Société

Conflits Teke-Yaka : un chef coutumier veut rapprocher les deux camps

Les violents affrontements interethniques entre les Téké et les Yaka dans le territoire de Kwamouth, en province du Maï-Ndombe, ont été portés au sommet de l’Etat. Parmi des solutions envisagées, un dialogue entre les deux communautés. Sur une radio à Kinshasa, un chef coutumier de la contrée dit avoir reçu la mission de rapprocher les deux protagonistes.

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Comme en témoignent des sources proches de la Présidencede la République, après avoir condamné les exactions commises dans ce territoire, lesquelles ont heurté les sensibilités au niveau national, le chef de l’État, Félix Tshisekedi, a instruit les ministres de l’Intérieur, de la Justice et de la Défense, à travers leurs services spécialisés sous la coordination du Premier ministre, de documenter les faits infractionnels sur l’ensemble du périmètre concerné de la zone de conflit.

Sur la table du Président de la République, un ordre de mission a également été émis au nom du chef coutumier Suku, Fabrice Zombi Kavabioko. Intronisé grand-chef coutumier Minikongo, ce dernier a mené une délégation chargée de s’enquérir de la situation dans le territoire de Kwamouth. Invité de l’émission Parlons-en sur Top Congo Fm, le grand-chef coutumier Minikongo a relevé sur terrain des faits d’atrocités commises entre d’une part, les Yaka et, d’autre part, les Teke. Porté par l’espoir et la conviction que les parties en conflit, après avoir écouté les principaux acteurs, parviendront à trouver un terrain d’entente, le Mfumu Minikongo a procédé par deux démarches : s’enquérir de la situation générale des conflits et rassembler les leaders concernés en vue de la récupération des armes dont ils détiennent. 

De ce fait, près de 90 armes dont au moins 5 AK-47 ont été récupérées chez les Yaka. Selon les Teke, les Yaka se sont emparés des armes de guerre grâce à leurs gris-gris qui les rendent invulnérables à savoir, le Mobondo. A l’aide des flèches empoisonnées, les Yaka se sont emparés des armes abandonnées par des assaillants tués ou en fuite. A en croire Fabrice Zombi, une énorme quantité d’armes et munitions est encore à récupérer auprès des protagonistes. Mais environ 200 machettes ont été remises à sa délégation.

« Dans la localité de Kisili, le chef du village a réclamé au « Nkiavu » en face le versement d’une amende évaluée à 30 000 (francs congolais) afin que la terre leur accorde le pardon pour des atrocités causées », a indiqué Minikongo sur Top CongoFM. Pour lui, la solution à la crise est à trouver dans la voie coutumière. On ne peut pas encore engager un dialogue sans trouver la solution à la paix, a-t-il indiqué.

Le bilan présenté par Minikongo fait état de 42 sujets Yaka tués dans les affrontements de mardi 11 octobre. Il dit par ailleurs attendre du président de la République la décision d’initier une deuxième expédition dans le territoire. La deuxième mission des chefs traditionnels aura alors pour but de trouver la solution à travers le dialogue.

La part du gouvernement

L’objectif de cette démarche est d’accélérer le rétablissement de l’ordre public dans le Grand-Bandundu,puisque le conflit affecte aussi d’autres provinces démembrées telle que le Kwilu. A l’issue de la réunion du Conseil des ministres tenu le 7 octobre 2022, Félix Tshisekedi a reconnu que les conflits Teke-Yaka ont pris des allures inquiétantes avec des pertes en vies humaines et dégâts matériels énormes.

Il a regretté que cette situation ait troublé la paix entre communautés qui ont toujours vécu en harmonie. « Au-delà des efforts louables déployés à la fois par les autorités provinciales et celles du gouvernement central, d’autres défis demeurent, notamment la sécurisation de la route nationale numéro 17 », a assuré chef de l’Etat. 

A cet effet, Félix Tshisekedi a lancé un appel au calme à l’ensemble de la population du Grand Bandundu et lui demande de redoubler de vigilance afin de dénoncer tout acte susceptible d’exacerber le conflit. Il a par ailleurs encouragé le ministère des Affaires sociales, Action humanitaire et Solidarité nationale, à activer rapidement un plan de gestion des flux migratoires à impact social, comme réponse rapide et efficace pour une prise en charge des personnes affectées.

Le président de la République a, en outre, instruit le ministre des Affaires sociales de lancer sans délai une campagne de solidarité nationale en mettant à contribution la société civile pour la sensibilisation de la population à cultiver la paix dans ce coin du pays. C’est depuis le mois d’août que ces tensions perdurent. Plus de 40 personnes ont été tuées et plus de 200 maisons incendiées.

Indigènes et allogènes

Début août, les membres des communautés Teke et Yaka se sont affrontés à l’arme blanche, notamment dans la cité de Kwamouth, à une centaine de kilomètres de la capitale, Kinshasa. Les Teke se considèrent comme originaires et propriétaires des villages situés le long du fleuve Congo sur une distance d’environ 200 kilomètres. Les Yaka sont venus s’installer après.

Pour Fidèle Lizorongo, membre de la société civile de la province de Maï-Ndombe, le recours à la justice aurait été plus efficace que le recours à la force.

Tout est parti de mesurettes de maïs

« Le vrai conflit entre les Teke et les Yaka est né d’une brutale exigence de redevance que les Teke ont demandée aux Yaka », explique-t-il. « Cela est passé de cinquante mesurettes de maïs à 150 mesurettes et d’un sac de cossette de manioc à cinq sacs. Mais du moins, il me semble que les Yaka n’auraient pas dû faire la guerre mais ils devaient en principe saisir la justice pour qu’elle puisse les départager. », estime-t-il. La situation entre les Teke et les Yaka est complexe et difficile à décortiquer, estime pour sa part le député Guy Mosomo. Cet élu du territoire de Kwamouth, où se déroulent les conflits, soupçonne une instrumentalisation du conflit.

Cohabitation pacifique

« Lorsque nous sommes allés à Kwamouth avec la délégation gouvernementale, raconte Guy Mosomo, dans le groupe que nous avons reçu, ils nous ont tous dit qu’ils ne comprenaient pas la situation parce que les Teke et les Yaka ont toujours vécu ensemble, il y a eu des mariages entre les deux communautés. Mais le fait que certains prennent des armes pour s’attaquer aux Teke, ils ne le comprennent pas. 

La situation s’est enlisée à un moment mais maintenant il y a une certaine stabilité parce que les auteurs des massacres sont en train d’être arrêtés. Aujourd’hui par exemple, on en a arrêté quelques-uns vers le village Mibe, ils sont à la police de Mashambio. »

Faire agir les autorités centrales

Sur place, Rita Bola, fraîchement élue gouverneure, est revenue sur les problèmes auxquels elle a dû faire face depuis sa prise de fonction : « Pour moi la première des choses c’était d’entendre les vraies causes et de faire agir le gouvernement central. Nous ne sommes ni la police ni l’armée. Politiquement, nous venons rétabli la paix pour qu’elle puisse perdurer. A l’heure actuelle, les gens sont en train de retourner dans leurs villages. Personnellement, je suis allée les rassurer. Il y a des vivres qui sont venus du gouvernement central et nous aussi au niveau de la province, nous avons contribué en donnant plusieurs centaines de tôles pour que ceux dont les maisons ont été brûlées puissent y retourner. », a déclaré la gouverneure de Maï-Ndombe.  

Raymond OKESELEKE

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