La République démocratique du Congo (RDC), avec sa vaste étendue de 2,345 millions de km² et une population estimée à plus de 100 millions d’habitants en 2025, est un pays aux ressources naturelles immenses, notamment en termes de potentiel hydroélectrique, de ressources en eau et de minerais. Pourtant, l’accès à des infrastructures de base telles que les routes, l’électricité et l’eau reste un rêve pour une grande partie de la population. Pourquoi ces infrastructures sont si insuffisantes ? Tentative de réponse…
La RDC est souvent décrite comme un scandale géologique : un pays très riche en ressources, mais où les infrastructures de base manquent cruellement. Selon un rapport de la Banque mondiale publié en 2022, la RDC dispose du plus grand potentiel hydroélectrique d’Afrique, estimé à 100 000 MW, mais seulement 19% de la population a accès à l’électricité, un chiffre qui tombe à 1% en milieu rural. De même, bien que le pays soit traversé par le fleuve Congo et ses affluents, Actualite.cd rapporte en 2021 que seulement 30% des Congolais ont accès à l’eau potable. Ce déficit infrastructurel a des répercussions profondes sur le développement économique, l’accès aux services de base et la qualité de vie, notamment dans les zones rurales et conflictuelles.
Les routes : un réseau en piteux état
Le réseau routier de la RDC est l’un des moins développés du continent, reflétant des décennies de sous-investissement et de défis logistiques. Selon la Cellule Infrastructures, le réseau total comprend 153 209 km de routes, dont 58 509 km sont d’intérêt général, mais seulement 3 000 km sont asphaltés. Un rapport de 2010, cité dans une analyse de ResearchGate, indique que seulement 42% des routes non pavées sont en bon ou moyen état, avec un besoin annuel de 400 millions de dollars pour la maintenance, soit plus de 5% du PIB.
Les défis sont multiples. La taille immense du pays, combinée à une faible densité de population et à des forêts denses, complique la construction et l’entretien. Les coûts de fret routier, estimés à 15 cents par tonne-kilomètre contre 5 cents dans le sud de l’Afrique, alourdissent les échanges économiques. De plus, la corruption et la mauvaise gouvernance entravent les projets, avec des cartels de transport et des détournements de fonds signalés. Radio Okapi, dans une publication de 2013, a souligné les difficultés interprovinciales, où de nombreuses routes sont impraticables pendant la saison des pluies, isolant des régions entières.
L’électricité : un potentiel inexploité
L’accès à l’électricité est un autre domaine où la RDC accuse un retard significatif. Selon RFI, en 2019, seulement 8% de la population avait accès à l’électricité, un chiffre révisé à 19% dans des rapports plus récents comme celui du site du Trésor français. La capacité installée est de 2 677 MW, mais seulement 1 130 MW sont opérationnels en raison de problèmes de maintenance, comme indiqué dans une analyse de 2024. Le potentiel hydroélectrique, notamment via le projet Grand Inga, est estimé à 44 GW, mais seulement une fraction est développée, avec des coûts de production potentiellement bas (2 cents/kWh).
Les obstacles incluent le manque d’investissement, estimé à 749 millions de dollars par an pour atteindre les objectifs d’exportation, et les inefficacités de la société nationale d’électricité SNEL, avec 40% de pertes de distribution et 41,8% de taux de recouvrement des revenus, selon un rapport de ResearchGate. Les interruptions fréquentes, notamment dans la région de Katanga (19 par mois), forcent 40% des entreprises à utiliser des générateurs de secours. Le projet Grand Inga, bien que prometteur, est freiné par des problèmes de financement et de gouvernance, avec des retards signalés dans les études de faisabilité, comme mentionné par BBC News Afrique en janvier 2025.
L’eau : abondance et pénurie
Malgré ses ressources en eau abondantes, la RDC lutte pour fournir un accès équitable à l’eau potable. En 2021, seulement 30% de la population a accès à l’eau potable, un chiffre qui masque des disparités importantes entre zones urbaines (35% d’accès) et rurales (moins de 10%). Les défis incluent le manque d’infrastructures de distribution, avec 42% des actifs urbains nécessitant une réhabilitation, selon ResearchGate, et une dépendance croissante à l’eau de surface, qui augmente de 7,5% par an pour la population totale et 10% en milieu rural.
La société nationale REGIDESO souffre d’inefficacités, avec un taux de recouvrement des revenus de 70%, 41% de pertes de distribution et des coûts cachés représentant 202,3% des revenus, selon le même rapport. Les subventions régressives, où 90% des utilisateurs d’eau pipée appartiennent au quintile le plus riche, aggravent les inégalités. Dans les zones rurales, les habitants doivent souvent parcourir de longues distances pour trouver de l’eau, ce qui entraîne des problèmes de santé comme le choléra, exacerbés par la faiblesse des systèmes d’assainissement, comme le note la Banque mondiale en 2024.
Facteurs sous-jacents : pourquoi le progrès est lent ?
Plusieurs facteurs structurels expliquent ces déficits. Le manque de financement est crucial, avec des besoins annuels estimés à des milliards de dollars pour combler les lacunes, mais la RDC dépend fortement de l’aide internationale, comme le montrent les engagements de la Banque mondiale (7,55 milliards de dollars entre 2002 et 2017, dont 50% pour les infrastructures). L’instabilité politique et les conflits, notamment dans l’Est, perturbent les projets, avec des régions comme l’Ituri et les Kivus particulièrement affectées, selon le cadre de partenariat pays 2022-2026.
La corruption est un autre obstacle majeur. Un rapport de la Banque mondiale mentionne que 43% de la valeur des engagements sont à risque fiduciaire, avec environ 20 millions de dollars d’irrégularités depuis 2014. Les entreprises publiques, comme SNEL et REGIDESO, souffrent de mauvaise gestion, avec des pertes opérationnelles élevées et des tarifs sous-évalués, ce qui limite les investissements. Enfin, les défis géographiques, avec une densité de population faible et des forêts denses, compliquent la construction, nécessitant des infrastructures résilientes au climat, comme souligné dans le cadre GRID de la Banque mondiale.
Initiatives actuelles et perspectives d’avenir
Malgré ces défis, des initiatives sont en cours. Le projet Grand Inga, bien que retardé, vise à produire 11 GW avec un investissement de 14 milliards de dollars, soutenu par des études de faisabilité financées par la Banque africaine de développement (73 millions de dollars, selon Res4Africa en 2023). Pour les routes, des projets comme la réhabilitation de 1 500 km de routes pavées et 4 000 km de routes rurales sont prévus, avec un soutien de 750 millions de dollars via le projet de soutien à la connectivité et au transport, selon la Banque mondiale en 2022. Pour l’eau, des programmes comme ESSOR visent à installer des micro-centrales solaires pour améliorer l’accès, avec 33 sites ciblés et un financement de 87 millions de dollars.
Cependant, la réalisation de ces projets dépend de réformes de gouvernance et d’une réduction de la corruption. Le cadre de partenariat pays de la Banque mondiale pour 2022-2026 met l’accent sur le renforcement des systèmes pour améliorer l’accès aux services de base, protéger les forêts et soutenir la stabilisation, comme indiqué dans un communiqué de presse de février 2022. Des partenariats public-privé, soutenus par des bailleurs comme la Banque africaine de développement et le Fonds vert, offrent des opportunités, mais les progrès restent lents, avec des débats sur l’efficacité des fonds et la responsabilité des acteurs.
Regards croisés sur un chantier inachevé
En conclusion, les infrastructures en RDC restent un rêve pour beaucoup en raison d’un mélange de facteurs structurels et contextuels, notamment le manque de financement, la corruption, l’instabilité politique et les défis géographiques. Bien que des initiatives prometteuses soient en cours grâce à la détermination du régime de Félix Tshisekedi, leur succès dépendra de réformes profondes et d’un engagement soutenu des acteurs nationaux et internationaux. Il est clair que la RDC doit transformer ses richesses en opportunités concrètes pour améliorer la vie de ses citoyens, un défi qui nécessitera patience, transparence et coopération.
Heshima Magazine