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Interview Exclusive: Rose Mutombo vante la fin du régime des intouchables

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Heshima Magazine : Presqu’une année après votre arrivée à la tête du Ministère congolais de la Justice. Que doit-on retenir ? Que considérez-vous comme performance de la dame Ministre que vous êtes ?

Rose Mutombo : Sans fausse modestie, je puis vous dire que plusieurs actions ont été posées pendant mes dix mois à la tête de ce Ministère, mais beaucoup reste encore à faire au regard d’énormes défis que notre pays a emmagasinés depuis des décennies. Ces actions paraissent moindres par rapport à la densité des défis. A titre illustratif, je vais épingler la réactivation du cadre de concertation entre le Conseil supérieur de la magistrature, du moins son bureau et le Ministre que je suis. 

Les grandes questions qui intéressent l’administration de la justice et la politique judiciaire y sont débattues. L’amélioration significative des conditions carcérales des personnes par une alimentation de qualité avec un menu diversifié. 

Le repas communément appelé « Voungulé » est relégué au passé, la régularité de la ration des prisons subventionnées, l’amélioration des conditions salariales des magistrats dont la rémunération est passée du simple au double depuis juillet 2021. La fin du régime des intouchables. L’ouverture de l’Ecole de formation du personnel pénitentiaire du Centre de détention de Luzumu dans la province du Kongo Central.

HM: Depuis quelques années, on parle de la réforme de la justice, mais on a comme l’impression que la situation va de mal en pis. Pourquoi le changement dans ce domaine n’est pas toujours au rendez-vous alors que le Chef de l’Etat s’en plaint ?

 Le jugement sur la justice congolaise ressemble à l’anecdote du « verre à moitié plein, verre à moitié vide ». En effet, les états généraux de la justice tenus du 27 avril au 2 mai 2015 avaient listé un certain nombre de recommandations dont l’amélioration des conditions sociales du personnel judiciaire, le renforcement des capacités dudit personnel et la couverture judiciaire. Depuis mon avènement, je me suis affairée comme indiqué précédemment à obtenir l’amélioration des conditions salariales des magistrats. Pour l’année en cours, il est prévu le recrutement des magistrats et le désengorgement des centres urbains par l’affectation des magistrats dans l’arrière pays avec une prime de brousse. 

HM: Le chef de l’Etat avait, en 2021, indiquait que « la corruption continue même dans la justice censée la combattre  ». Avez-vous un plan pour déraciner la corruption dans tous les segments de la justice ?

 Pour endiguer dans la mesure du possible ou du moins, amoindrir son impact dans le secteur de la justice, il me parait plus qu’indispensable de faire respecter le code de l’agent public de l’Etat pour tout le personnel. Particulièrement pour les magistrats, j’ai suggéré au bureau du Conseil supérieur de la magistrature lors de nos différentes rencontres, de rendre opérationnelles les chambres disciplinaires avec l’amélioration des conditions de travail. Le magistrat n’a plus à se cacher derrière une modicité du traitement, sa rémunération ayant été sensiblement revue à la hausse. Il revient donc au Conseil supérieur de la magistrature, organe de discipline des magistrats, de sanctionner tous les magistrats véreux et corrompus, la magistrature étant un corps d’élite.

 HM: Il semble que beaucoup de dossiers de détournement déposés par l’Inspection générale des finances au ministère de la Justice trainent dans les tiroirs. Quel est votre plan ?

L’Inspection Générale des Finances, reconnaissons-le, a abattu ces deux dernières années, un travail remarquable. Chaque fois que je suis saisie par elle, même par simple ampliation, j’use promptement des prérogatives me reconnues au travers l’article 70 de la loi organique portant organisation, fonctionnement de l’ordre judiciaire en donnant injonction aux Procureurs généraux. 

HM : Parlant de la sanction contre les magistrats véreux, jusqu’où comptez-vous aller? En combien de temps ?

Je tiens à préciser que conformément à l’article 152 de la Constitution, le régime disciplinaire des magistrats est le fait du Conseil supérieur de la magistrature. En clair, depuis la promulgation de la Constitution de février 2006 et les lois organiques subséquentes, les magistrats sont gérés par leurs pairs. Toutefois, dans le cadre de la collaboration institutionnelle, je veille à ce que la discipline soit assurée au sein de ce corps. 

HM:  Le chef de l’Etat a dernièrement demandé au gouvernement de finaliser avec le concours du Conseil supérieur de la magistrature le processus de recrutement des magistrats. Où en sommes nous ? Pensez-vous que c’est une carrière attractive ?

Le recrutement des magistrats est plus qu’une nécessité car le déficit quantitatif est énorme en considération des états des lieux établis à cet effet lors des assises des états généraux de la justice de 2015. La Politique Nationale de la Réforme de la Justice, PNRJ, en a établi le gap en termes de 10.000 magistrats mais en ayant égard à l’impact financier qu’une telle opération devrait avoir, il parait judicieux de procéder graduellement à ce recrutement. C’est dans ce cadre que pour l’année 2022, il est prévu de recruter seulement 2.000 magistrats. 

HM : Au sujet de Congo Holdup, vous avez officiellement saisi le procureur pour l’ouverture d’une instruction judicaire sur les révélations de détournements de fonds publics. Comment évolue ce dossier ?

Comme je l’ai indiqué ci-haut, en référence à l’article 70 de la loi organique portant organisation et fonctionnement et compétences des juridictions de l’ordre judiciaire, j’ai effectivement donné injonction au Procureur général aux fins d’ouvrir des enquêtes. Mais il sied de préciser que ledit article in fine, stipule que le Ministre de la Justice qui donne injonction des poursuites, ne doit pas interférer dans la poursuite de l’action publique. C’est aussi cela l’Etat de droit avec la séparation des pouvoirs.

 HM:  Presque toutes les prisons de la RDC sont dans un état vétuste et les prisonniers y vivent dans des conditions inhumaines. Quelle est le plan de la République à cet effet ? 

Dès ma prise de fonction à la tête du ministère de la Justice, j’ai, grâce aux partenaires techniques et financiers et les cadres de l’administration pénitentiaire de mon ministère, élaboré la cartographie pénitentiaire des prisons qui en urgence doivent être construites ou réhabilitées. Nous nous sommes engagés avec les moyens du gouvernement ainsi que ceux des partenaires, à rétablir certaines prisons. C’est le cas de la prison de Kabare dans la province du Sud-Kivu qui a été livrée à la fin du mois de février 2022 et grâce à un nouveau concept, la Prison de Munzenze de Goma et de Bukavu seront réhabilitées. Cette question reste tout de même un grand défi.

 Propos recueillis par HESHIMA

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