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Opérations militaires RDC-Ouganda : voici ce que craint Kagame

Les armées congolaise et ougandaise ont lancé, fin novembre 2021, des offensives contre les terroristes des ADF dans l’Est de la République démocratique du Congo, sans en informer Kigali. Ce qui a mis le président rwandais dans tous ses états. Décryptage !

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Depuis le début des opérations conjointes menées par les deux armées contre les terroristes de l’Alliance des forces démocratiques (ADF), le Rwanda se montre de plus en plus critique vis-à-vis de son voisin congolais. Fin janvier 2022, son président, Paul Kagame, s’est plaint du fait que son pays n’a non seulement pas été associé à ces opérations militaires mais n’en a été informé qu’un mois plus tard. Le président rwandais ne comprend pas comment le gouvernement congolais avec lequel son pays entretient des bonnes relations depuis l’accession du président Tshisekedi à la magistrature suprême puisse le mettre à l’écart alors que, dit-il, la RDC et le Rwanda cherchent encore des solutions aux problèmes d’insécurité dans l’Est.

Comme si ces propos ne suffisaient pas, le président rwandais a agité la menace d’intervenir militairement en République démocratique du Congo avec ou sans la permission de Kinshasa. Kagame a tenu ces propos, le 8 février dernier, à Kigali, lors de la prestation de serment des nouveaux ministres. Dans sa déclaration, Paul Kagame a insisté sur le danger qui pèse sur son pays en raison de la présence des Forces démocratiques de libération du Rwanda (FDLR) dans l’Est de la RDC, où sont également présents les rebelles ougandais des Forces démocratiques alliées (ADF).

Face à cette menace de son territoire, Paul Kagame a affirmé qu’il y a un temps pour négocier et un temps pour trouver une solution sans demander la permission à qui que ce soit. Des propos directs et menaçants vis-à-vis de Kinshasa. Mais le régime de Félix Tshisekedi n’a pas réagi à ces menaces. « Le gouvernement congolais a opté pour le mutisme face aux provocations de Kigali », a commenté un professeur et docteur en Relations internationales consulté par Heshima Magazine.

Ce spécialiste des Grands lacs pense que le Rwanda pourrait passer à son action si son territoire est directement attaqué suite aux opérations menées en RDC par les armées congolaise et ougandaise. « Ça dépendra de dynamiques [évolution des faits sur terrain]. S’il y a des attaques avérées d’un groupe armé à partir de la RDC contre le territoire rwandais, Kigali pourrait faire valoir une disposition pour y intervenir. », pense ce spécialiste.  

Que craint Kagame ?

Pendant que les opérations militaires pour traquer les ADF se déroulent sur le sol congolais, Kagame, lui, craint. L’homme fort de Kigali craint deux choses, d’après un analyste. « C’est la perte de son influence dans la région des Grands lacs et, deuxièmement, c’est le risque de voir des rebelles pénétrer sur son territoire puisque ce pays n’est pas associé aux opérations militaires en cours en RDC », explique la source. Au sujet de la perte de l’influence, il faut souligner que le conflit entre Kigali et Kampala a poussé le président ougandais Yoweri Kaguta Museveni à approfondir sa coopération avec la RDC. Quand le Rwanda ferme sa frontière avec l’Ouganda, ce dernier se débrouille pour construire notamment la route de Bunagana en RDC afin de by-passer le Rwanda. Ce qui veut dire que les marchandises venant, par exemple, du port de Mombasa, au Kenya, et qui ont été privées de la route du Rwanda, pourraient directement passer par le Congo afin d’atteindre notamment le Burundi.

Même si le Rwanda vient de rouvrir sa frontière terrestre avec l’Ouganda, Kampala n’entend plus vivre ce genre de chantages dans l’avenir.  Ce qui fait que les opérations militaires conjointes sont aussi menées dans l’optique de permettre au projet de construction de routes d’évoluer. Longues de 223 kilomètres, ces routes relieront également l’Ouganda aux villes de Beni, Goma et Butembo dans l’Est congolais. Ce qui va intensifier les échanges commerciaux entre les deux pays, mettant un peu de côté le Rwanda. Autre chose, c’est que la soudaine proximité entre Kampala et Kinshasa intrigue le dirigeant rwandais, surtout qu’il vient de sortir d’un long conflit avec Museveni. Ne pas l’associer dans des opérations hautement sécuritaires dans la zone le met un peu dans un état de fragilité.          

L’autre volet de la crainte de Kigali, c’est la sécurité de son exigu territoire. « Il y a donc là une menace existentielle sur le Rwanda », pense un spécialiste de la région des Grands lacs. Compte tenu de l’exigüité de son territoire, Kagame a tendance à anticiper les menaces pour faire la guerre loin de ses frontières. A cet effet, par exemple, une attaque des FDLR (Forces démocratiques pour la libération du Rwanda) sur son territoire pourrait déclencher une entrée en RDC en termes de droit de poursuite de ces rebelles qui vivent au Congo depuis le génocide rwandais. Ou encore une attaque des éléments ADF au Rwanda et dont la base arrière serait identifiée en RDC peut aussi justifier l’intervention du Rwanda.            

Muzito réplique !

A ces menaces de Kigali, Kinshasa n’a toujours pas répliqué. C’est un certain Adolphe Muzito, ancien Premier ministre congolais, qui monte sur le ring. Il n’a d’ailleurs raté aucune provocation de Kigali. « Paul Kagame s’amuse, aucun pays ne peut balkaniser la RDC. Si Kagame ose, le Rwanda va disparaitre« , a répliqué le prédécesseur de Matata Ponyo lors d’un point de presse tenu le 15 février dernier à Bruxelles, en marge du sommet Union Européenne- Union Africaine. Pour lui, c’est impensable que le Rwanda attaque le Congo et réussisse. « Les Rwandais sont à peu près à 12 millions. Même s’ils entraient tous, ils vont se perdre dans nos forêts, on va les absorber », a-t-il déclaré.

Heshima

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