Nation

Kabila, enferré !

Depuis 1960, année de son indépendance, la République Démocratique du Congo a connu cinq Chefs d’Etat, chacun d’eux présentant une particularité. Joseph Kasavubu, un excellent gestionnaire ; Joseph Mobutu, l’unificateur du Congo, Laurent-Désiré Kabila, l’homme qui a insufflé le vent de nationalisme, Joseph Kabila, considéré comme celui qui a permis la première alternance politique et pacifique et Félix Tshisekedi actuellement au pouvoir avec des réformes majeures comme l’état de droit et la gratuité de l’enseignement primaire. Quatrième président de la République Démocratique du Congo, Joseph Kabila restera sans nul doute dans les annales de l’histoire politique du Congo non seulement du fait de sa longévité au sommet de l’Etat après Mobutu, mais aussi et surtout à cause de sa manière de gérer, de procéder, de faire.

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C’est à l’âge de 29 ans que Joseph Kabila, arrivé quatre ans plus tôt à Kinshasa avec les rebelles de l’Alliance des forces démocratiques pour la libération (AFDL) tombeurs de Mobutu, accède au pouvoir comme Président de la République, succédant à son père Laurent-Désiré Kabila assassiné dans son bureau du Palais de Marbre. Imprévisible et fin stratège, Kabila a passé près de dix-huit ans à la tête de la Rdc. Un bail caractérisé par une étonnante fragilisation des adversaires politiques même les plus intraitables autrefois.

Sur le terrain des élections démocratiques qu’il a organisées à trois reprises (2006, 2011, 2018) comme par des stratégies dont il est le seul à en maîtriser les secrets, Joseph Kabila a réussi, tour à tour, à neutraliser l’opposition et diriger seul toutes les institutions du pays. Et même lorsqu’en 2016 son deuxième et dernier mandat expire, il a su trouver des ressources pour glisser et jouir encore quelques instants du pouvoir. A ce jour où, au terme d’une coalition qui n’a pas marché avec Félix Tshisekedi, son successeur, Joseph Kabila dont la majorité dans les différentes

institutions du pays n’a finalement pas su barrer la route à la politique de Tshisekedi, connaît un tournant de sa vie avec un avenir jusqu’ici trouble. Heshima Magazine entre dans les méandres de l’histoire pour retracer le parcours politique de Joseph Kabila en mettant un accent particulier sur sa force de frappe.

D’abord, les anciens rebelles

Il débauche au sein du MLC, RCD et autres. Il se rapproche de plusieurs bras droits de ses anciens ennemis. Olivier Kamitatu, Lambert  Mende, Alexis Thambwe Mwamba, Kin Nkiey Mulumba… qui étaient dans les rébellions, sont devenus très vite les alliés de Joseph Kabila. Ce qui affaiblit davantage ses adversaires.

Etant Commandant Suprême des forces armées de la RDC, Joseph s’offre stratégiquement l’allégeance de tous les anciens Officiers des anciens Mouvements rebelles. Si avec le RCD, Kabila avale tous ses animateurs congolais, avec les autres partis et mouvements politiques, il a réussi à démonétiser leurs leaders. Sa stratégie, les présenter à l’opinion, comme des gens tournés vers les intérêts immédiats. Comme toute personne qui a vécu dans les pays orientaux de l’Afrique, Joseph Kabila sait comment séduire et se servir d’un ex-Zaïrois. Il semble aussi connaitre les faiblesses de l’exZaïrois : la bière, la femme et l’ambiance. Ce sont ces astuces dont il s’est servi pour abattre tous ses adversaires. Il semble savoir qu’avec un peu d’honneurs : jeep, hautes fonctions, gardes du corps, l’homme politique zaïrois est capable de vendre son pays, voire ses reins. Sur ce plan, Joseph Kabila a travaillé pour fragiliser l’opposition politique. De grands mouvements et partis politiques ont été étouffés et n’existent plus aujourd’hui que de noms. De grandes idoles ou de grands mythes de la poliitiques, il a réussi à démonétiser leurs leaders. Sa stratégie, les présenter à l’opinion, comme des gens tournés vers les intérêts immédiats. Comme toute personne qui a vécu dans les pays orientaux de l’Afrique, Joseph Kabila sait comment séduire et se servir d’un ex-Zaïrois. Il semble aussi connaitre les faiblesses de l’exZaïrois : la bière, la femme et l’ambiance. Ce sont ces astuces dont il s’est servi pour abattre tous ses adversaires. Il semble savoir qu’avec un peu d’honneurs : jeep, hautes fonctions, gardes du corps, l’homme politique zaïrois est capable de vendre son pays, voire ses reins. Sur ce plan, Joseph Kabila a travaillé pour fragiliser l’opposition politique. De grands mouvements et partis politiques ont été étouffés et n’existent plus aujourd’hui que de noms. De grandes idoles ou de grands mythes de la politique congolaise ont été réduits en cendres. En grand félin, Joseph Kabila n’attaque pas en face. Il court doucement derrière ses adversaires, les embrasse par la suite, avant de les étrangler et les laisser à terre.

Jean Pierre Bemba Gombo 

Sentant que Jean-Pierre Bemba était son farouche adversaire durant la transition, le stratège Joseph Kabila s’est consacré à le détruire de l’intérieur. Joseph Kabila s’est consacré à faire du MLC son lit toutes les fois que son pouvoir ballotait. Il a débauché tous les grands de cet ancien mouvement armé. D’abord, il vide le MLC de toutes les têtes grises et les cerveaux qui ont beaucoup travaillé à consolider cet ancien mouvement rebelle. Tous deviennent ses alliés : Olivier Kamitatu, François Muamba, José Edundo, Thomas Luhaka, Yves Kisombe, Adam Bombole, Germain Kambinga … sont tous devenus les alliés de Kabila. Avant cela, le triangle Kinshasa – Bangui – Haye est établi. Joseph Kabila réussit à s’éloigner d’un ennemi très redoutable. JeanPierre Bemba est arrêté et détenu par la Cour Pénale Internationale. Et ce, durant tous les deux mandats de Joseph Kabila. Il n’est libéré et acquitté qu’après épuisement de ses deux mandats constitutionnels avec une écharde qui ne peut lui permettre de postuler à n’importe quel niveau suite à sa condamnation pour subornation des témoins.

Jean pierre Bemba Gombo président du MLC

PALU et Antoine Gizenga

Après la Transition, Joseph Kabila a constaté que deux espaces linguistiques lui sont hostiles, outre les deux Kasaï pour des raisons évidentes. Il s’agit des Bangala et des Bakongo. Deux leaders représentent ces espaces : Antoine Gizenga et Nzanga Mobutu. Après le premier tour du scrutin présidentiel de 2006, Joseph Kabila se rapproche de ses deux opposants. Ils forment ensemble l’Alliance pour la Majorité Présidentielle. Antoine Gizenga est nommé Premier Ministre ; tandis que Nzanga Mobutu est Vice-premier ministre d’abord chargé de l’agriculture, puis du Travail, emploi et prévoyance sociale. Kabila réussit ainsi à déboulonner deux b a o b a b s . Nzanga est terrassé ; tandis que Gizenga est démystifié. Le « dieu » de Gungu est poussé à la honte nationale lorsqu’il lui est demandé de démissionner suite au poids de l’âge qui le faisait endormir au Bureau. Il est remplacé par Adolphe Muzito présenté comme son neveu. Le PALU devient automatiquement un parti clanique. Les hautes charges revenant à ce parti sont confiées essentiellement aux proches parents biologiques d’Antoine Gizenga. Kabila fait ainsi un grand coup.

Antoine Gizenga Fundji leader du Palu de 1964 à 2019

Surtout lorsque nommé au Ministère du Budget, puis Premier Ministre, le neveu d’Antoine Gizenga, Adolphe Muzito s’offre une course à l’enrichissement rapide et vertigineux. A sa sortie du gouvernement, c’est un autre Kabiliste, en la personne de GECOCO MULUMBA, alors Député provincial PPRD qui est chargé d’étaler cette richesse de l’ancien Premier Ministre sur la place publique. Kabila emprisonne ainsi le PALU qui ne fera plus opposition contre lui.

Nzanga Mobutu

La famille de l’ancien dictateur est aussi réduite en cendres par Joseph Kabila avec la nomination de Nzanga Mobutu au poste de Vice-premier Ministre. Il est Vice-premier Ministre sans portefeuille précis. Cela rappelle l’époque où il a été nommé Ministre d’État en charge des Besoins Sociaux de base. Creux ou sans contenu. Peu à peu, Nzanga a été pressé tel un citron vidé de sa substance jusqu’à être éjecté du Gouvernement par révocation. Et l’histoire de l’UDEMO, Union des Démocrates Mobutistes s’arrêta net là. 

Nzanga Mobutu

 Les autres Vital Kamerhe, Joseph Olenga Nkoy, Delly Sesanga, José Makila, Steve Mbikayi, Emery Okundji, Jean-Lucien Bussa, Basile Olongo, Clément Kanku, Ingele Ifoto, Justin Bitakwira,… ont été engloutis par Joseph Kabila. Tous ont été balayés. D’abord, avec les concertations nationales, puis avec le Dialogue de la Cité de l’OUA et enfin avec le Dialogue du Centre Interdiocésain. Kabila a réussi à tout arranger pour lui et rien contre lui. Et l’UDPS Après avoir mis tout à son compte et pour son compte, il ne restait que l’UDPS avec le Sphinx de Limete. Kabila envisage comment détruire le mythe. Toutes les tentatives échouent. Il a failli réussir en infiltrant la famille du Sphinx par les pourparlers de Venise et d’Ibiza. Interrompus, ces pourparlers seront poursuivis dans le cadre des préparatifs du dialogue de la Cité de l’Union Africaine. L’UDPS boycotte ce dialogue.

 Vital Kamerhe le sanctifie en y participant avec Samy Badibanga comme Chef de la délégation de l’opposition. Alors qu’il attendait être remercié comme Premier Ministre, Vital Kamerhe est surpris par la nomination de Samy Badibanga. Il refuse de participer dans ce Gouvernement et y laisse ses poulains. C’était une manière de démonétiser l’UDPS Samy Badibanga. Après lui, c’est le dialogue du Centre Interdiocésain. 

Celui-ci aussi vise toujours la fragilisation de l’UDPS. Raison du recrutement de l’ancien détenu Bruno Tshibala Nzenzhe. C’est avec lui que les élections ont étéorganisées en décembre 2018. Coalition FCC-CACH, un nouveau départ qui n’est jamais parti ! De toutes les alliances qu’a conclues Joseph Kabila, l’histoire retiendra assurément celle issue des élections Présidentielle et législatives de décembre 2018. Son Front Commun pour le Congo (FCC) remporte haut la main les législatives avec près de 338 sièges alors le Cap pour le Changement (CACH) que conduit le tandem Félix-Antoine Tshisekedi et Vital Kamerhe, gagne à la Présidentielle, faisant du fils d’Etienne Tshisekedi, le cinquième président de la RDC. Une situation que n’avait jamais vécue le Congo auparavant et qui poussera les deux camps à lever l’option d’une gestion collégiale de la RDC. Une première. Hélas, ce qui paraissait comme un bel exemple de démocratie en Afrique va vite tourner au vinaigre. Les amours entre Félix Tshisekedi et Joseph Kabila seront un véritable capernaüm. On note parmi les faits qui ont exacerbé la crise : la destitution de Jean-Marc Kabund, président a.i. de l’UDPS au poste de Premier Vice-président de l’Assemblée nationale par le FCC avec le soutien de certains députés Lamuka, la démission du Vice-Premier Ministre de la Justice, membre du FCC, Célestin Tunda ya Kasende, l’affaire du contreseing concernant les nominations du Président Félix Tshisekedi dans l’armée et la justice. La goutte d’eau qui aura débordé le vase est relative au boycott des caciques du FCC parmi lesquels Jeanine Mabunda et Alexis Thambwe Mwamba, alors respectivement Présidente de l’Assemblée et Président du Sénat, à l’invitation du Président Tshisekedi de prendre part à la cérémonie de prestation de serment de trois juges de la Cour Constitutionnelle.

 Le 06 décembre 2020, alors qu’il publie les conclusions des consultations qu’il avait initiées, le Président congolais annonce avec pompe la fin de sa coalition avec le FCC de Joseph Kabila. Une décision ayant fait l’effet d’une bombe avec toutes les implications éventuelles dont la nomination d’un informateur qui doit définir une nouvelle majorité au sein de l’Assemblée nationale, car celle existante, s’est effritée. Même si les poulains de Joseph Kabila considèrent cette annonce de Tshisekedi comme un non-événement, ils ne tarderont pas à faire face à la réalité lorsque le jeudi 10 décembre, suite à une pétition des députés nationaux, le Bureau de l’Assemblée nationale que dirige Jeanine Mabunda tombe à la faveur d’un vote majoritaire des élus du peuple pour une destitution des dirigeants de leur chambre. Pour de nombreux analystes politiques, la messe a été ainsi dite, la majorité pour laquelle le camp Kabila se bombait le torse, s’est avérée inexistante, enterrant dans la foulée la coalition FCC-CACH. Deux ans après sa mise en place, cette coalition n’a pas donné satisfaction au peuple, aucune retombée à se mettre réellement sous la dent. C’est ce qui justifie d’ailleurs la liesse qui a sanctionné la déchéance de Jeanine Mabunda et la consécration de la fin de la coalition.

Bienvenue dans l’opposition !

 Le samedi 05 décembre, Joseph Kabila est annoncé du côté de la Province du Haut-Katanga, des rumeurs fusent alors de partout faisant allusion à un meeting que le leader du FCC doit tenir tandis que d’autres, beaucoup plus alarmistes, pensent déjà à la mise en branle d’une rébellion dans le fief de Kabila. Dans cet imbroglio informationnel, le voyage de Joseph Kabila sera ajourné, d’aucuns estiment que ce déplacement aurait fait de l’ombre au discours du Chef de l’Etat sur les conclusions de ses consultations. Ce n’est qu’après la déchéance de Jeanine Mabunda et l’annonce de la fin effective de la alition FCC-CACH que le premier sénateur ad vitam aeternam, Joseph Kabila sera autorisé de s’envoler le vendredi 11 décembre pour la ville de Kolwezi, chef-lieu de la richissime province du Lualaba. A son arrivée dans la capitale du cobalt, Joseph Kabila porté en triomphe par une foule immense visiblement acquise à sa cause a pris la parole pendant une poussière de minutes en déclarant dans un swahili baignant dans son rare sourire pourtant convivial : « aujourd’hui, je ne suis pas venu parler. Je suis là pour vous saluer et vous dire tout mon amour… ». Des mots forts et profonds qui ont laissé entrevoir le début d’une série des contacts avec le peuple dont il est resté quelque peu éloigné. Un autre son de cloche fait comprendre que Kabila est rassuré du fait qu’il soit le seul membre du Front Commun pour le Congo à réellement travailler pour lui. En 2008, il se plaignait de manquer 15 personnes pour matérialiser sa vision, année après année, il perd ses plus fidèles lieutenants pressés de le remplacer au pouvoir. En 2018, son dauphin à la Présidentielle ne parvient pas à se faire élire Président alors qu’une grosse machine politique, le FCC regroupe d’immenses poids lourds politiques tels que Bahati Lukwebo, José Makila, Jean-Luc ien Busa, Jean-Claude Baende, Aubin Minaku, Evariste Boshab, André Kimbuta, etc. Et surtout quand Kabila pense à ces nombreux millions de dollars mobilisés pour la campagne de son dauphin Shadary dont certaines sources affirment avoir été sérieusement détournés, il a des raisons de ne plus avoir totalement confiance en ses poulains. L’échec lors du vote pour la déchéance de Mabunda au bureau de l’Assemblée nationale a confirmé tous les doutes de Joseph Kabila. Mille et une raisons pour ce nouvel opposant politique congolais de commencer à ratisser large. De la rébellion au pouvoir, Joseph Kabila n’a jamais œuvré dans l’opposition politique, il a toujours été de l’autre côté de la baie, il devra y faire ses premiers pas dans les échéances à venir. Comment ? Fin stratège aimant s’adonner aux surprises et coups de dernières minutes, Joseph Kabila a certainement quelques tours dans ses manches. De l’argent, de l’influence et encore quelques fidèles-caciques dont sa femme Olive Lembe, l’homme n’est pas totalement fini. Il a certes perdu une bataille majeure, cependant, qu’en est-il du reste ? Vivra, verra ! 

HESHIMA

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