Politique

Exclusif – Eddy Kapend : « M’zee voulait que Joseph prenne le pouvoir après lui »

Bien qu’encore silencieux sur des matières politiques depuis sa libération par grâce présidentielle il y a un an, l’ancien aide du camp de Laurent-Désiré Kabila ne s’était pas empêché, depuis sa cellule, de relater les péripéties ayant conduit Joseph Kabila au pouvoir. Retour sur un entretien inédit réalisé en 2017.

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Dimanche 7 mai 2017, Eddy Kapend doit recevoir une visite. Le soleil est de plomb ! Sous un grand parasol placé aux confins du couloir d’un pavillon pénitencier de Makala, des visiteurs attendent « mon colonel » qui est toujours dans sa cellule avec un autre invité. Mais en attendant, c’est un autre colonel – Daniel Mukalay, lui aussi condamné à mort pour assassinat de Floribert Chebeya – qui tient compagnie aux visiteurs.

Quelques minutes après, l’homme apparait. Bâton de commandement dans sa main droite, tête coiffée d’un képi militaire et manches de sa chemise retroussées, Eddy Kapend avance sereinement vers le grand parasol où s’abritaient ses nouveaux invités. Celui qui est encore condamné à mort pour assassinat de l’ex-président Laurent-Désiré Kabila a accordé un entretien inédit qu’Heshima Magazine décide de publier en exclusivité.

L’un des prisonniers emblématiques du pays, Eddy Kapend va installer ses invités dans sa cellule de 2 pièces dont celle qui sert de salon mesurait près de 3 m². Et pendant plus de 2 heures, l’ancien aide du camp va relater les périphéries de l’assassinat du président de la République de l’époque mais surtout la manière dont la succession a été faite. Il a retracé comment il avait pu prendre le courage d’annoncer la mort de M’zee Laurent-Désiré Kabila et de fermer les frontières aériennes et terrestres du pays.

A la question de savoir pourquoi il n’a pas carrément pris ce pouvoir qu’il détenait déjà de facto, l’homme répond : « M’zee se sentait menacé. Et il nous avait dit devant témoins que s’il m’arrivait quelque chose, que le plus jeune d’entre vous prenne le pouvoir. Et que nous devons l’encadrer. », explique Eddy Kapend, avant de dire clairement que M’zee voulait que Joseph prenne le pouvoir après lui. Une succession qui, selon lui, n’était pas hasardeuse. Il dit avoir organisé une réunion au cours de laquelle il a annoncé le nom de Joseph Kabila. « Un parmi nous voulait contester, je lui ai demandé de sortir de la salle. Mais il ne l’avait pas fait  », révèle-t-il.         

Eddy Kapend Irung avait-il craint de pouvoir exercer l’impérium qu’il détenait déjà de peur qu’on lui attribue l’assassinat de M’zee ? Non, répond-t-il, estimant avoir fait la volonté de M’zee lui-même. Son seul regret, disait-il, c’est de voir Joseph Kabila dévier la vision politique de Laurent-Désiré Kabila. « Ce qu’il a fait du pays, ce n’était pas notre vision », regrette-t-il. 

En dépit du respect à la volonté du défunt avec qui il avait d’ailleurs des liens de parenté très prononcés, Kapend n’a pas échappé à l’inculpation. L’ancien aide du camp de Laurent-Désiré Kabila et ses coaccusés avaient été condamnés, le 7 janvier 2003, pour « attentat, tentative de coup d’État, complot, association de malfaiteurs, disparition d’armes de guerre, abandon de poste, trahison ». Il ne cessera de clamer son innocence tout au long de ses vingt ans d’incarcération dans cette cellule de la prison de Makala, à Kinshasa.

Ce n’est pas lui ni les autres coaccusés qui avaient ouvert le feu sur le président Laurent-Désiré Kabila. Plusieurs témoignages convergent vers un garde du corps de M’zee, Rachidi Kasereka, qui a tiré à bout portant sur le troisième président congolais. Ce dernier se trouvait dans son bureau du Palais de marbre, le 16 janvier 2001, dans les hauteurs du quartier Binza Ma campagne. Et Rachidi Kasereka avait été à son tour tué. Ce qui laisse une part de mystère dans cet assassinat. Difficile de connaitre, pour l’instant, les vrais commanditaires.  

Le procès avait vu comparaître 135 « assassins présumés » et la peine capitale avait été requise contre 115 d’entre eux. Mais personne n’a été exécuté ! L’ancien conseiller spécial en charge de la sécurité de feu président Laurent -Désiré Kabila, Constantin Nono Lutula, lui aussi, condamné à mort et gracié par Félix Tshisekedi, affirmait après sa libération que l’ancien président de la République, Joseph Kabila, s’était opposé à ce qu’ils soient exécutés. « Je lui reconnais ça. La décision lui revenait à lui seul. », avait-il dit.

Aujourd’hui, Eddy Kapend savoure l’air de liberté. Le 8 janvier dernier, il est allé célébrer l’an 1 de sa libération au mausolée d’Etienne Tshisekedi, dans la périphérie Est de la ville de Kinshasa, dans la commune de la N’sele. « C’est un jour de victoire, jour de ma résurrection. Après plusieurs années de persécution injuste », a-t-il déclaré près de la tombe de celui dont le fils lui a accordé la grâce présidentielle.

Heshima

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