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Etat de droit Agence de Prévention et de Lutte contre la Corruption : casting raté !

« La lutte contre l’impunité, contre la corruption et les antivaleurs constituent les éléments centraux de ma stratégie, sans lesquels tout réel espoir de changement est impossible. En soixante années, nous avons progressivement laissé notre classe politique se transformer en une sorte de mafia et nous en avons fait un modèle de réussite pour cette jeunesse.», déclarait le cinquième Président de la République Démocratique du Congo, Félix Tshisekedi dans son discours, à l’occasion du soixantième anniversaire de l’Indépendance de son pays. Cette déclaration se tient quelques jours après la condamnation à vingt ans de prison de Vital Kamerhe, le directeur de cabinet de Tshisekedi et surtout quelques mois après la mise en place de l’Agence de Prévention et de Lutte contre la Corruption (APLC). Cette dernière aux yeux de plus d’un Congolais, était censée donner le go de traque contre toute forme de corruption.

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Lorsqu’elle est créée par l’ordonnance présidentielle n°20/013 bis du 17 mars 2020, l’Agence de Prévention et de Lutte contre la Corruption (APLC), rattachée au cabinet du Président Félix Tshisekedi a vite été présentée comme l’instrument à même d’aider à asseoir l’Etat de droit en République Démocratique du Congo. En complicité avec l’Inspection Générale des Finances et la justice congolaise qui retrouve ses lettres de noblesse, tout portait à croire que désormais la corruption, le détournement des deniers publics et autres antivaleurs allant dans ce sens pourraient presque disparaître pour une meilleure distribution de ressources à la population. Akere Muna, un célèbre avocat camerounais réputé intègre était même choisi pour procéder à la formation des cadres congolais devant gérer au quotidien cette agence avec comme missions celles de détecter et décourager de façon plus efficace les transferts internationaux d’avoirs illicitement acquis et de garantir le respect des principes de bonne gestion des affaires et de biens publics, d’équité, de responsabilité et d’égalité devant la loi. La même ordonnance précisait que l’agence peut requérir l’assistance de toute personne, tout organisme ou service public, toute autorité, notamment judiciaire dont l’expertise est susceptible de faciliter sa mission.

A ce jour, le Parquet Général près la Cour d’Appel de Kinshasa/Gombe n’a pas encore dévoilé les conclusions de son enquête qui pourraient disculper ou pas les présumés coupables membres de l’APCL, et à supposer que cela ne soit fait, il est judicieux de noter que la citation de la Police de corruption dans une affaire de blanchiment d’argent et financement de terrorisme a non seulement des vertus de ternir l’image de toute l’agence, mais surtout de remettre en question sa capacité à endiguer cette gangrène qu’est la corruption. A ce jour, quel bilan faire de cette agence de prévention et de lutte contre la prévention ? 

Un corrompu chez les non-corrompus ?

Vendredi 18 décembre 2020, coup de tonnerre dans les locaux de l’APLC, le Parquet Général près la Cour d’Appel de Kinshasa/Gombe, suite à des sérieux soupçons de corruption liant l’agence à l’institution financière Access Bank, place Ghislain Kikangala en détention provisoire avant de le relaxer un jour plus tard. D’après le Parquet, le coordonnateur de l’APLC était convoqué pour besoins d’enquête dans l’affaire précitée ; cependant, même libéré du fait du principe de la présomption d’innocence, Ghislain Kikangala devra se rendre disponible pour la justice à chaque fois que le besoin se présentera.

En se posant la question de savoir ce que vient faire la structure censée traquer les corrompus dans une sale affaire où elle n’est pas accusatrice,mais sur le banc des accusés, le Parquet Général près la Cour d’Appel de Kinshasa/Gombe renseigne qu’il était sur les traces du directeur général d’Access Bank soupçonné de blanchiment de capitaux et du financement du terrorisme lorsqu’il est tombé sur une vidéo amateur : celle-ci montrait clairement deux directeurs des opérations de l’APLC percevant la coquette somme de 30 000 USD des mains du directeur général d’Acces Bank à titre de caution. Toujours sur la même vidéo, l’infortuné a pris soin de remettre son passeport à ces deux directeurs. Pour le Parquet, ces faits ne sont pas anodins, ils viennent conforter les allégations de corruption.

C’est plutôt dans le but de tirer au clair la relation existant entre l’APLC et le directeur général d’Access Bank que le coordonnateur de l’agence a été convoqué en qualité de renseignant. Deux faits accablants offrent à la justice congolaise un argument suffisant pour lancer sa machine en direction de l’agence sous tutelle de la Présidence de la République. Pour quelle raison des cadres hauts placés verseraient dans la corruption? Ne sont-ils pas assez bien payés ? Et pourtant, dépendre de la Présidence de la République suppose un traitement salarial à la hauteur de la mission, une situation qui épargnerait même les agents les moins gradés, très souvent exposés à la corruption. De là, que des hauts cadres de l’APCL soient clairement impliqués dans un dossier de corruption même sans en être condamnés, laisse à désirer sur le casting réalisé quant à la composition de cette structure sacrosainte.

Le célèbre Akere Muna qui, en 2018, avait par ailleurs été accusé par la Justice camerounaise de « faux et usage de faux », a-t-il réalisé le casting qu’il fallait pour doter la RD Congo d’un instrument qui serve réellement à son redressement économique et à la création d’une société des valeurs ? Une question qui reste pendante et sans la moindre supputation.

 Cependant, de la même manière qu’un homme de l’Eglise démissionnerait de ses fonctions ecclésiastiques et sacerdotales une fois accusé de viol, de pédophilie ou d’autres vices considérés comme péchés, il ne serait pas trop demander que d’assister à un coup de balai dans les vestibules de la fameuse Agence de Prévention et de Lutte contre la Corruption dont l’implication dans ce sale dossier d’Access Bank, vient non seulement jouer négativement sur l’image de l’institution Président de la République, mais vient surtout battre en brèche toute la crédibilité que la RDC a difficilement tenté de construire aux yeux de ses partenaires.

Le casting a assurément été biaisé et ne correspond pas au scénario écrit pour la nouvelle RDC tant attendue dans le concert des nations.

HESHIMA

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