Société

Le Couvre-feu, mesure aux multiples facettes

À l’instar des autres pays du monde tels que la France et l’Espagne, la République démocratique du Congo a depuis le 18 décembre 2020 instauré un couvre-feu à durée illimitée pour lutter contre la propagation du coronavirus. S’il est appelé couvre-feu sanitaire, cette interdiction décrétée par le Président Félix Tshisekedi d’aller et venir à partir de 21h à 05h du matin, est diversement interprétée dans les milieux des Congolais et des Kinois.

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En vue d’endiguer l’épidémie à coronavirus, le Président Félix-Antoine Tshisekedi a décrété le couvre-feu sur l’ensemble du territoire national en guise, entre autres, de mesure de lutte contre la deuxième vague du coronavirus. C’était au terme de la réunion du comité multisectoriel tenue le 15 décembre 2020, que cette décision était prise. Seulement, les sources non officielles ont fait circuler la rumeur selon laquelle la raison dudit couvre-feu est plutôt sécuritaire. À travers la capitale, les images diffusées sur les réseaux sociaux faisant état de certains « fous » arrêtés en possession, selon les cas, certains des armes à feu de petit calibre, d’autres des mobiles et d’importantes sommes d’argent, ont appuyé cette thèse. La crise politique liée à la rupture de la coalition Front Commun pour le Congo (FCC) et Cap pour le changement (CACH), aidant, les commentaires ont eu libre cours. Certaines vidéos déversées sur les réseaux sociaux auraient même parlé de l’infiltration de la capitale

Un coup porté contre la débrouillardise !

Du point de vue économique, de nombreux Kinois désapprouvent l’instauration du couvre-feu, non sans raison : plusieurs familles vivent grâce aux activités vespérales des marchés. C’est généralement à la tombée de la nuit que les bistrots et les bars commencent leurs activités. Dans de quartiers d’ambiance comme Bon-Marché, c’est particulièrement la nuit que les activités prennent de l’intensité. Le 25 décembre, malgré le refus des autorités d’assouplir les mesures, d’aucuns avaient continué à servir la boisson après 21 heures, bravant ainsi le couvre-feu. C’est seulement autour de 23H que les activités sur les avenues Mushie et Nyangwe ont pris fin, avec l’intervention de la Police Nationale Congolaise (PNC). Parmi les mécontents, il y a aussi les nuiteuses dont le boulot se fait chaque jour à des heures tardives. De l’avis des Kinois, les autorités auraient dû repousser le début du couvre-feu à 23H.

Le dérapage des agents de l’ordre!

 Que ce soit à Kinshasa ou dans l’arrière-pays, on a déploré le dérapage du côté de la police. Les autorités policières disent que les personnes interpelées sont conduites au commissariat où elles ne paient rien. Dans certains coins du pays, cependant, de policiers se sont permis d’arrêter les gens avant 21 heures ou d’accepter de l’argent leur proposé par des citoyens qui refusent de subir la sanction de garde à vue jusqu’à 5h00’. À Matadi, le maire de la ville, Pathy Nzuzi, a dénoncé le monnayage de passage dans les barrières érigées pour le respect du couvre-feu. Au rond-point Belvédère, dans la commune de Mvuzi, camouflé dans un taxi de marque Toyota IST, il a vécu le fait lorsqu’un policier a demandé aux passagers ainsi qu’au conducteur dudit taxi de négocier le passage de la barrière moyennant 2 000 francs. Dans la capitale, certaines ont eu à payer jusqu’à 10 dollars avant d’être autorisés de poursuivre leur chemin. Dans la province de Kwilu, la population a dénoncé des tracasseries policières.

À Beni, au Nord Kivu, le maire intérimaire de la ville, Modeste Bakwanamaha, a demandé à la population d’aider la police à ne pas travailler après 21 heures, parce que quiconque sera en train de prester après cette heure-là, paiera des amendes. « Les gens qui sont dans les terrasses et bars doivent fermer avant 21 heures. Si on vous trouve en train de prester au-delà de ces heures, on va vous arrêter, comme c’est la police, naturellement vous payerez des amendes », a-t-il dit. Toutefois, il estime qu’il n’est pas sage d’exiger des amendes pour une question qui est claire comme le respect des mesures édictées par le Chef de l’Etat. Pour sa part, le général Sylvano Kasongo a promis de ne tolérer aucun dérapage des forces de l’ordre qui s’en prendront à la population. « Si quelqu’un se comporte mal, la loi est là et il sera puni sévèrement », a-t-il indiqué.

L’opportunité du couvre-feu !

Le retour en force de la Covid-19 où sa deuxième vague nécessite la consolidation des mesures de lutte, surtout dans la ville province de Kinshasa où a été détecté les trois quarts de cas de covid-19 de toute la République. Si le couvre-feu est décrété dans le but de réduire la circulation des gens, comme l’a dit Jean-Marie Kayembe, chef de la prise en charge médicale au sein du comité de riposte, certaines personnes se posent la question de savoir si c’est seulement la nuit que se transmet la pandémie. En France, il y a un grand débat autour dudit couvre-feu. L’Etat français l’a décrété alors que le terme est absent du code juridique. L’avocat au Barreau de Paris, Thierry Vallat, affirme que : « Couvre-feu n’est pas un terme juridique, on parle simplement d’interdiction d’aller et venir pour certaines personnes à certaines heures ». Selon Catherine Hill, épidémiologiste et ancienne responsable de service à l’Institut Gustave Roussy, que Le Figaro a interrogée, un couvre-feu ne résoudrait pas le problème: « Confinement et couvre-feu, c’est pareil. C’est comme lorsque vous avez de la viande en train de pourrir, que vous la mettez au frigo, puis vous la ressortez ». Selon les responsables de la police, en RDC, c’est depuis plus de 20 ans que l’on n’a pas connu de couvre-feu à Kinshasa. Le couvre-feu sanitaire est instauré à une période où, chaque année, le transport en commun est très difficile, en plus du fait qu’il est déclaré trois mois après la levée du confinement dont les conséquences sont encore présentes. En réalité, il est venu aggraver la situation sociale de la population : bousculades dans des supérettes, grand regroupement d’individus dans des arrêts de bus, embouteillages, difficultés de trouver un moyen de transport…

Au-delà du couvre-feu, les autres mesures que sont la fermeture anticipée des écoles pour les vacances de Noël, l’interdiction d’organiser des cérémonies avant la levée des dépouilles mortelles pour le cimetière, et l’interdiction de rassemblement de plus de 10 personnes, ont été bien pensées. Tel est aussi le cas de la stricte application des gestes barrières dont le port de masques, le respect de la distanciation sociale, le lavage régulier des mains et la prise de température.

Hubert MWIPATA

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