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Impunité du Rwanda : Une garantie de répétition de ses crimes en RDC

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Impliqué dans plusieurs massacres dans l’Est de la République démocratique du Congo (RDC) depuis près de 30 ans, le Rwanda s’est toujours tiré d’affaire sans aucune sanction judiciaire. Alors qu’une enquête publiée par la chaîne américaine NBC News démontre la présence de 5000 soldats rwandais combattant aux côtés des rebelles du Mouvement du 23 mars (M23) à l’intérieur des frontières congolaises, Kigali est de nouveau en passe de sortir de ce conflit sans justice grâce aux négociations de Washington et de Doha, au Qatar. Cette situation tolérée par la communauté internationale fait craindre des accords de paix sans lendemain. Une « posture tolérée » que Kinshasa appelle à mettre fin définitivement.

Plus de 7 000 morts. Des centaines de personnes ont été violées. Des enfants ont été exécutés sommairement à Bukavu. Des camps de déplacés ont été rasés dans le Nord-Kivu et des centres-villes pillés. Des prisons ont été incendiées. Des entreprises ont fait faillite. Près de 5 millions de personnes déplacées de leur milieu naturel. C’est le bilan partiel des exactions de l’armée rwandaise et de ses supplétifs du M23 commises depuis la résurgence de ce mouvement dans l’Est de la RDC. Depuis janvier et février, les Forces de défense rwandaises (RDF) se sont emparées des villes de Goma et Bukavu, dans les provinces du Nord et Sud-Kivu, provoquant la mort de milliers de civils surtout lors du siège – fin janvier – de cette ville volcanique.

Dans le reportage diffusé la semaine dernière par NBC News, ce média américain a relayé plusieurs éléments, dont certains avaient déjà été épinglés, notamment par le journal britannique The Guardian. Mais l’enquête de NBC News a le mérite d’avoir croisé plusieurs sources y compris des militaires rwandais qui ont participé à cette discrète agression contre la RDC. Ce média table sur un examen de trois années de rapports confidentiels des services de renseignements et plusieurs heures d’images de drones et satellites, combiné à des entretiens avec des militaires congolais et rwandais, des responsables d’agences des Nations Unies, des travailleurs humanitaires, des diplomates et des résidents mais aussi des mercenaires occidentaux qui travaillaient pour le compte du gouvernement congolais. Toutes ces preuves et témoignages révèlent une opération « soigneusement dissimulée » et une guerre d’agression menée avec des matériels de haute technologie.

Kigali envoie plus de 5000 soldats sur le sol congolais

D’après NBC, ces éléments démontrent que le Rwanda a non seulement soutenu logistiquement le M23, mais il a également déployé plus de 5 000 soldats sur le sol congolais. Les images analysées par la chaîne révèlent la présence de bases rwandaises à l’intérieur de la RDC, utilisées pour armer, entraîner et commander les troupes du M23. « Nous avons découvert des preuves montrant que le Rwanda a armé, commandé et entraîné le M23 et engagé des milliers de ses propres soldats dans les combats », relate le reportage, estimant que cette « guerre clandestine » a permis au Rwanda de prendre le contrôle d’un territoire qui recèle des gisements de terres rares les plus riches au monde.

Des bases militaires rwandaises installées en RDC

Les preuves démontrent que le Rwanda a installé ses bases militaires très loin des frontières communes, soit près de 65 kilomètres à l’intérieur de la RDC. Cette base servait à impliquer directement ses militaires dans les combats. Toute une organisation a été développée par les militaires rwandais sur le sol congolais : réseau de tranchées, des mortiers guidés, des systèmes de défense aérienne blindés, des positions fortifiées ayant permis aux soldats rwandais de participer directement aux combats. En 2022, deux soldats rwandais – portant des écussons et tenues militaires du Rwanda – avaient été arrêtés par l’armée congolaise (FARDC) alors qu’ils participaient à une attaque des rebelles du M23 contre le camp de l’armée loyaliste à Rumangabo. Après cet incident, un rapport interne au sein de la hiérarchie militaire rwandaise avait recommandé une « punition » à l’encontre du commandant qui avait laissé ces militaires combattre avec des insignes de l’armée rwandaise. À partir de ce moment, Kigali avait décidé d’équiper ses militaires et les rebelles du M23 des uniformes et équipements identiques pour dissimuler leur présence.

Une récompense financière pour Kagame sans une justice

Un accord minier entre la RDC et les États-Unis est actuellement en négociation. Mais Washington a créé une trilogie en associant le Rwanda à ce deal minier. Les terres rares de la RDC, qui attirent la convoitise du monde, intéressent l’administration Trump. Mais le contrat tel que voulu par Washington, présente des avantages pour Kigali qui a déjà des infrastructures notamment pour le raffinage de certaines matières premières. D’après NBC, l’offre financière proposée par Washington au président Paul Kagame dans cet accord est intéressante. Kagame profiterait donc de cet investissement minier et « sortirait du conflit sans avoir à rendre des comptes pour sa guerre secrète », conclut ce reportage. Une impunité qui compromet toute garantie de non-répétition de la part du pouvoir rwandais par rapport à cette guerre qu’elle mène depuis près de 30 ans dans l’Est de la RDC.

Lors de la Deuxième guerre du Congo, Kigali n’avait toujours pas été sanctionné suite aux milliers de morts causées pendant la « guerre des six jours » qui avait eu lieu du 5 au 10 juin 2000. Ces affrontements avaient opposé l’armée ougandaise à celle du Rwanda à Kisangani, dans le nord-est de la RDC. Ces violences armées avaient causé environ 1 000 morts et au moins 3 000 blessés, dont la majorité étaient des civils. Jusqu’à ce jour, la justice internationale n’a jamais inquiété le Rwanda. Le pays prospère dans l’impunité et perpétue des actes de violences dans l’Est du Congo.

La CEEAC hausse le ton contre Kigali

Habitué à l’impunité, le Rwanda a été surpris, le 7 juin en Guinée Équatoriale, par la fermeté de la Communauté économique des États de l’Afrique centrale (CEEAC). Alors que le Rwanda s’attendait à prendre la présidence tournante de cette organisation régionale comme il est de coutume, les chefs d’État et de gouvernement ont décidé de reconduire à la tête de la CEEAC le président équato-guinéen sortant, Teodoro Obiang Nguema Mbasogo. Le Rwanda a vu sa candidature mise en suspens. Une décision qui a ulcéré le Rwanda, provocant son retrait de l’organisation. « Le Rwanda dénonce l’instrumentalisation de la CEEAC par la République démocratique du Congo, avec le soutien de certains États membres. En conséquence, le Rwanda ne voit aucune justification pour demeurer au sein d’une organisation dont le fonctionnement actuel va à l’encontre de ses propres principes fondateurs », peut-on lire dans le communiqué du ministère rwandais des Affaires étrangères.

Dans un post sur son compte X, le chef de la diplomatie rwandaise Olivier Nduhungirehe juge « incroyable et inacceptable » de constater qu’après une réunion « fructueuse » à Doha, au Qatar, le 18 mars 2025, entre le président Tshisekedi et le président Kagame ainsi que les pourparlers de Washington, la RDC continue toujours à appeler à des sanctions contre son pays. Comme si les accords de paix en cours de négociation effaçaient automatiquement les crimes commis par son pays en RDC. D’ailleurs, la réaction du ministère des Affaires étrangères congolais ne s’est pas faite attendre. Kinshasa a dénoncé une tendance inquiétante du Rwanda consistant à se « retirer d’un traité ou bloquer un processus dès qu’une exigence de responsabilité est évoquée ». La diplomatie congolaise fait allusion à l’exigence de « retrait immédiat » des troupes rwandaises du sol congolais exigé par les chefs d’État de la CEEAC. « Cette posture, tolérée trop longtemps, a mené à des accords sans redevabilité, donc sans durabilité. Participer à un processus de paix ne saurait signifier effacement du passé ni immunité pour des crimes graves », a recadré le ministère des Affaires étrangères de la RDC.

Heshima

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