Quand le 5 mars 2015, Joseph Kabila s’est hissé dans un tracteur pour fêter la première récolte, c’était censé être également un moment triomphant.
Au stade actuel, le parc est aux arrêts. En visite sur le site, en février de l’année en cours, le Ministre de l’Agriculture Joseph Antoine Kasonga a dressé un tableau sombre de la situation. Même constat pour le Premier ministre Sylvestre Ilunga. Le Chef du gouvernement a trouvé des tracteurs neufs jamais utilisés et dont les moteurs ont été retirés et montés sur des baleinières appartenant aux privés. Des tonnes d’engrais chimiques abandonnés ont été aussi retrouvées sur place. Ce sont 10.000 congolais qui ont raté une opportunité d’embauche. Au finish, ce sont à peu près 100 millions USD des deniers publics qui se sont volatilisés. Et cela au grand dam de l’opinion nationale et internationale.
Départ biaisé !
Un rapport publié par le groupe de surveillance basé aux Etats-Unis, l’Oakland institute, indique que le parc était défectueux depuis le début. Ledit rapport allègue que les agriculteurs des villages voisins ont été induits en erreur et dépossédés de leurs terres coutumières. « Vous ne pouvez pas aller de l’avant et développer l’idée que vous allez retirer des ressources de votre peuple à un investisseur étranger » a déclaré Frédéric Mousseau, auteur du rapport et directeur des politiques à l’Oakland institute.
En outre, dès le début, la gestion a été calamiteuse ponctuée par des arrangements financiers douteux à en croire le rapport d’audit divulgué par Ernst et Young commandé par le gouvernement congolais en 2015 par Mongabay. Plus de 100 millions USD des fonds publics dépensés dont plus de la moitié transféré directement à Africom Commodities. Des fonds non comptabilisés et des prix supérieurs à la normale facturés pour l’équipement et les services.
Le Ponce Pilate de Matata Ponyo !
Pointé du doigt ces derniers temps dans la débâcle du parc agroindustriel, le Premier Ministre honoraire Augustin Matata rejette en bloc toutes les accusations portées à son endroit. Pour ce technocrate, il ne peut répondre de quelque chose dont il n’avait pas la gestion. « Le contrat n’a pas été signé par la Primature.
Ce sont les ministères de l’Agriculture, des Finances, du Portefeuille et de l’Industrie représentés par leurs ministres de tutelle qui ont signé le contrat avec les responsables de l’Entreprise Africom Commodities » a-t-il argué tout en reconnaissant l’impulsion et l’appui solennels du Premier Ministre qu’il était. Le sénateur Matata s’est dit victime d’une campagne de sape savamment orchestrée par ses détracteurs pour faire croire à l’opinion qu’il a échoué.
« C’était un projet grandiose, ambitieux, louable et noble à la hauteur d’un pays aux dimensions continentales, aux potentialités énormes et à une population nombreuse. »
L’ancien Chef du gouvernement expose ses réalisations :
✔ stabilité du cadre macroéconomique ;
✔ création de Congo Airways (seule compagnie d’aviation de l’Etat, Transco qui tend vers sa disparition, l’initiative « Esprit de vie » qui n’est plus encadrée et la construction de près de 700 écoles en un temps record. Pour consolider son innocence, l’élu du Maniema a lui-même fait le pas vers les autorités. Ce dernier a saisi par écrit l’Inspection Générale des Finances (IGF).
Son souci est de voir la vérité éclater dans ce dossier et que les responsabilités des uns et des autres soient établies. Est-ce une fuite en avant de l’ancien Premier Ministre ? Quoi qu’il en soit, en sa qualité de Chef de Gouvernement, Matata avait un droit de regard sur l’ensemble de l’équipe gouvernementale. Qu’avait-il fait pour sauver le bateau qui commençait à chavirer ? En tout état de cause, il n’a qu’une faible marge de manoeuvre qui puisse le dédouaner. Matata devra répondre devant les instances en sa qualité de Chef de Gouvernement. Et le cas échéant les différents Ministres sectoriels impliqués dans le dossier. Selon Matata, l’Agriculture a toujours été classée comme un domaine de sécurité nationale. L’agriculture est subventionnée même aux Etats-Unis mettant l’Etat face à ses responsabilités.
Bukangalonzo s’inscrit dans un vaste projet de construction de 22 parcs agroindustriels de la RDC, couvrant une superficie de 15.000 kilomètres carrés. Le parc de Bukangalonzo est situé entre les provinces du Kwango et du Kwilu et s’étend sur deux territoires à savoir Kenge et Bagata pour une superficie d’environ 80.000 ha avec une population de 4.490 habitants.
Victime de la convoitise !
Les propos d’Augustin Matata sont très évocateurs sur la peur suscitée par ce projet : « Tous ceux qui étaient des acteurs principaux dans l’importation des produits alimentaires pour un chiffre d’affaires d’au moins un milliard de dollars par an, pensez-vous qu’ils devraient être contents de voir s’installer un tel projet dans ce pays ? Et le projet qui commençait à faire peur à certains pays voisins qui craignaient d’être envahis par les produits venant de la RDC.
La RDC devant la barre !
S’estimant lésé, Africom Commodities a saisi la Cour internationale d’arbitrage de Paris. La société sud-africaine réclame 20 millions de dollars à titre des dommages et intérêts.
Cette firme du pays de Nelson Mandela reproche à l’Etat congolais d’avoir cessé les paiements programmés pour le fonctionnement du parc. Pour rappel, le Gouvernement congolais avait arrêté le financement destiné au parc en décembre 2016. Ce qui coïncide avec La fin du gouvernement Matata.