Histoire

Belgique :quid du rapport accablant sur le passé colonial déposé au Parlement belge ?

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Le Congo-Kinshasa, l’un des trois pays des Grands lacs africains concernés par une histoire douloureuse qui a contribué à l’enrichissement de la Belgique et de nombreuses familles belges, de 1885 à 1960, est au cœur de grandes préoccupations. Les documents longtemps classifiés sur le passé colonial belge ont désormais été portés au grand jour. L’histoire de l’ancienne puissance coloniale, faite de grandes souffrances pour le  peuple congolais, est méconnue et polémique. Elle est pourtant indissociable de ce qu’est la RD Congo aujourd’hui. Excuses du Roi Philippe pour les «blessures» infligées par la colonisation, création d’une Commission vérité et réconciliation, restitution d’une dent attribuée au leader congolais Patrice Lumumba, la Belgique se penche sur son passé colonial au Congo et les violences commises pendant la colonisation.


Le Parlement belge a mis sur pied une Commission spéciale chargée d’examiner l’État indépendant du Congo et le passé colonial de la Belgique au Congo, au Rwanda et au Burundi, ses conséquences et les suites qu’il convient d’y réserver. Dix experts ont reçu mandat de ladite Commission de préparer un rapport qui devra leur servir de base de travail aux parlementaires de la Chambre des représentants. Remis le 27 octobre 2021 au Parlement, le document fait de plus de 600 pages dresse un bilan sans concession de l’entreprise coloniale, bien loin du mythe de l’“œuvre civilisatrice”.

Ces experts avaient reçu pour mission, il y a un an et demi, de réfléchir aux voies de (ré) conciliation de la Belgique avec son histoire coloniale.

La publication de leur rapport, première étape de l’action «vérité et réconciliation», s’inscrit dans le cadre de la commission spéciale de la Chambre, laquelle avait été mise en place en 2020 après la mort de l’Afro-Américain George Floyd aux États-Unis.

En Belgique, plusieurs statues du roi Léopold II avaient à l’époque fait l’objet d’actes de vandalisme en réaction à cet évènement.

Réparations

La question des réparations est la plus sensible de tout ce processus. Le rapport estime notamment que des compensations financières pourraient être accordées aux victimes de méfaits coloniaux en Belgique, au Congo, au Rwanda et au Burundi.

Les experts appellent ainsi la Belgique à lancer une procédure d’octroi de réparations aux afro-descendants, avec le remboursement de certains soins médicaux et thérapeutiques, sans toutefois en préciser les montants.

Si cette recommandation de réparations est suivie d’effet, il est vraisemblable que certaines entreprises qui se sont enrichies dans les colonies seront appelées à amener une contribution. L’économie coloniale, basée sur l’exploitation du caoutchouc, des minerais, du coton, de l’huile de palme et de l’ivoire, a permis de bâtir des fortunes en Belgique, alors que les Congolais souffraient de travail forcé, de pauvreté et de faim. Le rapport pointe ainsi le rôle de plusieurs entreprises dans l’ancienne colonie.

S’il est un jour véritablement question de réparations, il est probable que l’on s’intéresse notamment à certaines anciennes entreprises coloniales comme l’Union minière, la compagnie maritime CMB, le producteur de coton Texaf, ou encore certaines entreprises ayant eu des racines coloniales.

Un rapport épais, mais peu directif

Reste à savoir si ce rapport aidera les parlementaires dans la difficile tâche qui les attend. En réalité, cet épais document avance surtout des recommandations vagues. Ainsi, il préconise un plan global contre le racisme et les discriminations, mais aussi un enseignement plus éclairant sur le passé colonial de la Belgique et une réflexion sur la décolonisation dans la présentation des œuvres dans les musées. Rien de bien neuf.

Années noires et ombres grises

 L’idée d’une journée nationale de commémoration pour les victimes de la colonisation avancée par le rapport est par contre originale et serait d’ailleurs unique au monde. Le document plaide d’ailleurs aussi pour des quotas de recrutement de personnes d’origine africaine dans les services publics et sur les listes électorales.

Après 680 pages, la conclusion générale du rapport semble toutefois légère. Les experts, venus d’horizons divers, recommandent de «prendre le temps d’un processus transparent et inclusif «. Ce processus est d’ailleurs assimilé à une lente «marche en montagne». En d’autres termes: un voyage épuisant attend la Commission parlementaire spéciale.

Les routes et autres infrastructures n’ont pas servi à développer les colonies, mais à permettre l’exploitation des ressources pour leur exportation vers la Belgique. Des pillages des débuts de la colonisation au XIXe siècle jusqu’à l’agriculture ou les mines 80 ans plus tard, il n’est question de mise en valeur du territoire qu’au profit de la métropole.

Par contre, plusieurs décennies après l’indépendance du Congo – qui fut Congo belge, puis Zaïre et enfin République démocratique du Congo –, c’est peu dire que les Belges connaissent mal cette part déterminante de leur histoire qu’a été la colonisation.

Et pourtant, il n’y a qu’à arpenter Bruxelles pour constater l’omniprésence de ce passé. Les “grands hommes” de l’aventure coloniale sont partout, des noms de rues ou de places jusqu’aux statues du désormais très polémique roi Léopold II. Et puis il y a les monuments – les imposantes arcades du Cinquantenaire, les somptueuses serres du palais de Laeken, sans oublier “le ‘palais des Colonies’, devenu le musée royal de l’Afrique centrale” –, qui “témoignent d’une richesse dont on a oublié l’origine, comme ces vieilles maisons de famille mille fois rénovées par les générations qui s’y sont succédé en oubliant l’ancêtre fondateur».

 Raymond Befonda

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