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Aménagement du territoire : la RDC veut planifier l’occupation de ses terres

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En République démocratique du Congo (RDC), l’aménagement du territoire fait face à de nombreux problèmes structurels, environnementaux et surtout législatifs. Ces difficultés entravent un développement équilibré du pays et limitent l’efficacité des politiques publiques. Le 30 mai 2025, une large majorité des députés à l’Assemblée nationale ont voté une loi sur l’aménagement du territoire, dotant ainsi la RDC d’un cadre légal pour organiser et planifier l’occupation de son vaste territoire.

Faire face aux défis liés à la croissance urbaine, à l’exode rural, planifier l’habitat des Congolais et prévenir des inondations et des zones à risque, voilà le sens de l’aménagement du territoire en RDC. Dans un pays de 2,345 millions de km², 145 territoires et 68 000 villages, l’aménagement ordonné du territoire est une nécessité absolue pour poursuivre le chemin vers le développement.

Avec une décentralisation consacrée par la Constitution, le pays était censé envisager de longue date une planification rigoureuse à tous les échelons. Au niveau national, provincial et local, la RDC devrait penser son modèle de développement pour éviter une urbanisation sauvage. Avant le vote de la nouvelle loi qui attend son toilettage au Sénat et ensuite sa promulgation par le président de la République, Félix Tshisekedi, le pays était toujours régi par la loi de décembre 2011 portant principes fondamentaux relatifs à l’aménagement du territoire. Cette loi encadre ce secteur mais comporte toujours des zones d’ombre notamment sur la conception d’une politique claire de l’aménagement du territoire national. « Dans un pays aux dimensions continentales comme la RDC, où les déséquilibres territoriaux freinent depuis longtemps le développement, l’absence de règles claires en matière d’aménagement avait des conséquences concrètes : urbanisation anarchique, inégalités dans l’accès aux services, conflits d’usage du sol, difficultés de coordination entre les niveaux de gouvernance », rappelle le ministère de l’Aménagement du territoire dans une dépêche publiée après l’adoption de cette loi à l’Assemblée nationale.

Cet instrument juridique établit des liens clairs entre les priorités de développement, les politiques sectorielles et les décisions d’affectation des zones, à tous les niveaux de gouvernance, d’après la source. Cette loi introduit aussi une corrélation forte entre les outils de planification spatiale et l’organisation territoriale du pays, tout en laissant une marge d’adaptation pour des contextes spécifiques. La loi renforce également la coordination intersectorielle, prend en compte les sauvegardes sociales pour protéger les intérêts vitaux des populations, et intègre des mécanismes de protection de l’environnement, comme l’évaluation environnementale stratégique ou les études d’impact.

En 2021, le ministre d’Etat à l’Aménagement du territoire, Guy Loando, avait lancé un programme dénommé « Repensons à nos villages, villes et territoires » (Revite). Ce projet vise notamment la vulgarisation des instruments de réforme de l’aménagement du territoire au pays. Il est aussi un appel au sens de la responsabilité nationale ainsi que la conscience patriotique de chaque Congolais résidant au pays ou à l’étranger pour penser le développement à partir de la base. « Nos villages se vident. Comment ramener les Congolais dans nos villages ? Notre identité, c’est dans nos villages », avait déclaré Guy Loando, ministre d’Etat à l’Aménagement du territoire.

Des villes non urbanisées, faute de plan à jour

Au-delà des villages, les défis de l’aménagement touchent aussi les villes. Le projet Revite visait aussi à relever les différents défis qui se résument essentiellement au manque d’infrastructures modernes et au standard de vie peu confortable pour tous les Congolais. En 2020, la RDC s’est dotée d’une Politique Nationale d’Aménagement du Territoire. Cette politique est élaborée de manière participative et vise à respecter les ressources naturelles, les droits des communautés locales et les besoins des populations autochtones. Dans les zones urbaines, le pays peine à contenir sa démographie galopante. Sans plan d’aménagement urbain à jour, des villes comme Kinshasa ou Lubumbashi versent dans une urbanisation sauvage avec des conflits fonciers qui ne cessent de croître. Pour faire face à ces problèmes, le gouvernement travaille depuis un temps sur un plan national de l’habitat et d’aménagement urbain, qui vise à réguler les opérations de lotissement, à favoriser la construction de logements sociaux et à promouvoir les initiatives de construction pour différents groupes socioprofessionnels.

Mais en attendant la validation d’un tel plan, Guy Loando anticipe une planification dans les nouvelles zones urbaines qui se créent à Kinshasa. Dans les quartiers Mitendi, Lutendele, N’djili Brasserie et d’autres qui bénéficient du passage des rocades asphaltées, le ministre d’Etat à l’Aménagement du territoire interdit l’achat des parcelles le long de ces rocades en attendant un plan d’aménagement de ces zones. Pour lui, ceux qui ont déjà acquis des terrains dans ces zones pourraient être expropriés si l’utilité publique se fait sentir dans certaines zones, comme des sites où sont prévus des hôpitaux, des aires de jeu ou des écoles publiques.

En 2024, le ministre de l’Urbanisme et habitat, Crispin Mbadu avait annoncé l’élaboration d’un plan particulier d’aménagement (PPA) pour prévenir les empiètements et garantir le respect des normes d’occupation des terres dans ces zones des rocades. « Nous avons réalisé des études concernant les emprises et les zones de recul », avait-il annoncé tout en soulignant que la loi exige un recul de 5 mètres pour les habitations et une emprise allant de 5 à 50 mètres, selon les besoins des infrastructures. Dans ce projet de rocades, les autorités ont décidé d’adopter une approche novatrice, en intégrant l’art et l’aménagement du territoire dans cette grande infrastructure.

Combattre les constructions anarchiques

Malgré les controverses autour de cette initiative, les autorités congolaises procèdent à démolition des constructions anarchiques dans la ville de Kinshasa. Ces opérations visent à répondre à l’urbanisation désordonnée de la capitale. Elle s’inscrit dans le cadre d’un assainissement urbain et d’une volonté politique de reprendre le contrôle sur l’aménagement du territoire. Des Congolais qui ont construit sur les lits de rivière sont sommés de quitter ces lieux. Sur la rivière Mapenza, dans le quartier Joli Parc, près de Mont-Fleuri, le bulldozer de l’Hôtel de ville a rasé plusieurs habitations, hôpitaux et commerces. Une autre mise en demeure pour les occupants anarchiques sur la Baie de Ngaliema traîne à être exécutée par les autorités. Ce qui crée une frustration chez les victimes de démolitions et relance la question de l’équité devant la loi dans cette ambition d’urbanisation équilibrée de la ville de Kinshasa et de la RDC dans son ensemble.

Heshima

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