis, et je maîtrise l’ingénierie du son. Pour moi, la musique est un tout, et je m’exprime à travers toutes ses facettes, sans me limiter à un genre ou un style ».
Un retour aux sources très explosif en 2022
En 2022, Ave le Roi décide de prendre congé du pays de Nelson Mandela. Il quitte la ville de Cape Town pour retourner dans son Congo natal. Une année plus tard, il produit un single explosif avec deux autres artistes, DJ YT & Master Virus. Ce son, intitulé « Pongi » [sommeil en français], deviendra un hit dans la discographie congolaise en ligne mais aussi très dansé dans des fêtes en RDC et en Afrique du Sud. À l’international, plusieurs festivals utilisent l’instrumental de cette chanson et chorégraphie pour ambiancer la masse.
Le morceau cumule plus de 2 millions de vues en un an sur YouTube. Partagé dans les smartphones et les réseaux sociaux, ce son signera le retour tonitruant d’Ave le Roi à Kinshasa. Et depuis, le monde de la musique congolaise compose désormais avec ce jeune talent. « Je suis revenu en RDC pour me reconnecter avec mon public d’origine et collaborer avec des artistes locaux. Mon identité double, anglophone et francophone, me permet de toucher un public international, tout en restant attaché à mes fans sud-africains et congolais », explique Ave le Roi. Le 11 juin 2024, jour de son anniversaire, son hit a atteint 1 million de streams sur Spotify. Visiblement ému, il avoue : « Ce moment, suivi d’un million [de streams] sur d’autres plateformes, reste gravé dans ma mémoire comme une étape majeure de mon parcours ». Après plus de 10 ans de travail, ce succès était une bénédiction, selon lui. « J’ai veillé à rester discipliné pour ne pas me laisser emporter par la gloire », estimant que la percée de ce son l’a motivé à produire encore d’autres morceaux à l’avenir. Mais avant « Pongi », Ave le Roi avait enregistré, en 2018, son tout premier morceau intitulé « La vie est belle », en hommage à la légende de la musique congolaise, Papa Wemba.
Léguer des rythmes intemporels dans l’univers de la musique
Très polyvalent et sans frontières, Ave le Roi sait utiliser son talent. Il peut passer du gospel au reggaeton, de la rumba au hip-hop, tout en intégrant des influences afro et amapiano [un rythme né en Afrique du Sud]. « Mon ouverture culturelle et ma signature vocale unique me permettent de fusionner ces genres tout en restant cohérent et authentique ». Comme la majorité des artistes, Ave le Roi tire sa source d’inspiration dans son vécu quotidien. Parlant de sa vision, l’artiste déclare : « Mes émotions, mes observations du monde, mes rêves. Je veux créer une musique intemporelle, accessible à tous, des enfants aux aînés, et qui reste pertinente dans 10, 20 ou 50 ans. Mon objectif est de laisser un héritage musical empreint d’espoir et d’amour ».
Imposer son style dans le monde de la musique
Conscient de la place qu’occupe la Rumba congolaise dans l’univers musical du pays, Ave le Roi n’a pas froid aux yeux pour parler des défis qu’il a déjà relevés et ceux qui restent à surmonter : « Imposer mon style dans un nouvel environnement, comme Kinshasa, n’a pas été facile. Les gens sont souvent attachés à ce qu’ils connaissent. En tant que maître de cérémonie, j’ai innové en utilisant l’anglais dans un milieu majoritairement francophone, ce qui a d’abord surpris. Mais cela a fini par séduire le public. Ce défi m’a permis de créer une marque unique ».
Pour créer des morceaux qui électrisent le public, Ave le Roi s’appuie avant tout sur son inspiration personnelle : une émotion, un rythme, un murmure… « Je laisse mon intuition guider la mélodie, puis je structure l’idée en une chanson concrète. C’est un mélange d’instinct et de réflexion, avec une touche de spontanéité », démontrant des caractéristiques d’un musicien complet.
Son rôle de maître de cérémonie (MC) lui permet également de garder un œil sur son public et ce que les fans désirent réellement : « Être MC me connecte directement à mon public et aux DJs qui diffusent ma musique. Cela m’a appris à captiver mon public, à gérer l’ambiance et à communiquer avec aisance. Ces compétences renforcent ma présence scénique et ma relation avec mes fans ».
Ce rêve de côtoyer les grands de son univers
Après avoir fait ses preuves, Ave le Roi ne compte pas se limiter en si bon chemin. Il rêve de produire d’autres hits mondiaux. Surtout, il caresse l’ambition de collaborer avec des stars comme l’Américain Drake, le Nigérian Davido, les Congolais Fally Ipupa, Ferré Gola, Innos B et tant d’autres. Une fois sa playlist allongée, il compte également se produire dans des salles mythiques lors de tournées internationales. Mais un projet le tient à cœur : « À long terme, je souhaite fonder une académie d’ingénierie sonore pour former la jeunesse et transmettre ma passion. » Au niveau international, Ave le Roi a collaboré en 2020 avec J-Boy, un rappeur anglais. Il a aussi travaillé avec la danseuse belgo-congolaise, Jenny Bosenge, pour son clip de la chanson « Fin Cop ». À l’avenir, il espère travailler avec des géants comme Diamond Platnumz, Wizkid et pourquoi pas Rihanna. Tout dépend d’une « connexion artistique sincère », d’après lui.
Ce « roi » en herbe ne se contente pas uniquement de la musique. Il explore aussi d’autres univers comme la mode, le sport et le commerce : « Sur le plan académique, je vise un master, voire un doctorat en ingénierie sonore, pour continuer à évoluer professionnellement ». Sa capacité à intégrer quatre langues (français, anglais, lingala, swahili) dans ses chansons fait de lui un artiste rare dans l’industrie de la musique congolaise. Ses textes sincères, sa voix percutante, et ses choix d’instrumentaux laissent une empreinte durable dans ses chansons. En tant qu’ingénieur du son, il apporte une précision d’orfèvre et une créativité qui lui permettent de se démarquer des autres. À ce jour, ses sons traversent les continents. « Dans le cinéma, ma chanson “Posé” avec J-Boy est jouée dans la série sud-africaine ‘‘Blood and Water’’ sur Netflix, et “Fin Cop” accompagne un film congolais », s’est réjouis l’artiste.
Heshima Magazine