Interview

« Il faut une planification territoriale responsable et équilibrée » Guy LAONDO MBOYO Ministre d’État, ministre de l’Aménagement du Territoire.

Ministre d’État, ministre de l’Aménagement du Territoire, Guy Loando Mboyo évoque le bilan de son action à la tête de ce portefeuille. Dans une interview exclusive accordée à Heshima Magazine, il parle des réformes qui visent à promouvoir un développement équilibré et durable de la République démocratique du Congo dans son secteur. Entretien !

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HM Monsieur le ministre d’Etat Guy Loando, ça fait deux ans que vous êtes à la tête du ministère de l’Aménagement du Territoire. Quel bilan pouvez-vous dresser aujourd’hui et quelles sont vos perspectives d’avenir ? 

En ce qui concerne mon bilan, depuis mon arrivée au ministère de l’Aménagement du Territoire en 2021, nous avons réalisé et enregistré avec le concours de tous les services placés sous ma tutelle, plusieurs avancées significatives dans le domaine de nos attributions. Nous avons mis en place des réformes visant à promouvoir un développement équilibré et durable de notre pays. 

Nous avons une loi qui donnera au pays un arsenal juridique solide pour la gestion de l’espace physique. Elle a été reconnue constitutionnelle par la Cour et est actuellement en débat au parlement. Ces réformes contribuent à renforcer la planification territoriale, à améliorer la gestion des ressources naturelles, et à promouvoir l’urbanisme et le développement rural. 

Nous avons également lancé des programmes de sensibilisation pour vulgariser les instruments de réforme de l’aménagement du territoire, tels que le programme Revite (Repensons à nos villages, villes et territoires), qui consiste à impliquer les citoyens dans le processus de planification et de développement.

 Cette sensibilisation s’inscrit dans le cadre du « Programme Développement Local de 145 Territoires » impulsé par Son Excellence Monsieur le Premier ministre, chef du gouvernement, Sama Lukonde Kyenge, pour matérialiser la vision du chef de l’Etat, Félix Antoine Tshisekedi Tshilombo. Aussi, nous avons réalisé un Annuaire national de ressources naturelles renouvelables et non renouvelables du sol et du sous-sol. 

En ce qui concerne les perspectives d’avenir, nous nous engageons à poursuivre nos efforts pour renforcer davantage l’aménagement du territoire en République démocratique du Congo. Nous souhaitons continuer à promouvoir un développement territorial équilibré, à consolider les capacités des acteurs locaux, à améliorer la gouvernance territoriale et à favoriser l’investissement dans les infrastructures. 

HM Que faut-il entendre par aménagement du territoire et en quoi diffère-t-il de l’urbanisme ?

 L’aménagement du territoire est l’art ou la technique de disposer avec ordre, à travers l’espace d’un pays (tel que la RDC), dans une vision prospective, les hommes, leurs activités, les équipements et les moyens de communication qu’ils peuvent utiliser en prenant en compte les contraintes naturelles, économiques, humaines, voire stratégiques. En bref, l’aménagement du territoire est un ensemble de modifications délibérées opérées sur le territoire relatif à l’organisation spatiale des investissements, des ressources naturelles, économiques et financières. Il a pour finalité l’optimisation de la production rurale tout en préservant l’environnement et la distribution d’installations, d’établissements au sein des unités territoriales du pays. Il s’agit d’une approche globale qui aspire à un développement harmonieux et équilibré en prenant en compte les aspects économiques, sociaux, environnementaux et culturels.

L’urbanisme, quant à lui, se concentre sur la planification et la gestion des villes et des espaces urbains. Il poursuit l’agencement et la rénovation de la vie urbaine en considérant les infrastructures, les équipements, l’habitat, le transport, etc.

 En résumé, l’aménagement du territoire et l’urbanisme orchestrent l’espace physique national, mais le ministère que j’ai l’honneur de diriger va au-delà en intégrant également les zones rurales, les milieux urbains, les ressources naturelles, la protection de l’environnement et la coordination entre les différents acteurs territoriaux.

 HM Vous vous êtes rendu le 15 mai dernier à l’Assemblée nationale pour présenter les avancées enregistrées dans le cadre de la réforme de l’aménagement du territoire en RDC. Que peut-on retenir de cette réforme ?

 Depuis Juin 2015, la République démocratique du Congo (RDC) s’est engagée dans le processus de la réforme de l’aménagement du territoire qui s’inscrit dans le cadre du processus de Réduction des Emissions dues à la Déforestation et à la Dégradation des Forêts (REDD+). En novembre 2012, le gouvernement a validé la Stratégie-Cadre nationale REDD+. La Stratégie-Cadre nationale REDD+ compte 7 piliers à savoir : l’aménagement du territoire, l’agriculture, la forêt, le foncier, la démographie, l’énergie et la gouvernance. 

Dans l’optique de cette réforme, nous avons institué de nouvelles structures chargées de l’aménagement du territoire, telles que l’Agence nationale d’aménagement du territoire (ANAT), le Fonds national de l’aménagement du territoire (FONAT) et l’Office de l’aménagement du territoire (ONAT). La réforme a également permis d’élaborer une nouvelle loi sur l’aménagement du territoire, qui est en débat au parlement. 

Cette loi vise à fournir un cadre juridique solide pour la planification territoriale, la gestion des ressources naturelles, l’urbanisme et le développement rural. Parmi les avancées notables de cette réforme, on peut également citer : la Politique nationale d’aménagement du territoire (PNAT) respectueuse de la ressource forestière et des droits et besoins des communautés locales et peuples autochtones ; la loi relative à l’aménagement du territoire (LAT) ; le Schéma national d’aménagement du territoire (SNAT) dans une perspective de gestion rationnelle, durable et économe de l’espace ; les guides méthodologiques pour l’élaboration des provinciaux, locaux et simples d’aménagement du territoire (GM). 

HM Quels sont les objectifs poursuivis dans lesdites réformes ?

 Les réformes de l’aménagement du territoire que nous menons ont pour objectif de mener à un développement territorial équilibré et durable en assurant une répartition équitable des infrastructures, des services et des opportunités économiques. Elles cherchent également à intensifier la gestion des ressources naturelles, à raffermir la gouvernance territoriale, à susciter l’investissement dans les infrastructures, à optimiser l’urbanisme et le développement rural.

Nous avons l’ambition de transformer le paysage territorial du pays, de créer un environnement favorable à un développement économique, social et environnemental durable, et de favoriser l’inclusion sociale à travers le perfectionnement de l’accès aux services de base. 

HM Qu’en est-il de la loi sur l’aménagement du territoire ? A quand sa promulgation et qu’est-ce qui pourra changer avec sa promulgation ? 

La loi sur l’aménagement du territoire en République démocratique du Congo est en cours de débat au parlement, et son adoption est essentielle pour renforcer le cadre juridique et institutionnel de l’aménagement du territoire dans le pays. Cette loi vise à introduire des changements significatifs pour soutenir un développement territorial équilibré et durable.

L’un des aspects clés de cette loi est l’introduction de mécanismes de planification territoriale à différentes échelles, allant de l’échelon national à l’échelon local. Cela permettra d’assurer une coordination et une cohérence entre les différents niveaux de gouvernance, en garantissant que les politiques et les actions d’aménagement du territoire soient alignées et complémentaires. 

La dimension environnementale joue également un rôle central dans la loi sur l’aménagement du territoire. Elle a pour but d’intégrer la protection et la gestion durable des ressources naturelles dans les processus de planification, afin de préserver l’environnement et de privilégier un essor respectueux de la biodiversité et des écosystèmes.

Une autre caractéristique importante de cette loi est la promotion de la participation citoyenne dans les décisions liées à l’aménagement du territoire. Elle vise à donner aux communautés locales la possibilité de s’exprimer, de participer activement aux choix qui les concernent et d’influencer les politiques d’aménagement du territoire. Cela facilitera une prise de décision plus inclusive et une meilleure adéquation des plans d’aménagement aux besoins et aspirations des populations locales. 

La loi sur l’aménagement du territoire prévoit également l’activation de mécanismes de coordination et de collaboration entre les différents acteurs territoriaux, tels que les administrations locales, les ministères sectoriels et les partenaires de développement. Cette approche intégrée occasionnera une meilleure gestion des ressources, une optimisation des investissements et une coordination efficace des actions à même d’atteindre un développement territorial harmonieux. Enfin, la loi mettra en œuvre des dispositifs de suivi et d’évaluation afin de déterminer l’opérationnalisation des plans d’aménagement du territoire et mesurer leur efficacité. 

Cela permettra d’ajuster les politiques et les actions en fonction des résultats obtenus, assurant ainsi une adaptation continue aux besoins changeants du pays et des communautés locales. En somme, la loi sur l’aménagement du territoire en République démocratique du Congo constitue une avancée majeure pour promouvoir un développement territorial équilibré, durable et participatif. 

« Nous avons une loi qui donnera au pays un arsenal juridique solide pour la gestion de l’espace physique. »

Son adoption permettra de mettre en place un cadre solide et cohérent pour orienter les politiques d’aménagement du territoire et certifier une gestion efficace et harmonieuse des ressources et des territoires. 

HM Lors du dernier briefing avec le ministre Patrick Muyaya, vous avez fait état des actions du ministère de l’Aménagement du Territoire qui reposent sur un certain nombre d’instruments, d’outils. Quels sont-ils ? 

Au sein du ministère de l’Aménagement du Territoire, nous utilisons divers instruments pour réussir une planification territoriale efficace et durable. Parmi ces instruments, nous élaborons des plans d’aménagement du territoire qui définissent les orientations stratégiques pour le développement à différentes échelles. Nous utilisons également des schémas directeurs pour guider le développement des zones urbaines et rurales spécifiques. 

De plus, nous établissons des normes et réglementations pour encadrer les activités d’aménagement du territoire. Nous élaborons des mécanismes de coordination pour obtenir une approche intégrée, ainsi que des outils de suivi et d’évaluation pour évaluer les progrès. Nous organisons des programmes de sensibilisation et de formation, ainsi que des mécanismes de participation  citoyenne pour impliquer les populations dans les décisions. Ces instruments sont essentiels pour privilégier un développement équilibré et durable et une gestion cohérente de l’aménagement du territoire.

 HM Apparemment vous êtes déterminé à éradiquer l’anarchie trouvée dans votre secteur. Comment comptez-vous vous y prendre ? 

Effectivement, notre objectif est de lutter contre l’anarchie et de promouvoir une planification territoriale ordonnée et réglementée. Pour y parvenir, nous instaurons différentes mesures et actions. Il s’agit d’accroitre les capacités institutionnelles en leur fournissant les ressources nécessaires, en optimisant leur fonctionnement et en développant leurs c o m p é t e n c e s techniques et opérationnelles. Nous militons pour l’application stricte des normes et réglementations, notamment en rapport avec les règles de construction, l’utilisation des sols, la protection de l’environnement, etc. Nous sommes déterminés à lutter contre les pratiques illégales et informelles qui conduisent à l’anarchie.

«Nous militons pour l’application stricte des normes et réglementations, notamment en rapport avec les règles de construction, l’utilisation des sols…»

Nous travaillons à perfectionner la gouvernance territoriale en misant sur la transparence, la responsabilité et la participation citoyenne, pour une gestion plus efficace et équilibrée de l’aménagement du territoire. L’objectif est de faire prendre conscience de l’importance de la planification territoriale et des conséquences néfastes de l’anarchie. Nous cherchons à valoriser une culture de l’aménagement du territoire responsable et à informer sur les bénéfices d’une planification ordonnée.

Il faut savoir que le Gouvernement de la République est déterminé à appliquer des sanctions appropriées en cas de non-conformité, afin de dissuader les comportements anarchiques. En combinant ces différentes mesures, nous sommes résolument engagés à éradiquer l’anarchie dans le secteur de l’aménagement du territoire en RDC et à parfaire un développement territorial harmonieux, durable et bénéfique pour tous. 

HM En juillet 2021 vous avez lancé la campagne de sensibilisation pour vulgariser les instruments de réforme de l’aménagement du territoire à travers le programme Revite (Repensons à nos villages, villes et territoires). Quel est l’avantage de ce programme et à quel horizon temporel s’applique-t-il ? 

Le programme Revite a pour objectif de sensibiliser et d’associer les acteurs locaux dans la réforme de l’aménagement du territoire en RDC. Il présente plusieurs avantages importants. Tout d’abord, il permet de sensibiliser un large public, incluant les communautés locales, les autorités locales, les professionnels de l’urbanisme, les ONG et la société civile, aux enjeux de l’aménagement du territoire.

Cela contribue à faire prendre conscience de l’importance d’une planification territoriale responsable et équilibrée. De plus, le programme se préoccupe à rendre les instruments de réforme de l’aménagement du territoire accessibles et compréhensibles pour tous, en informant sur les outils, lois, normes et réglementations qui régissent l’aménagement du territoire. Ainsi, il invite à une meilleure appropriation et application de ces instruments. 

Enfin, le programme Revite s’inscrit dans  une perspective à long terme, reconnaissant que la réforme de l’aménagement du territoire est un processus complexe et évolutif. Il nécessite donc un engagement soutenu de tous pour obtenir des résultats durables et créer une culture de l’aménagement du territoire à long terme. 

HM Il semble que le gouvernement a décidé de mettre fin à l’utilisation abusive de l’espace physique de la RDC pour éviter des inondations, éboulements et autres catastrophes naturelles. Qu’en est-il ?

L’implémentation d’une planification territoriale solidifiée et le strict contrôle de l’application des réglementations sont les principales interventions entreprises par le gouvernement de la RDC pour remédier à l’utilisation abusive de l’espace physique. Cela comprend l’élaboration de plans d’aménagement du territoire qui prennent en compte les risques naturels, identifient les zones à haut risque telle que les zones inondables ou à risque d’éboulements, et restreignent les constructions dans ces zones sensibles.

 De plus, des mesures de contrôle sont affectées afin que les projets de construction respectent les normes de sécurité et de stabilité, et des sanctions sont appliquées en cas de non-conformité. En combinant ces différentes mesures, nous sommes déterminés à éradiquer l’anarchie dans le secteur de l’aménagement du territoire en RDC et au déploiement d’un développement territorial harmonieux, durable et bénéfique pour tous. 

HM Vous avez récemment, avec Mme Masuka, procédé au lancement des travaux d’élaboration du Plan local d’aménagement pour l’extension de la ville de Kolwezi en quatre nouvelles communes. Est-ce pourqoui ? 

L’extension de la ville de Kolwezi en quatre nouvelles communes est une initiative importante en guise d’un développement territorial équilibré dans cette région. Il s’agit d’un exemple concret de l’application des principes de l’aménagement du territoire pour guider l’expansion urbaine de manière planifiée et ordonnée. De deux communes, elle passera à 6. Ainsi avoir dans son espace physique le siège du gouvernorat. De plus, la ville de Boma est également concernée par cette résolution. Elle a été retenue comme ville témoin pour la réalisation des nouvelles villes durables et vertes.

 HM En tant que leader du Grand Equateur, vous dépensez beaucoup d’argent dans la construction des ouvrages, particulièrement à Boende dont le stade, l’aérogare et le mausolée d’Isidore Bakanja. Qu’en tirez-vous comme bénéfice ?

« Nous avons l’ambition de transformer le paysage territorial du pays, de créer un environnement favorable à un développement économique, social et environnemental durable… »

 Les ouvrages que nous avons réalisés, tels que le stade, l’aérogare et le mausolée d’Isidore Bakanja à Boende, ont été entrepris dans le cadre du développement et de l’amélioration des infrastructures de la région du Grand Équateur. Ces investissements visent à consolider les capacités locales, à déployer le tourisme et à répondre aux besoins de la population en matière d’infrastructures de qualité. Les bénéfices que nous en retirons sont multiples : ils contribuent à la croissance économique de la région, accélèrent le bienêtre des habitants et élèvent la fierté et l’identité locale.

HESHIMA

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